Le week-end des 12 et 13 mars 2016 est inauguré à Baud, en Bretagne, un nouveau pôle culturel breton signé d’une jeune agence d’agence d’irréductibles architectes vannetais, Studio 02 (Romain Grégoire et Thomas Collet). Livrée le 30 septembre 2015 au centre du triangle Vannes / Lorient / Pontivy, dans la campagne du Morbihan donc, cette «médiathèque troisième lieu» propose une écriture résolument contemporaine. Personne n’y trouva pourtant rien à redire. Présentation.
«Les contraintes topographiques du site étaient déterminantes. Comme sur les côtes portugaises ou génoises, il fallait concevoir un projet capable d’épouser la topographie accidentée du terrain, faire naître un bâtiment dans la pente», racontent les architectes de Studio 02. Le nouveau pôle culturel de Baud, nommé le Quatro, a donc pris place sur un dénivelé de dix mètres auparavant vierge de toute construction. La parcelle, en plein centre-ville et à deux pas de l’église et de la mairie, offrait un panorama dégagé sur la ville. Ces vues sont aujourd’hui mises en scène au sein du bâtiment avec des cadrages variés et changeants.
Les architectes (Studio 02 s’est associé à l’agence rennaise Anthracite 02 jusqu’au DCE) ont emporté le concours en 2011 avec un empilement de cinq boîtes identiques, «soulignant la répartition fonctionnelle des cinq espaces entre le Cartopôle, l’Auditorium, le Forum et les deux plateaux de la Médiathèque», expliquent-ils. Les contraintes techniques du dispositif, notamment au regard des porte-à-faux et des vastes surfaces vitrées, furent réglées au cours des études puis ensuite avec l’entreprise générale.
Un Cartopôle ? Baud est une petite ville bretonne de 6 000 habitants dont l’originalité est la possession d’un fond de 55 000 cartes postales. Un musée dédié existait bien déjà en ville mais, vieillissant, la mairie avait décidé de le remplacer par une structure neuve. De fait, ce Cartopôle est l’un des éléments clés du programme, trouvant place en partie haute de l’édifice, au plus près du centre-ville. «Par ailleurs, la médiathèque est destinée à remplacer l’ancienne bibliothèque municipale dont le modèle est aujourd’hui à bout de souffle», témoigne Pascale Guyader, première adjointe au maire de Baud en charge du suivi du chantier. «Une médiathèque n’est pas seulement un mot à la mode, c’est une autre façon d’attirer les publics. Avec Internet, on ne vient plus seulement faire de la recherche documentaire. Il faut offrir un autre service», ajoute-t-elle. Le bâtiment de 1500 m² répond donc à un programme mixte abritant également des lieux associatifs et un auditorium.
Chaque élément est décalé de 20 degrés par rapport au précédent, libérant des espaces extérieurs variés, belvédères, parvis haut, parvis bas, jardins paysagers. Comme en suspension, le bâtiment est une cascade qui descend depuis la rue du Pont-Clas (au sommet) jusqu’à la rue Jean Moulin, en bas. Si l’exercice de faire tenir en équilibre chacun de ces éléments suspendus dans le vide, fut ardu, le bâtiment n’en répond pas moins aux normes HQE notamment avec sa chaudière bois à plaquettes et à des panneaux rayonnants. Pour ne pas rompre avec l’écriture locale, le bâtiment n’est alors pas plus haut que les autres édifices alentours. Budget pour la commune : 3,4 M€ HT.
La construction semble en effet forte aise au cœur de cette bourgade typique de la région – pierre granit et toit d’ardoise -, le béton blanc de la façade captant la lumière et renforçant en contraste l’impression de légèreté et d’élégance de l’ouvrage. «C’est la première fois que nous utilisions le béton blanc», raconte Thomas Collet. Une première pour la commune également. Les architectes ne voulaient pas concevoir un «pastiche néo-breton», ça tombait bien, Jean-Paul Bertho, le maire de la commune non plus.
Depuis 10 ans, Baud voit sa population augmenter, les familles revenir. La mairie souhaitait témoigner de ce dynamisme et, pour le coup, les habitants ne se sont jamais montré rétifs à la contemporanéité du projet – aucun recours ! «Le maire a accepté sans encombre l’idée d’une démarche s’appuyant sur une idée forte et marquée», se souvient Thomas Collet. Nul souvenir non plus d’une quelconque hostilité particulière en ville ou dans la presse locale. L’occasion pour l’architecte d’évoquer furtivement le dynamisme des villes bretonnes et leur ouverture vis-à-vis d’une écriture architecturale contemporaine. Notons d’ailleurs que le Pôle culturel de l’atelier Fernandes&Serres primé par l’équerre d’argent en 2015 est situé à Vertou, petite ville de Loire-Atlantique.
«La population de la commune croit régulièrement depuis une dizaine d’années. C’est ce qui nous a donné l’élan pour mettre en œuvre ce projet ambitieux», se félicite aujourd’hui Pascale Guyader, qui a porté le projet. Là où la fréquentation des anciens locaux stagnait, des pics de dix personnes simultanément, celle du Quatro atteint depuis son ouverture en septembre 2015 plus de cent cinquante personnes. Autre succès, la médiathèque attire désormais au-delà des limites de son territoire.
Studio 02 et la maîtrise d’ouvrage souhaitaient créer un événement dans la ville et impulser un renouveau de l’image de la commune autour de la médiathèque ? C’est réussi. «Il s’agit d’un lieu vivant où se mêlent livres, jeux, la vidéo, le musée. Comme dans sa programmation, cette médiathèque casse les codes, nous avons donc conçu un bâtiment à l’image de la ville», conclut Thomas Collet.
Une maîtrise d’ouvrage impliquée et consciencieuse, une maîtrise d’œuvre impliquée et consciencieuse, la loi MOP… Qui a dit que les gens n’aimaient pas l’architecture contemporaine ? Au moins quand on prend le TGV ouest.
Léa Muller