«Une tête sans mémoire est une place sans garnison» écrivait Napoléon Bonaparte dans ses Maximes et Pensées (1769-1821). Au tournant du XXIe siècle, en France, les têtes pensantes des Institutions ont jugé utile de faire fonctionner la mémoire collective, notamment au sujet des deux grandes guerres, oubliant sciemment les autres, tandis que les valeurs de l’abolition de l’esclavage devenaient porteuses de sens. Revue non exhaustive des troupes.
1/ A la Grande Guerre
Mémorial international dit «Anneau de la Mémoire», Notre-Dame-de-Lorette (62)
Agence d’Architecture Philippe Prost, 2014
Pour l’architecte, l’anneau, en forme d’ellipse, est symbole de fraternité comme la ronde de ceux qui se tiennent par la main, à la fois unité et éternité.
Le bâtiment est bas, horizontal, en parfait équilibre tandis que le léger porte-à-faux induit par la déclivité du terrain rappelle subtilement la fragilité de la Paix. A l’intérieur, ce ne sont pas moins de 579 606 noms de combattants qui sont gravés sur les 500 feuilles de métal doré.
2 / A la seconde Guerre
Mémorial de Caen (14),
Jacques Millet, architecte, Yves Devraine, scénographe, 1988-1990
Le parvis du musée construit sur un ancien blockhaus, est bordé des douze mâts représentant les drapeaux des pays ayant participé à la Bataille de Normandie.
«La douleur m’a brisée, la fraternité m’a relevée, de ma blessure a jailli un fleuve de liberté» Ce vers de Paul Dorey est inscrit sur l’entrée principale. Rassemblant des objets du quotidien, le mémorial de Caen est à la fois un musée, un mémorial et un lieu de pèlerinage.
Mémorial de l’Alsace-Moselle, Schirmeck (67)
François Seigneur et Sylvie de La Dure, 2005
Les architectes ont tenu à exprimer les sentiments contrastés et forts liés à cette histoire dans un bâtiment qui est à la fois lieu d’interprétation et lieu de mémoire collective. L’édifice à flanc de coteau domine la vallée. Jaillissant au-dessus du paysage, un grand belvédère de béton brut en porte-à-faux figure à la fois la violence et l’espoir.
3/ Villages-Martyrs
Mémorial de Vassieux-en-Vercors (26)
Groupe-6, 1994
Bien plus que le martyr en juillet 44 du village de Vassieux-en-Vercors, plus encore que la résistance vertacomicorienne, ce sont là toutes les résistances que célèbre le bâtiment encastré à flanc de montagne, reproduisant les courbes de niveaux jusqu’au porte-à-faux.
Centre de la Mémoire, Oradour-sur-Glane (87),
Yves Devraine, 1999
Afin de respecter au mieux le site, l’architecte a choisi de produire une «non-architecture» composée d’un toit/terrasse, dans le prolongement du niveau du sol, à partir duquel on peut jeter un regard sur la vallée de la Glane, les ruines et le nouveau village.
Une déchirure centrale, matérialisée par des lames en acier rouillées, fend le bâtiment. La structure générale de ce musée a été en grande partie enfouie pour ne pas détourner le regard des ruines ou, pire, les couvrir.
4/ De la déportation
Mémorial de la Shoah, Paris (75)
Antoine Jouve / Simon Vignaud / Catherine Bizouard / François Pin, 2005,
Pour accéder aux salles des bâtiments largement restructurés, le visiteur traverse un parvis où s’élève le Mur des noms. Là, apparaissent gravés dans la pierre de Jérusalem, les noms des 76 000 Juifs déportés de France, entre 1942 et 1944, «sépulture que n’ont pas eue ceux qui étaient destinés à disparaître, ceux dont il ne reste que le nom», expliquait Simone Veil, le jour de l’inauguration.
Mémorial de l’internement et de la déportation, Compiègne (60)
Jean-Jacques Raynaud architecte, 2008
Dans la mémoire commune des deux guerres mondiales, Compiègne évoque la signature des armistices de 1918 et de 1940. Le mémorial est édifié sur le site de Royallieu, le seul camp d’internement français placé dès le début sous l’autorité de l’armée allemande. Trois bâtiments sur vingt-cinq ont été conservés. Cette métonymie devient «objet de mémoire et d’histoire» et c’est à travers elle que sont présentés l’internement et la déportation.
Musée-mémorial de Rivesaltes (65),
Rudy Ricciotti et Passelac & Roques, 2015
L’architecture massive du monolithe de béton de l’édifice s’implante avec force et respect de ce lieu d’internement, que la honte et l’ignorance avaient fait sombrer dans l’oubli. L’édifice est construit sur une zone non-bâtie du camp d’internement, entre les vestiges des baraquements. Le bâtiment est enfoui dans le sol comme pour «s’excuser d’être là». Aucune fenêtre tournée sur l’extérieur, seuls trois patios ouvrent vers le ciel.
5/ Esclavage
Mémorial ACTe, Pointe-à-Pitre, Guadeloupe
Agence BMC, 2015
L’histoire de l’esclavage et de la traite négrière concerne toute l’Humanité mais encore plus la zone Caraïbes. Le Mémorial est construit sur l’ancien site industriel iconique de Darboussier, friche d’une ancienne usine sucrière. Sa boîte de granit noire recouverte d’une résille métallique est visible par tous les bateaux arrivant au port.
Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes (44)
Julian Bonder (architecte) et Krzysztof Wodiczko (artiste), 2012
Le Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes (44) est un «acte dans la ville». Le mur en verre incliné à 45° qui coupe le sol – et donc interrompt le tissu urbain – est une action très forte. Bien au-delà de l’esclavage, de ses routes et de son abolition, il invite à une large réflexion sur les questions urbaine, architecturale, historique, éthique, artistique et politique.
Léa Muller