
La loi organise-t-elle la fraude au CCMI, ce contrat de construction de maison individuelle qui fait le bonheur des margoulins ? Alphonse Monmoulin n’est pas loin de le penser. Son député est-il au courant ? Peut-il ne pas l’être ?
Le 04 septembre 20..
Monsieur et Madame Vivette et Alphonse Monmoulin
Adresse : 3 rue Principale
Sainte-Gemmes
A Monsieur Solaire Charles
Député de Sainte-Gemmes
Objet : Construction de maison et CCMI
Monsieur le Député,
Mon épouse et moi-même sommes résidents de votre circonscription aussi prenons-nous la liberté de vous informer de pratiques dommageables se déroulant justement dans cette circonscription.
Nous souhaitions faire construire notre maison, sur une petite parcelle proche de notre village de cœur. Pour ce faire, il est apparu, selon moult recommandations de toutes parts, y compris celles du gouvernement, que la solution la plus prudente était de conclure un CCMI (contrat de construction de maison individuelle).
Bien mal nous en a pris ! Certes, une maison a été construite mais les travaux ont été si mal réalisés – il y a des « malfaçons » dès les fondations ! – qui obligent à la démolir. Conformément au contrat de CCMI, la maison devrait être démolie et reconstruite selon les règles de l’art par Maisons-Hypnos, un constructeur basé aux Iles Caïman.
Malgré cela, notre propre avocat – Maître Catherine Chevalier-Blanc – nous indique que nous risquons quand même de devoir payer les travaux aux artisans alors que nous les avons déjà presque entièrement payés au constructeur. C’est la loi sur la sous-traitance, nous dit-elle. Loi que nous ignorions complètement et dont personne ne nous avait parlé. La connaissez-vous Monsieur le Député ? Car c’est quasiment de l’escroquerie.
Maître Chevalier-Blanc nous a expliqué que le CCMI est plein de pièges et de risques cachés et qu’il nous aurait fallu connaître parfaitement ce que l’on devait faire, aux bons moments, en anticipant tous les problèmes à venir. C’était notre rôle de maître d’ouvrage, nous dit-elle. Mais je ne sais même pas ce que c’est, un « maître d’ouvrage ». Elle a ajouté « qu’il faut bien que tout le monde vive » et raconté que les contentieux dans la construction sont la principale clientèle de beaucoup de cabinets d’avocats.
Une chose est certaine, je ne conseillerai jamais, même à mon pire ennemi, de signer un CCMI. Pourquoi les gens comme nous ne sont-ils pas prévenus à quel point le CCMI est dangereux ? Un vieil oncle architecte nous a bien précisé que les architectes sont vent debout contre ce type de contrat mais que personne ne les écoute.
Monsieur le Député, n’êtes-vous donc pas au courant des difficultés rencontrées dans ce domaine par vos administrés, pourtant respectueux des lois ? Je ne peux croire que nous soyons les premières victimes du CCMI. Pourtant je n’ai lu nulle part sur votre site de Député une quelconque remarque de votre part à ce sujet ?
Nous nous permettons donc de vous écrire car nous ne savons plus vers qui nous tourner pour demander de l’aide.
Le temps presse. Nous sommes désormais ruinés, toujours sans maison et ce stress est cause de notre santé défaillante. Voyant mon état physique presque aussi délabré que ma maison, mon médecin traitant m’a orienté vers un psychiatre, car je crois que je deviens fou. Ce docteur, persuadé bien sûr que le gouvernement ne saurait tolérer de tels abus, en vint de fait à considérer ma santé mentale comme défaillante.
Pourtant, Monsieur le Député, qu’il s’agisse des garanties et des assurances, j’avais tout fait comme il faut en suivant les bonnes pratiques indiquées par le Gouvernement, c’est-à-dire en signant un CCMI. Force est donc de constater que la loi est mal faite et ne protège pas les gens. La preuve, nous nous sommes fait avoir : on a signé un CCMI et on a tout perdu. Comment vous, Député de la République, ne sauriez pas de ces dévoiements de la loi ?
Aujourd’hui encore, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CGCCRF) indique sur son site que « le contrat de construction de maison individuelle a été conçu pour protéger les consommateurs. Il offre un degré de sécurité juridique plus élevé que d’autres contrats de construction, et doit être signé avant le début des travaux ». De qui se moque-t-on Monsieur le Député ?
C’est justement parce que le gouvernement est le responsable direct de nos malheurs et de cette fraude organisée que nous nous permettons de nous adresser à vous aujourd’hui pour solliciter votre aide et votre bienveillance dans ce dossier. Nous vous remercions d’avance de vos interventions afin que ce genre d’histoires ne se reproduisent plus.
Dans l’attente de vous lire,
Veuillez agréer, Monsieur le Député, l’expression de nos salutations distinguées et sentiments désespérés.
Vivette et Alphonse Monmoulin
———-
Monsieur Solaire Charles
Député de Sainte-Gemmes
Objet : Construction de maison et CCMI
Paris le 14 septembre 20..
Chers Administrés,
J’ai pris bonne note de votre courrier, dont j’ai fait part au Ministre.
De fait, ses directives sont claires : si vous faites refaire votre maison, le Ministre recommande surtout de signer un contrat de construction de maison individuelle, avant le début des travaux.
En espérant avoir apporté une réponse à votre problème,
Veuillez agréer, Chers Administrés, l’expression de mes sentiments attentifs et dévoués.
Charles Solaire
Votre Député
Jean-François Espagno
Retrouvez tous les épisodes des Lettres de Monmoulin