Plutôt qu’aux habituels architectes auto-proclamés porte-parole de l’architecture bien séante, pourquoi ne pas demander son avis à Nabila pour la flèche de Notre-Dame ? Et pourquoi ne pas imaginer une autre expansion bien écologique de la foi ?
Le retour de plage est compliqué. Au bonheur des normes de s’adapter au monde du COVID ?* Au désespoir des cadres territoriaux devant la tâche de revoir les précis des tracés régulateurs à l’aide des outils de l’urbanisme réglementaire ? Au darwinisme appliqué aux tissus urbains tempéré par une cybernétique sans doute hors contrôle ?
Heureusement, pendant les vacances, la lecture quotidienne du Monde nous tient informés de la santé rayonnante de l’architecture à travers les états d’âme des grands de ce monde à propos de Notre-Dame de Paris, dont la force d’inspiration continue de nourrir tous les fantasmes littéraires d’une profession en mal de reconnaissance médiatique.
Jean Nouvel démarra la croisade par l’exercice périlleux du devoir d’expression impératif inhérent à son rang. Son silence aurait été mal interprété par son fan-club et mettrait à mal son rang à l’ATP.
Partant du principe qu’il n’est pas nécessaire d’avoir quelque chose à dire pour s’exprimer (et je le prouve chaque mois !), rien ne se passe au cours de sa tribune d’un affligeant conformisme. Mais l’important est sauf, un avis définitif a été émis… que l’on cherche en vain.
Puis, Paul Chemetov pris la parole, plaidant pour le développement d’un Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine, un musée de Notre-Dame, et… aussi une boutique de produits dérivés, pour, métaphoriquement, chasser les marchands du temple. Comme quoi, pour mettre un terme au massacre de la pauvre rue d’Arcole* accumulant les devantures de tours Eiffel en zamac plaqué, bustes de Victor Hugo en plastique fluo et autres portraits de Napoléon selon les écoles flamandes, naïves ou impressionnistes, il faut ouvrir une boutique supplémentaire avec vente de produits labélisés « Centre d’Interprétation Du Musée Notre Dame »…
Son propos architectural, lorsqu’il s’éloigne de ces précieuses suggestions en matière de marketing sur les produits dérivés, concerne l’esprit de l’innovation qui animait naguère les bâtisseurs quant aux techniques utilisées : bois jadis, béton aujourd’hui pour perpétrer l’esprit d’innovation qui, en tout temps, doit prévaloir en lieu et place des futiles querelles de symboles sur la flèche.
Ces dernières ont tenu en haleine le monde de la pensée architecturale depuis le 15 avril 2019 avec les tenants du tout Viollet ou des précurseurs de la flèche du XXIe siècle en chlaclik mercerisé ; à l’aide, bien sûr, de la convergence d’intérêts entre la presse assoiffée de scoops et les architectes opportunistes sacrifiant quelques heures d’un stagiaire plus ou moins doué pour assoir leurs égos sur une innovation, indispensable, la plus pointue possible…
Etonnante également est la contribution de Marc Mimram, qui déambula pendant des paragraphes un peu scolaires pour arriver à la conclusion qu’il faut une flèche neuve, et non une copie violletleducienne et des techniques moins combustibles que le bois (pourtant plus sûr que l’acier quand il n’a pas huit siècles de séchage).
Et puis soudain, un doute m’assaillit, mettant un terme à la lecture fastidieuse de ces témoignages très égocentrés.
Pourquoi eux ? pourquoi pas Béret et Barbot (prix de la dernière œuvre de l’association des amis de l’Architecture de Landernau) ou Nabila ? C’eut été intéressant d’avoir l’avis de Nabila sur la flèche de Notre-Dame.
Paul Chemetov donne l’explication : le général Georgelin, dressé pour la bataille sur son tumulus fortifié de l’île de la cité, les a appelés. Mais comment les a-t-il trouvés, lui qui n’y connait rien à l’architecture ?
Réponse : il a pris un conseiller en la personne de Jean-Marie Duthilleul. Mais qui lui a conseillé de prendre les conseils de Duthilleul ? Macron ? Nabila ?
Tous les gens cités ci-dessus ne sont pas de mauvais architectes ou conseils, bien sûr, mais ils interrogent sur le processus du pouvoir et de l’entregent. Il y a mille architectes en France avec des idées autrement plus intéressantes et modernes que les habituels Chémétovnouvelmimram ressortis d’une forme de naphtaline chroniqueuse à chaque occasion de parler d’architecture.
Moi par exemple, seul défenseur de l’idée qu’il eut fallu abattre ce qui restait de la vielle église, plus du tout adaptée au processus hypertouristique du site de l’île de la cité.
En effet, compte tenu de la situation sanitaire actuelle, et du fait de l’interruption des flots de Dysney Chicken Troopers chinois***, les 900 tonnes annuelles de Notre-Dame en nougat et autres produits dérivés, si chers à Paul Chemetov, n’auraient ainsi plus l’occasion de faire l’aller et retour Chine-France en container et France-Chine en valises.
Quelle économie dans le bilan carbone si les Chinois allaient acheter en Chine, directement, leurs précieux souvenirs parisiens made in China ! De plus, la disposition de petites cathédrales modèles réduits disséminées partout dans le monde serait d’une meilleure efficacité pour la pénétration de la foi.
L’aube d’une sorte de décentralisation de la foi et du marketing point à l’horizon comme solution aux mesures sanitaires en vigueur.
Quant au site ainsi débarrassé de ces vieilles pierres obsolètes (la preuve : elles brûlent), on pourrait enfin le livrer à l’organisation d’espace de loisirs si rares à Paris Intramuros depuis la destruction de la Planète Magique qui occupait la Gaité Lyrique avant que le théâtre abscon des Arts Numériques ne vienne nourrir la soif de performances douteuses d’une dizaine de fans au fil d’une programmation de plus en plus ésotérique et des restrictions budgétaires de la Ville de Paris.
Façon un peu détournée de présenter au sein de ces colonnes un génie absolu de l’urbanisme de loisir anglais du début des années 60 : Billy Butlin dont la morale créative était basée sur un slogan : « Notre sincère désir est de vous plaire ».
François Scali
Retrouvez toutes les Chroniques de François Scali
*Lire la chronique Covid : au bonheur des normes et autres fantasmes administratifs
** Lire Le sabre, le goupillon et le tiroir-caisse
*** Lire Le Chicken Disney Trooper, nouvelle biocénose urbaine