Au bout de ma laisse, par Michel Denancé

Cinq ans, nous ont rappelé en chœur journaux, radios et télés. Cinq ans donc que traîne sur mon bureau un dossier jamais totalement traité intitulé 1 km, 55 Bolivar (Paris 19). Il aurait pu s’appeler Paris confinement mais cette formule aurait été moins précise. Il avait aussi un sous-titre : Au bout de ma laisse.

Soucieux de limiter les contacts entre habitants et néanmoins désireux que les contraintes restent supportables, élus et scientifiques avaient trouvé un compromis : nous imposer de rester chez nous le plus possible et nous autoriser malgré tout une sortie d’une heure jusqu’à 1 km de notre domicile. J’ai alors décidé d’explorer les confins de ce disque théorique devenu ma cour de promenade.

Paris 11 et 20, boulevard de Belleville @Michel Denancé

J’ai tracé un cercle sur un plan, et établi le parcours par les rues qui le délimitaient au mieux. J’espère qu’il y a prescription, j’avoue aujourd’hui que si j’ai respecté la distance – le jeu était plaisant – je n’ai pas toujours respecté la limite d’une heure.

Ce fameux cercle dont le centre, le 55 avenue Simon Bolivar, se trouve dans le 19ème arrondissement, déborde sur trois autres arrondissements : le 10ème, le 11ème et le 20ème. Les ambiances diffèrent d’une rue à l’autre et les images racontent un bâti plutôt populaire, hétéroclite et relativement récent, sans monument ni repère célèbre.

Lieux de vie assez peu concernés par l’immobilier de bureaux, ces quartiers n’étaient jamais déserts. Pratiquement plus de voitures, des piétons et des livreurs à vélo, le rêve de nos élus parisiens ?

Cette série naît d’un désir de promenade sur un parcours imposé, elle constitue finalement un portrait en creux de ces rues ni chics ni pauvres (abritant néanmoins des riches et des pauvres) en ce bizarre printemps de 2020. Elle rassemble aussi de manière inattendue des adresses dont le seul point commun est de se trouver à la même distance d’une autre adresse devenue le centre de mon monde accessible pendant quelques semaines. Et ce grâce à la puissance des lois, celles fugaces consécutives à la pandémie et celles immuables de la géométrie.