Sur ce parcours absolument plat, les équipes à la bagarre pour le Maillot vert du meilleur sprinteur devraient pouvoir contrôler la course. Contrôler pour ces équipes signifie mener un train d’enfer pour ne laisser aucune chance à personne de s’échapper. Ces 182 km seront donc avalés à bout de souffle !
Pour les suiveurs, encore une journée à se lever tôt avec cette impression d’un jour sans fin avec un soleil éclatant de très, très, bonne heure. En effet, ils vont partir bien avant les coureurs pour rejoindre, à partir de Vejle, la côte ouest du Jutland, pas très loin, pour Skjern. Arrivé là, s’enfoncer dans les marais de la rivière du même nom, Skjern, pour y découvrir… des stations de pompage. Un détour de 70 km pour visiter des stations de pompage ????
Un rendez-vous incontournable pourtant pour les suiveurs qui se préoccupent d’écologie. En effet, ce projet, mené par l’agence danoise Johansen Skovsted Arkitekter, s’inscrit en lien avec un vaste programme de réclamation des terres et consiste en la reconversion de trois stations de pompage construites à la fin des années ‘60. Là où la rivière avait été canalisée, de nombreux problèmes environnementaux sont apparus qui ont conduit les autorités, à partir de 2002, à rendre à la rivière son cours historique. Depuis, une vaste et riche zone naturelle a réapparu, laquelle attire aujourd’hui beaucoup de visiteurs.
Les stations originales possédaient des chambres d’eau souterraines, de larges couloirs pour les pompes, des salles de stockage et des salles à haute tension. Les pompes d’origine ont essentiellement été mises hors service et un nouveau type de pompe fut inséré dans les chambres souterraines.
En conséquence, la partie supérieure des trois bâtiments n’était plus utilisée. Leur reconstruction et leur extension ont permis la création de nouveaux lieux de vie sous forme d’espaces d’exposition, d’observatoires et de salles destinées à différents événements.
« Le projet exemplifie comment la transformation d’un ‘héritage négatif’ peut remplir l’objectif d’une médiation entre un passé réprimé et une vie contemporaine », expliquent les architectes. Les trois bâtiments sont désormais accessibles à tous et, comme nous sommes toujours au Danemark, il y aura du café pour les suiveurs levés tôt.
Poursuivre la promenade le long de la côte aux paysages magnifiques et rejoindre tranquillement Blåvand, environ 70 km au sud. Là, se rendre au Tirpitz, le « sanctuaire » conçu par BIG (Bjarke Ingels Group) dans un bunker allemand ensablé et livré en 2017. Un complexe culturel pour contrebalancer la tragique histoire militaire du site ?
Les suiveurs du Tour de France contemporain auraient pu quitter le Danemark sans qu’il fût encore question de BIG, déjà (trop) connu et l’architecte qui cache une architecture contemporaine danoise florissante. Mais, ce musée vaut le détour – quand Bjarke Ingels travaille sur un petit projet de musée dans une toute petite ville de son propre pays, ce n’est pas pour se fiche du monde. CQFD – et il est justement sur la route.
Le bunker allemand de la Seconde Guerre mondiale a donc été transformé et agrandi pour devenir un complexe culturel – qualifié de « révolutionnaire » par son auteur –parfaitement intégré, et pour cause, aux rivages protégés de Blåvand. Ce « musée invisible » de 2 800m² comprend quatre espaces d’exposition et attire 100 000 visiteurs annuels.
« L’architecture du TIRPITZ est l’antithèse du bunker de la Seconde Guerre mondiale. L’objet massif et hermétique est contré par la luminosité et l’ouverture du nouveau musée. Les galeries sont intégrées aux dunes comme une oasis dans le désert – un contraste fort par rapport au monolithe bétonné nazi. Les passages environnants sont coupés dans les dunes de tous les côtés, descendants pour se rencontrer dans une clairière centrale, apportant la lumière du jour et de l’air au cœur du complexe. Le bunker demeure la seule marque visible d’un sombre héritage pourtant pas si lointain, qui lorsqu’étudié, devient l’entrée à un nouvel espace culturel et de rencontre », souligne Bjarke Ingels.
En arrivant, les visiteurs voient d’abord le bunker, les coupures fines et les chemins menant au centre du complexe. La cour centrale permet l’accès aux quatre galeries souterraines qui abondent de lumière du jour bien qu’elles soient ensevelies sous les dunes. Chaque galerie possède son propre rythme, synchrone avec son histoire : haut et bas, jour et nuit, chaud et froid, le passage du temps.
Après un café bienvenu, reprendre la route, suivre la côte splendide sur 55 km et rejoindre Ribe, la plus vieille ville du Danemark et, en son sein, Kannikegården, juste en face de la cathédrale, la cité médiévale la mieux conservée du pays. Là, afin de comprendre à quel point archéologie et architecture peuvent s’entendre à merveille, retrouver le bâtiment conçu par l’agence danoise Lundgaard & Tranberg Architects et livré en 2017.
Le bâtiment a pour fonction d’accueillir le conseil de l’église paroissiale de la cité et son personnel. En même temps, il fait office de décor pour des événements publics, manifestations, concerts et projections de films.
Le projet a fait face à une difficulté majeure puisque le chantier a donné lieu à des découvertes archéologiques essentielles à la compréhension de l’histoire danoise sur plus d’un millénaire. Ces excavations ont notamment permis de découvrir les restes du plus vieux cimetière chrétien du Danemark, daté de 800 après J-C. et symbolique de la période de transition des Vikings au Christianisme. Cependant, l’élément le plus visible est une ruine en briques du monastère de Saint-Augustin datant de 1 100 environ. Il fut donc décidé d’intégrer les ruines au bâtiment et d’en faire un espace d’exposition destiné à communiquer quant aux nombreuses couches historiques et culturelles du lieu.
Revêtu de briques simples, l’ouvrage s’élève au-dessus du sol de la cité afin d’intégrer un rez-de-chaussée qui, à l’intérieur, ouvre sur les ruines millénaires. Sur sa longueur, ce bâtiment oblong est situé le long d’un parc selon une échelle et un gabarit correspondants aux bâtiments voisins du parc, s’adaptant ainsi à l’échelle de la ville environnante. La forme archétypale du volume est orientée vers le sud afin d’apporter plus de lumière tandis qu’une cour intime et arborée est établie le long des rues.
Le projet tisse plusieurs fils pour que le passé rencontre le présent en ce lieu d’héritage historique et culturel. Il est symbolique de noter que la ruine, qui raconte l’usage de la maçonnerie à travers 1000 ans d’histoire, était à l’origine le réfectoire d’un ancien monastère. Elle se révèle ainsi être un ancêtre distant du nouveau bâtiment. L’agence culturelle danoise a déterminé que ces vestiges forment le fragment de bâtiment le mieux conservé parmi les bâtiments les plus anciens en brique. Ils sont désormais protégés comme le serait un monument.
Au Danemark, ils construisent le patrimoine contemporain au-dessus du patrimoine construit au-dessus du patrimoine ! Sur ce, il sera temps pour les suiveurs de rattraper la caravane pour être à l’arrivée de l’étape.
Plus tard en soirée, leurs articles dans la boîte, avant de quitter le Danemark si accueillant, il restera aux suiveurs de se régaler d’une dernière « platte », une grande assiette froide composée de harengs, de filets de poisson, de pâté, de croquettes de viande et de fromage, voire de crevettes, de saumon, d’anguille fumée, de porc ou de canard à partager. Le tout généreusement arrosée d’une bière locale (avec modération).
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018