À Sarcelles (Val-d’Oise), pour la Communauté d’Agglomération Roissy Pays-de-France maître d’ouvrage, Francis Soler a livré à l’automne 2024 « Station numixs », ou maison du numérique dont l’enveloppe basalte est une protection thermique originale et efficace. Surface : 2 843 m² SDP ; Coût de construction : 8,14 M€. Communiqué.
OUTRE NOIR (matière confidentielle)
« Le basalte, encore peu repéré ou classifié en France, n’apparaît pas encore dans les projets des architectes et nécessite d’être exposé plus largement qu’il ne l’est aujourd’hui pour ses qualités constructives et sa plasticité étonnante. Construite comme une alternative possible aux œuvres ordinaires, la Maison du Numérique tente une composition moderne d’assemblage de briques noires. S’appuyant sur un plan parfaitement circulaire, rappelant celui du Mausolée royal de Mauritanie de Tipaza en Algérie ou celui du Mausolée d’Auguste à Rome, la lumière pénètre largement dans la cour ouverte et intérieure de l’ouvrage, pendant que le basalte, formant une carapace courbe, homogène et sombre, renvoie aux alentours une lumière inhabituelle, dense et sinueuse. Un peu comme dans une œuvre outre noire de Soulages ». Francis Soler
Le dispositif de façade met en évidence une série de tiges filtrées de 1,70 mètre, sur lesquelles viennent se visser des écrous, des rondelles et des contre-écrous assurant une pression verticale sur une platine de 50 millimètres par 600 millimètres, placée sur la face supérieure du dernier bloc. Les lisses horizontales en acier galvanisé, supportant les tiges, sont fixées à la paroi béton placée en arrière-plan, avec des chevilles expansives, au fur et à mesure que l’assemblage se forme depuis le bas. Le complexe a une épaisseur de 450 millimètres. Une épaisseur rendant le support en partie invisible.
Quatre modèles de dalles de 40 millimètres d’épaisseur sont proposés. Les dalles en équerre (largeur 400 millimètres, profondeur 250 millimètres) dotées d’échancrures de 100 millimètres par 125 millimètres et les dalles carrées de 140 millimètres de côté sont rassemblées suivant un ordre d’empilement réglé suivant trois modèles rendant la lecture d’ensemble aléatoire. Formées de deux parties attachées l’une à l’autre par une pièce métallique médiane, les broches de pierres noires sont disposées suivant un quinconce assurant à l’ouvrage une façade sans aucun fractionnement vertical qui eut été fatal à une lecture sans heurt de l’objet fini. La façade compte 69 761 unités, coulées une à une.
Principe
La proposition était de construire un bâtiment dont 100 % des surfaces sont flexibles sans qu’on ait besoin, pour en transformer l’espace, de faire appel à une intervention extérieure. Le bâtiment est proposé comme un outil d’enseignement et de diffusion dont on peut, à tout moment, faire évoluer les surfaces du contenu, mais aussi le contenu lui-même.
Le plan, marqué par une structure dont les composants permettent, à la fois, de régler la grande portée sans point d’appui intermédiaire, ni mur transversal, est circulaire. Il ne montre aucun obstacle à la fabrication ou au déroulement d’espaces de tailles variables. Les poutres précontraintes qui franchissent la portée dans le sens radiant offrent des retombées de poutre exclusivement localisées sur les trames de cloison donnant à voir le positionnement possible du cloisonnement. Ce qui autorise n’importe quel déplacement de cloison dans l’espace pour le modifier.
Flexibilité
Cette flexibilité se réalise sur toute la surface disponible comptée entre la circonférence extérieure et la circonférence intérieure. Il s’agit de diminuer, pour partie, l’empreinte carbone, rien qu’en rendant déjà les constructions transformables et leurs espaces réversibles.
Distribution
Le bâtiment est organisé autour d’un plan circulaire fermé côté extrados et ouvert côté intrados par des fenêtres continues. En dehors de l’escalier monumental reliant le rez-de-chaussée au 1er étage et de l’ascenseur traversant tous les niveaux, le plan d’étage est libre et dégagé de tous éléments porteurs ainsi que de tout réseau technique. Cette organisation structurelle permet un cloisonnement libre en fonction du programme et permet également une réorganisation et une réaffection aisées.
Le cloisonnement installé comprend une circulation périphérique le long de l’extrados reliant toutes les circulations verticales et distribuant, de dos, l’ensemble de l’espace libre. À l’intérieur du plateau, un cloisonnement radiant et léger permet de partitionner l’espace suivant les nécessités du programme fixées sur des trames prévues en façade.
Les pièces sont globalement cloisonnées sur les axes radians par des cloisons amovibles pleines ou vitrées. Placé le long de la circulation périphérique, le cloisonnement est en plaques de plâtre sur ossatures pour assurer le degré coupe-feu qu’exige la réglementation.
