Entre l’Empire State Building, Frank Lloyd Wright et Frank Gehry, les architectes américains ont largement démontré leur capacité d’invention tout au long du XXe siècle. Alors que la France vivait la reconstruction dans les grands ensembles, John Entenza lançait dès 1945 le ‘Case Study program’, une expérience de maisons individuelles économiques et expérimentales. Retour sur une des facettes du «American way of life».
En Europe, en 1945, il fallait encore panser les stigmates de la dernière guerre à peine achevée. Les bombardements avaient détruit des villes entières et l’heure était au relogement rapide et efficace. A l’autre bout du monde, sur la côte ouest des Etats-Unis, la guerre avait eu un tout autre dénouement architectural.
Alors que des millions de G.I.s devaient rentrer au pays, le fordisme avait montré d’étonnantes qualités, les avancées technologiques issues de la guerre faisaient merveille et le boom économique n’était pas loin.
John Entenza, le rédacteur en chef de la revue Arts&Architecture développa alors une idée toute contextuelle pour l’accueil des soldats. Il proposa de concevoir et de construire des maisons individuelles économiques et fonctionnelles conçues selon les dernières modes et innovations technologiques.
Pour le chantre du modernisme en Californie, des maisons devaient pouvoir être reproduites en série comme des voitures. L’annonce du ‘Case Study Houses Program’ les évoquaient ainsi : «les maisons doivent pouvoir être reproduites et en aucune façon être des créations particulières», «[elles] ser[ont] conçue[s] dans l’esprit de notre époque, en utilisant dans la mesure du possible, de nombreux matériaux et techniques issus de la guerre, les mieux adaptés à l’expression de la vie de l’homme dans le monde moderne».
En amateur éclairé, il fit appel aux architectes parmi les plus connus de l’époque, comme Richard Neutra, Raphael Soriano, Craig Elwood, Charles et Ray Eames, Pierre Koenig et Eero Saarinen, pour s’engager dans la réalisation de cette nouvelle utopie. Entre 1945 et 1966, 36 projets furent ainsi imaginés, pas tous construits, dont deux appartements.
Il va sans dire qu’aucune chaîne de montage des maisons n’a vu le jour. Il demeure que les projets de maisons en série, à l’architecture éminemment moderne, sont dotés de pièces modulables, conçues telles les pièces d’un Meccano. Dans les faits, ces maisons s’opposaient aux modèles dominants du marché immobilier, généralement plus traditionnels. Qui plus est, dans la conception de lieux de vie mieux adaptés aux besoins nés des changements démographiques et des nouvelles mobilités de l’époque, le ‘Case Study House Program’ ajoutait à la dimension anticipatrice une démarche sociale assumée : ces maisons devaient être bon marché.
C’est finalement grâce à ces expériences que le visage actuel des collines californiennes a trouvé sa particularité, même si l’aspect social a disparu chez les propriétaires de villas de Santa Ana ou Santa Monica.
Aujourd’hui, il ne reste que peu de ces maisons, certaines sont protégées comme la Stahl House. Pas de famille de soldat pour les habiter mais des amateurs privilégiés. Les Case Study Houses ou les villas radieuses ?
Promenade ci-dessous à la croisée des chemins, dans les collines californiennes entre Beverly Hills et Pacific Palisades.
Alice Delaleu
Case Study House n°8 : Charles et Ray Eames, Eames House, Pacific Palisades
Case Study House n°8 : Charles et Ray Eames, Eames House, Pacific Palisades
Case Study House n°10 : Kemper Nomland et Kemper Nomland Jr., Pasadena. Cette maison fut rajoutée au programme après sa clôture.
Case Study House n°11: Julius Ralph Davidson, Los Angeles. Cette maison est la première des Case Study House construite.
Case Study House n°18 : Rodney Walker, Pacific Palisades
Case Study House n°21 : Pierre Koenig, Bailey House, West Hollywood
Case Study House n°22 : Pierre Koenig, Stahl House, West Hollywood