L’agence Avenier Cornejo Architectes (Christelle Avenier, Miguel Cornejo) a livré en juillet 2019 à Paris (XII), pour Habitat Social Français maître d’ouvrage, 22 logements sociaux et deux locaux d’activités. L’ouvrage, d’un coût 3,65 M€ HT, qui présente les premiers logements sociaux parisiens à énergie positive labélisés BEPOS Effinergie, se joue des règlementations et des jardins interdits. Communiqué.
La rue de Charenton est l’une des plus anciennes et des plus longues rues de Paris. Elle donne à voir des constructions hétéroclites d’aspect comme de hauteur, à l’image du Paris des faubourgs, marqué ici et là par l’héritage haussmannien, faisant place au renouveau du XXe siècle et tutoyant des bâtiments anciens, éventuellement classés.
Sise au numéro 222, la parcelle concernée concentre chacun de ces indices parisiens. Elle profite de la perspective de la rue Bignon, une allée large, courte et piétonne, sorte de parvis arrière de la mairie du XVIIe arrondissement, un bâtiment construit dès 1876 selon les plans de l’architecte Antoine‑Julien Henard qui lui fait face, et elle s’aligne entre deux bâtiments de la rue de Charenton : un Haussmann sans chichi et un bâtiment 1900 en briques, très ornementé, propriété de la RIVP.
L’insalubrité du bâti existant imposait une démolition. Le concours organisé en 2015 par le bailleur Habitat Social Français pour la construction de 22 logements sociaux à énergie positive a été remporté par Avenier Cornejo. Les lauréats ont eu l’ambition de se fondre dans le tissu urbain tout en le réinterprétant, en assumant une fantaisie rigoureuse qui fait l’identité du projet et signe son caractère contemporain.
Pour concevoir un bâtiment “BEPOS”, c’est à dire un bâtiment qui produit plus d’énergie qu’il n’en consomme, la première réflexion des architectes a porté sur l’implantation et l’orientation, essentielles, de sorte à maximiser les apports renouvelables gratuits et la production d’énergie.
Plusieurs essais ainsi qu’une étude du contexte urbain et du PLU ont conclu à l’évidence de proposer un bâtiment compact, un U, tournant une grande façade sur le jardin au sud-ouest et limitant les ombres portées sur le bâtiment lui-même. Notons que cette façade de sept étages surplombe des villas urbaines et un jardin somptueux… mais privé, donc délivré de toute servitude de vue. «Le PLU permet en somme à ses heureux propriétaires d’en bénéficier sans être vus, et garantit aux occupants de l’immeuble un vis-à-vis dégagé et un calme olympien … en plein Paris. Un mal pour un bien donc, et une complexité digne du contorsionnisme pour les architectes voués à respecter ces règlementations», souligne Avenier Cornejo.
En attique, le bâtiment marque trois retraits successifs côté rue. Côté jardin, ces retraits permettent de libérer deux terrasses donnant sans les voir sur ces jardins voisins. Aux étages inférieurs, les terrasses qui prolongent les salons sont orientées de côté, vers la cour intérieure de la résidence, tandis qu’un mur en briques ajouré fait écran à toute vue latérale sur les jardins «interdits».
«Le bâtiment existant avait la particularité d’être en débord sur la voirie, une incongruité attachante que nous voulions conserver dans la nouvelle façade sur rue. Nous avons opté cependant pour la courbe qui permet une insertion fluide dans l’espace public et évite soigneusement la création de recoin. La vitrine des locaux d’activité installés au rez-de-chaussée s’y retourne pour plus de lumière et de transparence», explique Avenier Cornejo.
