Le collège de Varces (Isère) entièrement conçu en bois par l’agence Roda-Klimine-Kopff, livré en 2003, renouvelait totalement le bâtiment scolaire sans rompre avec la structure traditionnelle. Une réussite qui en appelait d’autres dans une région qui mise sur le bois. Découverte.
Il faut parfois être beaucoup en avance pour se retrouver au bon endroit au bon moment. Ainsi Véronique Klimine, architecte de l’agence R2K (Roda-Klimine-Kopff) à Grenoble qui a plus précisément suivi ce dossier, gagnait un concours en 98 pour un collège en Isère de conception entièrement en bois quand il n’y avait encore aucune référence HQE au bois. Ce collège n’a été construit qu’en 2002. Entre temps, les notions de développement durable et HQE sont devenus proéminentes et le collège de Varces, qui reçut le prix régional Fibra (Filière Bois Rhônes-Alpes) en 2002, sert aujourd’hui de référence pour de (très) nombreux projets de l’agence.
Chaque collège, lycée ou école est un projet unique puisque les donneurs d’ordre sont toujours différents – commune pour les écoles, conseil général pour les collèges, conseil régional pour les lycées – et que le ministère de l’Education lui-même ne donne plus aucune directive centralisée. La conception d’une école ou un collège offre donc une véritable opportunité de création d’autant que ses contraintes sont celles de tous les établissements recevant du public (ERP) avec comme seul gros aspect prioritaire dans le programme, c’est d’actualité, celui de la surveillance des élèves.
«On doit voir la cour, les flux d’élèves, éviter les endroits où les élèves peuvent se soustraire à la vue, le tout sans sombrer dans l’univers carcéral», explique l’architecte. C’est de cette grande liberté laissée aux architectes dont s’est emparée Véronique Klimine pour l’élaboration de son projet.
Pourquoi le bois ? «C’est un peu notre spécialité, nous aimons mettre du bois visible dans le maximum d’espace pour échapper au diktat du faux-plafond qui nous poursuit de la maternelle au bureau», assure Véronique Klimine. «De plus, le bois offre des ambiances différentes et, sur un sol très mauvais, nous a permis de faire un bâtiment léger avec un toit d’un seul tenant en cuivre vieilli».
La forme en U de l’ensemble (collège, trois logements de fonction et un restaurant), outre l’aspect traditionnel qui permet de maintenir les enfants à l’intérieur de la structure, offrait également une protection au vent, essentielle en Isère, au grand patio central et permettait de tourner le dos à une autoroute… qui ne fut finalement pas construite. L’entrée du collège – une grande galerie d’accès qui, du portail, permet de traverser une cour d’honneur plantée d’arbres fruitiers – est dans le dos du U. Une galerie de liaison entre les pointes des deux ailes, permet de circuler dans l’école comme dans un cloître, les élèves, enseignants et personnels ayant ainsi toujours deux opportunités de déplacement.
Tous les bureaux administratifs sont installés entre les deux ailes, l’une en rez-de-chaussée, l’autre à étage, facilitant ainsi le contrôle passif et non intrusif. De plus, le bois a permis qu’il n’y ait que peu de points porteurs dans les préaux et espaces publics ce qui accentue encore la fluidité des mouvements dans l’école, sans compter quelques trouvailles qui permettent de distribuer les élèves dans des classes en étoile (un seul accès pour plusieurs classes) évitant ainsi les «frottements» entre élèves d’âges différents.
Des lanterneaux abondants offrent une ample lumière naturelle tant dans les couloirs que dans les grandes salles de technologie (100m²) et les salles de classes (50m²). Une simplicité apparente qui a permis la pose d’une couverture en cuivre d’un seul tenant du point le plus bas (2,50m) au plus haut (7m, toit du gymnase).
Un bâtiment si léger, pour un coût de 5,5 millions d’euros, que Véronique Klimine assure en riant, tout en tenant à «tirer son chapeau» à Jacques Anglade, l’ingénieur bois qui travaille avec elle depuis six ans, qu’il faut «éviter qu’il ne s’envole».
En tout état de cause, Véronique Launay, chef d’établissement, est enchantée de son collège. «C’est magnifique», dit-elle. «Tout le monde s’y sent bien. Les élèves disent ne pas avoir l’impression d’être à l’école mais dans un gros chalet. Les parents, qui mesurent le décalage avec ce qu’ils ont pu vivre à l’école, sont enchantés, moi-même également, y compris par rapport à des collèges modernes dans lesquels j’ai travaillé». Le fait d’avoir le Taillefer en face de la cour de récréation ne gâche pas le plaisir.
Autre particularité de ce collège, une grande salle d’audiovisuel de 150 places qui permet des activités le week-end et que le collège loue à l’occasion pour s’assurer de nouvelles sources de financement. S’il fallut pour cela concevoir de doubles circuits de circulations et une très grande rigueur au niveau des normes, et même si l’Education nationale ne voit pas ces initiatives d’un très bon œil et fait de la résistance, cette démarche s’inscrit bien dans le débat actuel sur la place de l’école dans la société.
«De tels bâtiments devraient pouvoir servir à fond, tout le temps», s’enthousiasme Véronique Klimine qui avoue s’être approprié les débats en cours : des écoles ouvertes sur la ville ou fermées ? Quelle politique foncière pour les écoles ? Des lycées denses et confinés ou – vieux rêve d’Anatole de Baudot (1834-1915), architecte du Lycée Lakanal à Paris – des lycées à la campagne ? Quelle réponse architecturale à ces questions ?
Des problématiques sur lesquelles l’architecte aura l’occasion de plancher puisque, depuis, les commandes entre écoles, collèges et gymnases en bois et/ou matériaux mixtes se multiplient. Surtout dans une région (Rhône-Alpes) en général et un département (Isère) en particulier qui misent sur le bois.
«Les compétences sur place existent et on leur donne du grain à moudre ; on fait des gymnases en tronc d’arbre sur 30 mètres de portée», explique Véronique Klimine, architecte, meilleure amie des charpentiers.
Christophe Leray
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 20 mai 2003