Les 88 logements et commerces livrés par AAVP (Vincent Parreira) en 2021 pour Emerige résidentiel surplombent la rue du Chevaleret et la rue de Tolbiac à Paris (XIIIe). L’expressivité des matériaux pose simplement la question essentielle du projet : qu’est-ce que le logement ? Communiqué.
Une question simple autant qu’essentielle guide la conception de Tolbiac par AAVP : qu’est que le logement ? Sans faire l’impasse sur les dimensions fonctionnelles de l’architecture, le projet de Tolbiac tente d’emmener le logement vers les formes multiples de l’habiter, en explorant l’expressivité des matériaux, le potentiel des espaces communs, les ouvertures du paysage et l’agencement des typologies, le rapport au lieu et à son histoire.
Longtemps, le croisement de la rue du Tolbiac et de la rue du Chevaleret annonçait un changement de paysage dans l’espace parisien, le passage d’un faubourg dense à un univers de voies ferrées, un fleuve industriel enjambé par un pont métallique.
A la charnière de la ville ancienne et la ville en formation, le projet des Etoffes de Tolbiac veut s’inscrire dans son site sans idéaliser le passé, évoquer une histoire parisienne particulière pour redonner une identité propre à une opération de logement de son temps, ouverte sur la ville tout en filtrant ses nuisances et ses stimulations les plus envahissantes.
Le site occupe une position doublement stratégique, à l’angle de deux rues séparées par un dénivelé de près de sept mètres. L’escalier reliant historiquement les deux voies borde le terrain de l’opération, formé par la réunion de deux parcelles. Des ateliers artisanaux et des entrepôts construits des années 1920 aux années 1960 sont remplacés par une opération mixte comptant 3000 m2 de commerce et 5000 m2 de logement.
« La répartition des surfaces commerciales entre les rez-de-chaussée des deux rues minimise l’impact de l’activité, qui donne un socle aux logements se déployant à partir du R+1 sur la rue du Chevaleret. Les 88 appartements se répartissent entre quatre plots, dont trois sont réunis par des espaces communs et un plot indépendant en R+2 sur cour. La trame des balcons unifie les trois parties du projet montant à R+6 et R+8. Elle reconstitue le tissu continu de la rue parisienne », analyse Vincent Parreira, fondateur d’AAVP.
La dualité bois-béton guide la conception du projet. Les qualités mécaniques du béton, sa résistance au feu et ses capacités d’affaiblissement acoustique conduisent à l’employer en structure. Du mélèze est utilisé en revêtements sur toutes les surfaces, tandis que les structures des murs ossatures bois et les montants verticaux de la façade sont réalisés en pin Douglas. Les éléments bois visibles acquièrent par traitement autoclave une teinte sombre évoquant les façades des anciens hangars et entrepôt du Paris industriel.
Selon AAVP, les qualités tactiles du matériau autant que ses qualités visuelles sont mises en avant. Le bois massif a été préféré au lamellé-collé pour les poteaux de la façade, avec l’intention de valoriser les qualités du matériau, développer un aspect architectonique rappelant l’origine naturelle de cet élément, en rupture avec les produits reconstitués par collage habituellement utilisé dans la construction bois. Des éléments en lamellé-collé sont mis en œuvre très ponctuellement pour la création de poutres courbes portant des espaces communs. Le métal est employé pour les garde-corps, avec une finition canon de fusil qui l’intègre à l’ensemble.
« La distinction entre architecture et construction se voit souvent dans les détails. Un jeu subtil règle l’emplacement des montants verticaux des balcons. Ils ne suivent pas une trame régulière, comme on pourrait le penser à première vue, mais se décalent à chaque niveau latéralement et verticalement de dix centimètres, venant progressivement en encorbellement sur l’espace de la rue », dit-il.
Le dispositif anime la façade et fait progresser la surface des balcons avec l’accroissement des étages. Cette grille qui unit les différents plots côté rue absorbe les vides laissés entre chaque bloc. Côté cour, les interstices deviennent des espaces communs, à la fois terrasses, placette, avec des trémies reliant visuellement les différents niveaux et l’ajout d’éléments extraordinaires, à l’instar des « nids », des salons suspendus partagés par les résidents.
Le dédale des circulations revisite le joyeux désordre et les surprises des arrière-cours des faubourgs industriels parisiens. Deux ans de pandémies aident à mesurer la valeur de ces espaces ouverts à tous les habitants, offrant une alternative au chez soi, et permettant à l’ensemble des résidents de profiter des vues sur la ville. La toiture jardin ouverte à tous ouvre à 240° sur un panorama empilant plusieurs décennies de l’évolution de Paris, et sur le ciel.
L’insertion de trois maisons en bande dans la cour du rez-de-chaussée complexifie et enrichit les parcours en cœur d’îlot. La déclivité nord sud a conduit à distribuer ces logements sur le principe du duplex descendant, l’accès se faisant au rez-de-chaussée cour, le côté jardin se retrouvant un niveau plus bas sur la façade opposée. Une bande linéaire de balcons double toutes les façades des logements. Son épaisseur varie suivant les étages et les nécessités d’articulations entre les différentes faces de l’opération.
Plusieurs logements ont un accès direct par les parties communes, d’autres doivent passer par un couloir séparé des espaces extérieurs communs par une porte vitrée. Dans les espaces communs fermés, le traitement des détails renvoie à l’univers de l’hôtellerie de luxe, avec l’utilisation d’éclairages individualisés pour les portes d’entrées, sol textile orné d’un motif floral. Cette note sophistiquée couronne la dimension précieuse du logement.