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En 2018, il fallait converser AMI, en 2019, J.O. En 2020, les élections municipales sont sur tous les trottoirs. Pour avoir une chance de les remporter, et plus tard de gouverner, quel sera le lexique de la ville ? Le champ lexical de l’architecte ? Le hashtag du journaliste ? Le vocabulaire d’un futur adjoint à l’urbanisme ? Petite grammaire de la ville en 2020 et des grandes questions qui mettront les esprits en ébullition.
LA VILLE DURABLE
En cette nouvelle décennie, après les chaleurs estivales étouffantes et les inondations fulgurantes de l’automne, la question de la construction de la ville durable, à l’épreuve du temps qui passe et du temps qu’il fait, sera on-ne-peut plus à l’ordre du jour.
La ville durable ne paraît être que le continuum logique de l’engagement des citoyens et de la société pour une société plus verte, plus résiliente et davantage capable d’absorber et de contrer les changements climatiques immuables que nous avons engendrés ces dernières années. Si on regrettera que la ville suive la génération «Greta», et non l’inverse, d’aucuns se féliciteront de la prise de conscience collective dès la strate municipale, en espérant en la sincérité de bons mots, eux aussi durables au moins six ans.
LES MOBILITES DOUCES
Depuis le 5 décembre 2019 jusqu’au moins la mi-janvier 2020, le pays a vu se gangrener un conflit social sans précédent, paralysant la vie de tous. Si la révolution du télétravail permet à certains d’éviter les foules dans les couloirs du métro devenus dangereux, d’autres, obligés de se déplacer, ont jeté leur dévolu sur les petites roues des trottinettes, ou les plus grandes des bicyclettes, modifiant brusquement la densité de ces engins sur les trottoirs des grandes villes.
Les voitures, coincées dans les embouteillages permanents, se sont vues rattrapées par des vagues de cyclistes, plus protégés qu’un cosmonaute de la NASA, ajoutant de nouvelles données à prendre en compte dans l’aménagement de la ville. Car il y a fort à parier que l’habitude aura été prise et que les vélos ne retrouveront plus leur place à la cave en attendant les prochaines vacances.
L’enjeux sera désormais de faire se mouvoir chacun selon la vitesse de l’engin élu, ensemble, car il serait bien dommage que le vélo et la trottinette, ne connaissent, à l’échelle des trajets courts, les mêmes reproches que la voiture des années 2000.
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LA SMART CITY
La smart city a fait une entrée remarquée en 2019. Elle porte avec elle pour les municipales de 2020 son lot d’enthousiastes de la modernité et de plus sceptiques. Nul ne pourra y échapper tant la gestion de la ville quotidienne est laissée aux prestataires désincarnés pour compter les usagers, allumer les lumières, collecter les déchets. La volonté des édiles est claire, il faut optimiser le système. Du côté des citoyens, l’inquiétude sourd un peu. Que vont-ils faire de toutes les données recueillies chaque jour ? A qui sont-elles vendues ? Pour quoi faire ?
A l’échelle de la cellule individuelle, la Lowtech fait aussi sensation. L’architecture est augmentée à grand renfort d’intelligence artificielle. Officiellement en vue de faciliter la vie de tout un chacun, mais l’œil de Moscou (ou des GAFAM) n’est jamais loin. D’autant que toute cette énergie, ces data centers vont paradoxalement bien à l’encontre des valeurs de préservation de la planète que prône le citoyen.
Mais bon, si c’est pour savoir depuis le trottoir ce qu’il reste dans le frigo pour pouvoir commander illico au supermarché du coin et passer au Drive avec son SUV urbain, avant de boulotter tout ça devant une série en streaming, avec un chauffage bien chaud… Bref, smart mais jusqu’où ? Le besoin est-il avéré ? Là aussi 2020 va devoir trancher parmi ces premiers émois.
REEMPLOI, REUTILISATION, REHABILITATION
De la ville aux matériaux, de la friche aux radiateurs, le réemploi sera le credo de la nouvelle année, voire de la décennie. Cette année devrait être livrée la réhabilitation de la Poste du Louvre, tandis que sera peut-être élucidé le mystère qui plane encore sur la Gare du Nord et de sa façade Hittorf, les études pour la réhabilitation et le réemploi de l’ancienne façade de la tour Montparnasse connaîtront leur régime de croisière.
La réhabilitation, surtout dans les métropoles denses aux centres anciens, est devenue une arme d’élection massive où l’ambiance vintage d’un vieil hôpital côtoie pour le plus grand plaisir des urbains les commodités les plus modernes, la pièce en plus, le potager sur le toit. Tout ça au prix d’un bilan carbone politiquement correct que les maires sortants feront en sorte de mettre en avant dans leur bilan.
Quant aux friches, lieux de rencontres, de fabrications, de créations, d’hébergement temporaire, de préfigurations, elles n’ont pas encore dit leur dernier mot.
LA VILLE INCLUSIVE
Avec des conflits sur tous les continents, des catastrophes climatiques à grande échelle tout autour du globe, des pays en faillite économique et sociale, des tensions politiques chaque jour renforcées, les routes migratoires de plus empruntées, la France, privilégiée au regard de bien des troubles contemporains, doit alors assumer ce statut de terre d’asile.
L’hébergement temporaire, ou moins, de ces populations restera encore cette année un des enjeux des métropoles. Comment accueillir dignement ceux qui n’ont pas choisi de partir ? Comment faire une place à ceux qui ont la volonté de rester ? Bref quelle réponse peut apporter la fabrique de la ville ?
Faire la ville inclusive et apaisée est aussi redonner confiance à ceux qui ont le sentiment d’avoir été abandonnés. Le sujet des banlieues n’est pas nouveau mais, au regard du succès du film Les Misérables de Ladj Ly, qui se déroule à Montfermeil, la question montre à quel point le sort des habitants des périphéries des villes est crucial dans le développement de chacun. Les futures équipes municipales auront sans doute aussi à plancher sur le sujet.
RALENTISSEMENT DU LOGEMENT VS BULLE TERTIAIRE
Cette nouvelle décennie s’ouvre sur des perturbations dans le secteur du logement. Evidemment, la campagne des municipales y est pour quelque chose. Mais pas partout. Les entreprises peinent à recruter tandis que la forte demande fait grimper le coût des matériaux. L’ombre de la suppression d’une partie de l’arsenal législatif qui visait à soutenir l’investissement (PTZ, Pinel) n’aide en rien. Résultat des courses, le recul des mises en chantier d’opération de logements neuf, même en zones tendues.
Pourtant, pendant ce temps-là, dans le Triangle d’Or des grandes Métropoles et à la Défense, les actifs tertiaires ne se sont jamais aussi bien portés, dopés par la perspective d’une arlésienne brexiteuse, créant une bulle immobilière pas si saine.
L’année 2020 s’ouvre donc sur des auspices sociaux, économiques, politiques et environnementaux houleux qui donneront du fil à retordre aux acteurs de la fabrique de la ville. En cette année d’élections municipales, quelles seront les priorités ? Affaires à suivre…
Alice Delaleu