Qu’ont en commun l’ancien studio de Jimi Hendrix, une vieille maison construite pour les mères célibataires et un bowling des années 50 ? Dans une ville en plein boom, ces bâtiments sont destinés à disparaître à moins que la Historic Nashville Inc, une association de défense du patrimoine, ne parvienne à les sauver. Faut-il par exemple sauver une enseigne en néon ? La question, à Nashville n’est pas si saugrenue. Un combat perdu d’avance ? Florilège.
A Nashville, la notion de patrimoine est particulièrement élusive. Fondée en 1779, la ville ne comptait que 400 maisons et 4 000 habitants en 1829 mais déjà trois journaux quotidiens. Cent ans plus tard, en 1930, la ville comptait 150 000 habitants. Mais, entre 1960 et 1970, la ville multipliait soudain sa population par trois. Son essor n’a cessé depuis, voyant la population augmenter de 10% tous les dix ans pour atteindre aujourd’hui 680 000. Bref, c’est une ville jeune, même en regards des standards américains. Du coup, fait nouveau, se pose désormais la question du patrimoine. Que faut-il sauver ? Le débat agite aujourd’hui les habitants là-bas comme ici, même si le patrimoine en question n’a rien à voir – mais alors rien du tout à voir – avec l’idée que se font les Français du patrimoine.
Le 10 octobre 2016, Historic Nashville Inc, une association de défense du patrimoine, a publié une liste de neuf bâtiments susceptibles d’être démolis. C’est cette liste qui est surprenante. En effet, parmi les neufs bâtiments, compter trois bowlings, un studio, et quelques maisons décrépies qui ont une importance culturelle pour la minorité noire de la ville. La difficulté est que ces édifices sont tous situés près du centre-ville qui voit les prix du foncier flamber et la discussion est rude entre les promoteurs et ceux qui veulent préserver un patrimoine apte à raconter dans le futur une partie de l’histoire de la ville.
Le quartier de Cleveland Park
Impossible de sauvegarder tout un quartier mais ce quartier historique noir et ouvrier situé près du centre-ville est victime d’une gentrification accélérée ce d’autant plus que nombre d’habitations sont quasi à l’abandon. Dans l’esprit des défenseurs du patrimoine, au moins la Highland Heights School et la McGavock House, construite en 1860 méritent d’être sauvés de la pelleteuse.
Trois bowlings (Inglewood Bowl, Madison Bowl et Donelson Bowling Center)
Tous construits par la même société – The Crescent Amusement Company – dans les années 50, seul celui de Donelson est encore en activité. De fait la plupart des nombreux bowlings que comptait la ville ont disparu. Leur architecture possède un vrai parfum des années 50 et les riverains aimeraient autant les conserver – sans dire pour en faire quoi – plutôt que de les voir remplacés par des commerces sans âme. Au pire, ils tentent de conserver au moins les enseignes en néon si représentatives de l’époque.
Fort Negley Park
Depuis que l’ancien stade de baseball adjacent au parc a été détruit, le Fort Negley Park, un peu excentré, n’attire plus personne et les riverains sont inquiets que le terrain ne soit cédé à des promoteurs, ce d’autant plus que se trouve dans le parc un mémorial de la guerre de sécession.
Florence Crittenton Home for Unwed Mothers/Warner Brothers Records
Un permis de démolir avait été accordé jusqu’à ce que la Metro Historical Commission obtienne un délai de trois mois parce que le bâtiment, construit en 1929, serait éligible à la liste des monuments nationaux. S’il y a un édifice qui retrace l’histoire de Nashville, c’est bien celui-là. Il s’agissait à l’origine d’une clinique et d’une maison d’accueil pour les filles-mères. Quand la société puritaine du Sud a quelque peu évoluée et que les filles-mères ont pu rester chez elles, le bâtiment es devenu un immeuble de bureaux avant de devenir un studio d’enregistrement pour Warner Brothers records. Si les promoteurs gagnent la partie, il est prévu d’édifier à cet endroit une tour résidentielle.
Hubbard House
C’est le dernier bâtiment encore debout, bien que quasi à l’abandon, de ce qui fut un ‘campus’ destine aux retraités, son fondateur, le docteur George Hubbard, y finissant lui-même ses jours. Sans locataire depuis de nombreuses années, le terrain sur lequel est la maison, dans un quartier appelé à se développer comme le Gulch, attire les convoitises.
Morris Memorial Building
Ce bâtiment est un haut-lieu historique pour la communauté noire. D’abord dédié au commerce pour les noirs dans un Sud ségrégué à outrance, le bâtiment est devenu le siège social de la National Baptist Convention, une organisation religieuse puis l’adresse de la première agence d’architecture fondée par des noirs à Nashville, la firme McKissack & McKissack. Placé à l’inventaire du National Register depuis 1984, les défenseurs du patrimoine s’inquiètent que l’extension prévue ne lui fasse perdre ce statut.
Sammy B’s/Figilo’s on the Row
Depuis 110 ans, ce bâtiment a vu passer tout ce qui se rapporte à la musique à Nashville. Mais le rapide développement de Music Row sur Broadway menace son futur. La Historic Nashville Inc préfère prendre les devants et tente de l’inscrire à l’inventaire national des monuments historiques. Ce n’est pas gagné.
Starday-King Sound Studios. C’est là que, entre 1962 et 1965, Jimi Hendrix a révolutionné l’enregistrment en studio. Mais l’immeuble est vacant depuis 16 ans et ses chances de survie sont minimes. Fin de la Jimi Hendrix Experience ?