Les qualités intrinsèques du site et de l’existant, pourtant présentes depuis 50 ans, étaient inutilisées ; il suffisait donc de les révéler et de les ‘sublimer’. C’est ce qu’a fait l’architecte Thierry Lombardi en transformant le sous-sol technique d’une villa sombre et massive en un appartement contemporain lumineux et largement ouvert sur le paysage et la baie de Bandol.
Thierry Lombardi, à l’issue de ses études à Nantes, se croyait perdu ou presque pour l’architecture et se destinait à une carrière de photographe d’archi. Il a suffit d’une rencontre et direction Bandol (Var), le voilà qui collabore pendant quatre ans avec Rudy Ricciotti. «J’ai installé mon cabinet à Bandol à 100 m du sien… Pour la vue sur la mer sûrement…» Architecte il sera donc mais dans un registre autre que celui de son mentor. Il commence à travailler avec les communes du coin, accumule les villas contemporaines et les commerces à Marseille, Fréjus et Aix-en-Provence.
Il travaille par ailleurs énormément avec l’artiste bandolais Olivier Millagou, avec lequel il conçoit le Centre Ludo Sportif Bandolais, sorte de garderie pour adolescent. «Résultat : bardage aluminium noir, logos punaises dorées et rocaille noire pour l’extérieur, ambiance du bureau de Tony Montana dans Scarface pour l’intérieur,» explique-t-il. Mais c’est à ce jour la livraison de la Villa Carbonel à Sanary qui lui semble la plus représentative de son travail, sans doute parce que la vue sur la baie de Bandol émeut encore ce Nantais à un point que le partage de cette émotion eut le don de ravir le maître d’ouvrage.
Le projet consistait au départ à inclure au sein d’une villa construite en 1956 un appartement indépendant pour la famille du fils de la propriétaire. Il s’agissait d’une villa massive et sombre, pas très intéressante architecturalement, avec un étage de réception et un sous-sol alloué aux contingences techniques (chaufferie / buanderie / garage) cachés derrière une façade opaque et austère composée de pseudo fenêtres ou petites ouvertures. Qui plus est, la maison était isolée du jardin de la maison et les pièces du sous-sol étaient organisées selon une trame perpendiculaire à la vue.
«Dès le début, il nous a semblé que le site disposait d’une vue exceptionnelle sur la baie de Bandol et qu’il s’agissait donc de ‘révéler’, au travers de ce jardin en friches, cette partie de la maison qui n’avait jamais été utilisée en 50 ans,» dit-il. C’est ce qui a conduit à la conception d’une baie vitrée de 15 m qui a conditionnée tout le projet. Et ce d’autant plus qu’un différentiel de niveau entre le jardin et le (futur) séjour permettait non seulement d’ouvrir la vue mais de faire profondément pénétrer la lumière au travers de cette façade exposée sud-ouest.
Pour créer cette baie au sein de la façade existante (soit une tonne au mètre carré à porter), il imagine deux appuis porteurs en retrait afin de conserver l’effet d’encadrement en béton. «Tout est dans le dessin, qui a primé ici, puisque, afin de préserver l’unité de cette baie, ces appuis intermédiaires sont capotés comme les menuiseries. L’enjeu du projet était là,» assure Thierry Lombardi. De fait, presque la moitié du budget a été investi dans la démolition et l’ouverture en béton armé, les menuiseries en métal et les vitrages. En effet, il fallait une démolition soignée afin de ne pas faire tomber la maison tandis que les pierres étaient déchaussées une par une au marteau piqueur.
Ce fut un chantier compliqué puisqu’il a fallu mettre en place la poutre pendant que la maison était, littéralement, portée. Puis il a fallu réaliser un coffrage bois sur toute la longueur avant que la poutre ne soit coulée ‘à la main’. «Il nous a été nécessaire de recourir aux méthodes traditionnelles de coffrage datant des années cinquante. La démolition a débuté en octobre 2006 et le gros œuvre n’a été achevé qu’en février 2007. Mais à partir de là, le plus dur était fait,» dit-il.
Le parti pris intérieur a consisté ensuite à créer des pièces parallèles à la vue et non perpendiculaires. Les murs furent détruits, ce qui a permis de refaire tout le chauffage (un plancher chauffant fut l’option retenue), l’électricité et la plomberie, de recréer un local technique et d’isoler le plancher de l’étage. «Nous avons créé un espace ouvert sur le paysage avec un séjour/cuisine de 50m²,» autour duquel s’organise l’appartement. La chambre des parents, avec un grand dressing et la salle de bains en îlot central, est orientée de la même façon. Une autre chambre complète l’aménagement intérieur.
Le sol est en béton ciré teinte brun sombre, les meubles intérieurs sont signés Vitra / Kartell / Driade / MDF / Gandia Blasco, le lustre Foscarini et la robinetterie Zucchetti. La cuisine et la salle de bain ont été conçues sur mesure en résine de synthèse LG Hi-Macs blanche. Enfin, la terrasse extérieure en Ipé rend à la vue ce qu’elle lui doit.
«Ainsi, avec une enveloppe de 200.000 euros, nous avons, dans ce qui n’était qu’un sous-sol technique, créé un appartement avec des prestations haut de gamme et une vue imprenable sur la mer et la baie de Bandol. A Bandol, le moindre studio de 40m² vaut déjà 230.000 euros. Il est parfois difficile d’expliquer ce qu’est le travail d’architecte. De fait, les visiteurs de la maison trouvent le résultat épatant mais ils ne voient pas, et c’est le but, le travail qui a été réalisé,» conclut-il.
Ses maîtres d’ouvrage lui en sont, sans doute, gré.
Christophe Leray
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 31 octobre 2007