Organisation générale des niveaux
Les deux niveaux courants, R+1 et R+2 regroupent l’ensemble des pièces nobles du programme. Le rez-de-chaussée regroupe l’accueil, quelques locaux servants. En toiture, les locaux techniques du projet.
Accès et circulations dans le bâtiment
L’accès principal se fait depuis le rez-de-chaussée après une longue séquence sous le bâtiment. L’accueil permet une desserte directe au niveau supérieur par l’escalier hélicoïdal ou par l’ascenseur situé sur la gauche de l’escalier en entrant.
La desserte verticale des deux niveaux courants (R+1 et R+2) se fait soit par l’ascenseur par les trois escaliers logés dans les renflements de la façade circulaire, répartis régulièrement sur le périmètre du projet. Il est également possible d’accéder au bâtiment directement depuis la terrasse du 1er étage qui est de plain-pied avec le jardin sur sa partie ouest, côté IUT. Cet accès pourra être réglementé en fonction du projet de sûreté de la MOA.
Enfin, la façade du patio est accessible par un balcon technique permettant d’entretenir facilement les ouvrages. Depuis le R+2, en façade, un escalier extérieur donne accès à la toiture.
L’organisation fonctionnelle des plateaux est très simple. Chaque niveau courant est distribué par un couloir périphérique extérieur qui connecte en peigne toutes les pièces fonctionnelles du plateau. Elles sont toutes éclairées directement et naturellement sur la cour qui fonctionne comme un grand patio de lumière. La circulation périphérique est éclairée par des ouvertures qui apportent de la lumière naturelle dans le couloir, sans, toutefois, offrir des vues.
L’enveloppe basalte comme protection solaire
La façade basalte réalisée à Sarcelles propose un usage original et différent qui modifie complètement le mode de transmission thermique dans une paroi et, par conséquent, bouleverse notre perception du matériau.
Les blocs de basalte montés devant la paroi agissent comme un brise-soleil, interdisant l’ensoleillement direct de la façade. Le basalte protège le bâtiment de la surchauffe directe en absorbant la totalité de l’énergie solaire et bloquant ainsi le rayonnement solaire. Cette mise en œuvre du basalte dissocie la masse du basalte de la paroi. Il n’y a pas de continuité de matières entre l’extérieur et l’intérieur, donc pas de conduction thermique. Quand le basalte chauffe, l’écart important entre les blocs génère un phénomène de convection thermique. Ainsi, même si le basalte accumule une très forte température par ensoleillement direct d’été à plus de 50° (température prise par nos soins), il ne transmet aucune calorie par conduction. Le déphasage thermique du basalte par rayonnement des calories emmagasinées se transmet à l’air ambiant qui se réchauffe. Grâce à l’écartement entre les pièces de basalte et la forte différence de température avec l’air, un phénomène de convection verticale de l’air se met alors en place. Ce courant d’air chaud dissipe efficacement l’ensemble des calories emmagasinées par la façade, sans chauffer l’isolant.
On pourrait dire que la façade fonctionne comme un bardage ventilé. Mais, si les deux dispositifs fonctionnent effectivement sur le même principe (ventilation permettant la dispersion du cumul thermique), l’un est efficient tandis que l’autre l’est moins. La dissipation des calories en période estivale fonctionne différemment sur la façade basalte mise en œuvre, contrairement à un bardage ventilé classique. En effet, la lame d’air ventilée d’un bardage classique n’éparpille pas assez les calories et les garde longtemps en contact avec l’isolant. Le bardage est trop rapproché de l’isolant et les orifices de ventilation sous-dimensionnés. Ainsi, lors d’un ensoleillement direct, la température mesurable à la surface de l’isolant situé derrière un bardage est quasiment la même que celle mesurée en surface du bardage.
La façade basalte réalisée améliore considérablement le confort d’été du bâtiment. La température intérieure est nettement plus fraîche comparée à un bardage métallique. Ce mode de fonctionnement est observable en saison chaude pendant un ensoleillement direct.
L’enveloppe basalte comme cocon thermique
En hiver, au coucher du soleil, les températures descendent rapidement et sont souvent proches de O°, voire négatives. Nous observons alors un fonctionnement thermique intéressant. Malgré des températures ambiantes très fraîches, nous pouvons mesurer une température entre le basalte et l’isolant étonnamment élevée, facilement plus de 5° au-dessus de celle mesurée dans le jardin. Nous observons qu’un microclimat enveloppe le bâtiment. La masse du basalte est si importante qu’elle emmagasine immédiatement des calories quand elle reçoit un rayonnement solaire direct. L’ensemble du basalte restitue les calories 3-4 heures après les avoir reçues. Ce mécanisme de déphasage est lent mais surtout utile en hiver, car il permet de conserver longtemps après la période de chauffe une température plus élevée autour du bâtiment.
L’écart de température entre le basalte et l’air ambiant n’étant pas très important (autour de 5°) et le courant de convection étant lui-même faible, les calories se dissipent plutôt lentement. La masse de basalte permet un effet régulateur sur la thermique du bâtiment, en été comme en hiver.