Hommage à la mairie et à son voisin du 224, le bâtiment arbore une façade sur rue en briques pleines à joins vifs dont le dessin tramé et la modénature réinterprètent les façades voisines. En réalité, il opère une transition entre ses deux constructions mitoyennes, du très sobre haussmannien au bâtiment plus fantaisiste à sa droite, dont les appareillages aux accents Art déco sont ici réinterprétés sur le nouveau bâtiment, dans un format plus éclaté et des couleurs plus nuancées, dans un style flirtant avec le Street art d’Invaders. «Le bâtiment s’intègre dans son environnement proche et parvient à réconcilier héritage et culture urbaine contemporaine dans un «arc de siècle» en briques», indique Avenier Cornejo
La façade sur le jardin vibre aux rayons du soleil grâce à des volets en aluminium perforé. Ce système d’occultation persienne gère la régulation thermique et l’intimité des terrasses comme des intérieurs. Les deux murs pignons affichent un dessin géométrique obtenu grâce à des briques de différentes natures (vernissées, émaillées bleu, en verre, …) qui reprennent le motif Art déco / Invaders de la façade sur un mode ici plus affirmé.
Les logements offrent des qualités d’usage augmentées. Les plus grands appartements sont traversant et bénéficient d’une ventilation naturelle. Ils possèdent tous un espace extérieur privatif, terrasse ou loggia en prolongement des salons. Chaque typologie d’appartement témoigne d’une recherche sur la qualité architecturale et spatiale qui se traduit par des portes coulissantes de toute hauteur permettant de partitionner l’espace ou au contraire de le libérer intégralement.
Les ouvrants de chaque pièce (salon et chambre) sont des portes-fenêtres offrant un rapport à l’extérieur avantageux. Les bois des parquets et des huisseries, le métal des serrureries, les volets coulissants permettant d’opacifier intégralement les chambres contribuent à la qualité d’usage de ces appartements.
Leur typologie se joue des servitudes de vue et de l’étroitesse de la parcelle pour proposer des logements dont toutes les pièces humides bénéficient d’un éclairage naturel, dotés de plan compacts, de nombreux rangements, de cuisines tantôt ouvertes tantôt fermées mais bénéficiant toute d’un premier jour, de salles de bains entièrement carrelées.
L’entrée de la résidence et le hall prolongent la continuité de la rue Bignon. Encadré par les devantures des locaux d’activités, vitré et traversant, ce hall crée une percée visuelle jusqu’au jardin de la résidence. «Cette entrée affirme son caractère néo-bourgeois. Le terrazzo, qui orne également les couloirs, propage cette impression de qualité dans les étages. Celle-ci est renforcée par la lumière naturelle baignant les paliers, magnifiant le terrazzo et faisant fondre au soleil la facture environnementale», poursuit Avenier Cornejo.
Cette lumière provient de la cage d’escalier logée contre la façade côté jardin, enroulée autour de l’ascenseur et éclairé d’une lumière qui se répand sur les étages par des portes palières en verre et aux huisseries de bois. Ces escaliers à claire-voie sont plus qu’une incitation, une véritable invitation à les utiliser et renoncer à l’ascenseur.
Un moucharabieh éclaire naturellement le local vélo tandis que les façades des locaux techniques sont minimisées sur rue pour valoriser les façades vitrées des activités commerciales. Un jardin est aménagé en coeur d’îlot, un endroit frais et naturel en équilibre avec les logements. Une végétation choisie, laissée libre, permet un entretien facile et occasionnel. Les terrasses du R+6 sont également végétalisées.
L’ambition BEPOS Efinergie du maître d’ouvrage a permis de mettre en place des systèmes innovants : chaudière bois, panneaux photovoltaïques, ascenseur avec récupération d’énergie et récupérateur de chaleur sur les eaux grises. La distance entre le point de distribution d’eau chaude et chaque équipement sanitaire alimenté en eau chaude est inférieure ou égale à 6 mètres. L’opération permet d’économiser 71 000 kWh soit 210 € d’économie/an par logement sur l’opération et 13 tonnes d’équivalent Co²par an, 13 tonnes = 23,5 tonnes de papier. Par ailleurs le bâtiment a obtenu la certification NF Habitat HQE niveau excellent (9 étoiles). NF Habitat HQE Paris – conforme au Plan Climat Ville de Paris Qualité de vie : 3 étoiles, Respect de l’environnement : 3 étoiles : Performance économique : 3 étoiles.
Photographes : Avenier Cornejo architectes, Schnepp Renou, Augustin Dupuid, Pierre l’Excellent