
À Soa (Cameroun), pour la Communauté de Nazareth (les Filles Missionnaires de la Sainte Famille de Nazareth) maître d’ouvrage, l’agence espagnole Urbanitree (Vicente Guallart et Daniel Ibáñez) a livré en 2024 African Flow, une école maternelle à la pédagogie innovante. Surface : 1 600 m². Budget : $900,000 (env. 767 000 €). Communiqué.
African Flow : Une architecture éducative pour une Afrique émergente
Au Cameroun, une école maternelle réinvente les espaces éducatifs en s’appuyant sur les principes de l’architecture africaine ancestrale. Son approche pédagogique favorise un lien émotionnel entre les enfants et les espaces qui façonnent leurs activités quotidiennes, de manière fluide et intuitive. Les architectes Vicente Guallart et Daniel Ibáñez ont conçu un bâtiment low-tech, en collaboration avec des artisans et des ressources locales, utilisant le bois et la terre crue pour répondre aux pressions croissantes du développement.

La conception de l’école maternelle African Flow est née de la volonté de développer de nouvelles méthodes éducatives en Afrique. Cet établissement scolaire, initié par les Filles Missionnaires de la Sainte Famille de Nazareth et situé à Soa, près de Yaoundé, la capitale du Cameroun, est organisé comme un système continu d’écosystèmes – montagne, savane, village et forêt – qui relient les enfants à leurs origines et à leur culture.
À l’école, les enfants évoluent tout au long de la journée grâce à une transition fluide entre différents espaces, où ils développent des compétences dans des contextes variés et interagissent avec leurs pairs et la communauté scolaire à travers de multiples échelles relationnelles.


L’école s’articule autour d’une cour centrale, où les espaces intérieurs, organisés en quatre écosystèmes, sont reliés par un couloir. Chaque écosystème possède des éléments que les enfants peuvent reconnaître et qui facilitent l’organisation de leurs activités scolaires quotidiennes :
– montagne : un lieu d’inspiration et de création, avec une grotte permettant aux enfants de s’isoler et de s’adonner à des moments d’introspection ;
– village : un espace d’échange et de convivialité, comprenant une chapelle conçue comme un environnement abstrait où la lumière et les murs perforés favorisent le silence et la réflexion collective ;
– savane : un grand espace linéaire facilitant le regroupement des enfants dans un format éducatif rappelant un « feu de camp », leur permettant de jouer au sol et sur des bancs en gradins ;
– forêt : un espace de transition entre l’intérieur et l’extérieur, avec un arbre artificiel, construit comme une structure Lego, habitable, situé à côté d’une petite forêt naturelle.


Tout au long de la journée, les enfants participent à des activités adaptées à leur environnement. Parmi ces activités, on compte l’assemblée générale, où ils se réunissent avec les enseignants ; des séances de stimulation par des fiches d’information ; des exercices avec des barres de brachiation et des échelles ; la réflexion dans un espace propice à la spiritualité ; des jeux dans la cour centrale ; des explorations en petits groupes ; des expérimentations dans le laboratoire de matériaux ; et des séances de musique avec des instruments locaux.
La conception de l’école s’inspire de systèmes de construction simples et de motifs géométriques primitifs, qui naissent naturellement de l’utilisation des matériaux choisis. De plus, la topographie originale du site a permis la construction d’un deuxième niveau, qui servira initialement de résidence à la communauté responsable d’African Flow.


Une approche innovante de la construction utilisant des matériaux locaux
Construire un projet dans un pays africain, conçu par une équipe européenne, ne peut être envisagé que comme un processus d’apprentissage mutuel. L’objectif était de déterminer comment un projet modeste pouvait à la fois inspirer la communauté locale, transmettre de nouvelles techniques de construction et trouver un écho à l’échelle mondiale. Dans l’économie mondiale contemporaine, le terme « progrès » désigne fréquemment le déploiement de procédés, de systèmes et de matériaux industrialisés visant à standardiser les résultats. Dans ce cas précis, l’objectif était non seulement de concevoir et de construire un bâtiment, mais aussi de réinventer le processus de construction au Cameroun. Cela impliquait l’utilisation de matériaux locaux à faible émission de carbone, la conclusion d’accords avec des fournisseurs pour commercialiser leurs produits localement, la formation des ouvriers et la formation des enseignants pour présenter le projet dans le cadre d’une pédagogie sociale renforçant l’autonomisation collective.
Pour construire African Flow, une étude approfondie a été menée auprès de fabricants locaux exportant généralement leurs produits vers l’Europe ou la Chine. La structure a ensuite été construite en azobé, un bois local de haute densité qui se distingue par sa résistance aux termites. La construction a été réalisée par des ouvriers locaux sans expérience préalable du bois, favorisant ainsi un processus d’apprentissage collectif reproductible pour de futurs projets et favorisant une construction à faibles émissions dans un contexte d’urbanisation rapide.


Les enceintes sont constituées de briques de terre crue aux motifs variés, laissant filtrer la lumière entre l’intérieur et l’extérieur. Il existe ainsi une continuité entre la terre rougeâtre locale et le bâtiment qui repose dessus. Un fournisseur local de briques de terre a été sélectionné, utilisant une technologie de fabrication rudimentaire.
À l’intérieur, des bois locaux tels que l’iroko, le sapelli, le doussié et le movingui sont utilisés. Classés internationalement parmi les bois durs tropicaux et généralement coûteux, ils sont pourtant fréquemment utilisés comme matériaux de construction au Cameroun.
Le château d’eau du complexe, généralement construit en béton, a été repensé comme une structure spatiale en bois recouverte d’une surface photovoltaïque. Cela garantit l’alimentation ininterrompue du bâtiment en électricité et en eau dans un environnement caractérisé par de fréquentes coupures de courant.

Le résultat est un espace facilement identifiable par la communauté, construit selon une architecture ancestrale adaptée à l’environnement local. La conception intègre les matériaux et la culture locaux, et utilise des motifs géométriques et des systèmes de construction remarquablement simples.
Dans les années à venir, le complexe s’agrandira pour offrir un cycle éducatif complet, de la maternelle au secondaire.