Le petit monde de l’Immobilier, avec un grand ‘I’ s’était donné rendez-vous au Palais des Congrès, à Paris, pour trois jours de marathon prospectif. Du 30 novembre au 2 décembre 2016, il était impérieux de déambuler dans les allées des trois niveaux réquisitionnés pour l’occasion. L’ouïe fine et les pieds bien chaussés, Chroniques d’Architecture y était.
Le SIMI, salon de l’immobilier d’entreprise, c’est 440 exposants, 223 000 visiteurs, dont plus de la moitié appartient au secteur privé. Autant l’écrire tout de suite, le SIMI grouille de monde : chiffres à l’appui, 92 décibels en moyenne dans les oreilles.
Pour les visiteurs venus pour deux jours, c’est aussi 4 croissants, 9 cafés, 12 verres de vins de toutes les couleurs, 3 coupes de champagnes et une de crémant. Pour le solide, quelques petits fours et autres charcuteries entre les serrages de louches de rigueur. Heureusement, le quidam qui avait déboursé pas moins de 429 euros n’était pas là pour ça sinon ça ferait cher le pique-nique.
Des directeurs en veux-tu en voilà côtoient des présidents de jeunes métropole déversés par cars entiers et des architectes, bien entendu. Tous se font vamper pendant trois jours par quiconque se targue d’une vision à long terme. Le public côtoie le privé, les constructeurs, les promoteurs, sans oublier les foncières et autres BET de tailles admirables. Dans ce microcosme fourmillant, l’architecte est facile à repérer, c’est le lascar tout en noir, les autres préférant les camaïeux de gris de la tête aux pieds. Différenciation des espèces comme dirait Darwin ?
Dans la galaxie immobilière, la parité n’a manifestement pas encore fait son œuvre. Tant de quinqua en costume à se presser entre les stands et si peu de femmes pour leur répondre. Un autre constat s’impose : très peu de jeunes actifs dans les discussions. En résumé, l’immobilier ressemble aux conférences d’architecture, la moitié peu ou prou des futurs usagers potentiels ne participent pas au débat.
Les architectes croisés au détour du labyrinthe représentent souvent des agences d’architecture déjà bien installées. Ceux-ci sont talonnés de près par d’autres incontournables quand des petits jeunes ambitieux et sans complexe veulent bien qu’on remarque qu’ils sont au rendez-vous. Le jeudi-Simi, passage obligé ?
Au demeurant, peu d’architectes malgré tout. Pour les trouver, c’est comme les champignons, il y a des stands et des heures précises. L’EPPS, puisque c’est désormais le nouveau nom de l’EPAPS, pour le campus de Saclay, ne désemplit pas. Chacun vient suivre le projet et savoir comment il pourra essayer de sortir son épingle du jeu. Il en va de même sur les stands de Plaine Commune, Paris Sud Aménagement et autres métropoles toulousaine ou marseillaise, qui font salle comble.
L’oreille tendue, il paraît que les villes cèdent de plus en plus leur foncier si précieux à la promotion immobilière. Dans les discours, la critique est sévère mais, apparemment, les hommes de l’art sont bien obligés de draguer les promoteurs et les locomotives du secteur puisque, de plus en plus, ce sont eux qui tirent les ficelles.
Des stands sont plus élégants que d’autres, la plupart restent très commerciaux. Vinci avait fait le travail, il se repérait de loin. Des métropoles ont sorti le grand jeu avec leur maquette territoriale, sobre par exemple pour celle de Strasbourg, criarde pour la niçoise, rose et rétroéclairée. Si, comme au MIPIM (marché international des professionnels de l’immobilier), les architectes sont par tradition des visiteurs volants et sans stand, quelques agences, Patriarche and Co ou AIA associés par exemple, s’offrent le luxe d’espaces privatisés. Confort !
Les tendances 2016 ? Les problématiques autour des gares, LGV ou métro, de Montpellier à Paris, de Bondy à Toulouse, ne cessent d’être questionnées. Les réhabilitations de friches industrielles ou militaires, de Tours à L’Ile-Saint-Denis, restent quant à elles des valeurs sûres. Quoi qu’il advienne, les territoires seront «mixtes», «végétalisés» et «connectés». Ils apparaissent aussi souvent comme les fers de lance des économies et des rivalités métropolitaines, surtout depuis le redécoupage des régions. Le SIMI est donc un moment privilégié pour découvrir la merveilleuse ville du futur.
Entre deux rendez-vous, les plus courageux ont l’option de se rendre à quelques conférences sur des thèmes variés. «Et si les bureaux redonnaient le goût du travail ?» dans laquelle Foncière des Régions et plusieurs intervenants ont échangé sur les nouvelles façons de travailler, afin de décrypter ce qui se fait en France, en Europe et dans le monde. Le goût du travail se serait-il donc perdu dans les bureaux ? BNP Paribas s’interroge : «dans un monde qui change, l’immobilier tertiaire est-il toujours un placement sûr ?» Question importante sans doute. Plaine Commune se projette : «village olympique #Paris 2024 : vers un quartier et des équipements durables». Les sujets sont variés. Las, ici encore, les architectes ne sont pas les plus sollicités.
Enfin, le vendredi 2 décembre étaient annoncés les gagnants des prix décernés chaque année sur le salon. Sur six catégories, AIA a été récompensé par deux fois pour le siège du crédit mutuel Loire Atlantique centre ouest dans la catégorie immeuble de bureaux neuf de plus de 5000 m² et pour l’hôpital privé des Côtes d’Armor et maison de consultation livré à Plérin en Bretagne. Ses équipes ont pu célébrer dans leur espace privatisé.
La très réussie réhabilitation des magasins généraux de Pantin mené par Nexity avec l’architecte Frédéric Jung est lauréate dans la catégorie des immeubles rénovés de plus de 5000m², tandis que le prix junior de l’immobilier récompense un mémoire d’étude rédigé dans le cadre d’un master de Paris1-Pantheon-Sorbone, sur le viager immobilier : «‘le viager immobilier, un marché d’avenir’ : des innovations financières en matière de maintien à domicile» de Coline Meunier. Comme quoi, à côté de la pratique, la théorie a aussi sa place au SIMI. Jeudi c’est SIMI pour quelques rares étudiants aussi.
Alors passage obligé ? Mal nécessaire ? Les architectes qui font le pari du SIMI semblent en tout cas, pour la plupart, en repartir satisfaits.
Charles Cesbron