Parmi les initiatives qui entendent poursuivre la mobilisation contre la loi ELAN, celle de ce mystérieux mais déterminé Collectif ‘ELAN des Architectes pour l’architecture et les logements’ qui a émis son premier communiqué de presse dès le 18 mai 2018, au lendemain de la mobilisation nationale. Voici ci-dessous ce texte dans son intégralité, avec les commentaires de la rédaction. Résistance ?
L’ELAN des architectes pour l’architecture et les logements
Une interrogation :
Pourquoi ne pas avoir réuni tous les acteurs du logement social autour de la table pour élaborer la loi ELAN ? Seuls les bailleurs sociaux ont été entendus et reçus en amont. Les architectes, directement concernés et qualifiés pour créer et donner leurs avis sur la qualité du cadre de vie, sur la simplification et l’accélération des processus de construction de logements en France n’ont pas été consultés.
[Note de la rédaction : C’est aussi parce que les architectes ne frappent pas aux bonnes portes. Il ne sert à rien de faire des pieds et des mains pour être reçu au ministère de la Culture quand c’est partout ailleurs sauf à la Culture que se joue l’avenir du logement.]
Un constat :
Le monde entier nous envie la qualité de nos logements sociaux construits depuis les années 90 dont l’origine est principalement liée aux concours d’architecture (que la loi ELAN ne veut désormais plus imposer), à la politique du logement en France et à la qualité de l’enseignement de l’Architecture.
[Note de la rédaction : heu… C’est en effet souvent vrai mais le monde entier ne nous envie pas nos «No go zones» et l’assertion quant à la qualité de l’enseignement de l’architecture mérite sans doute d’être nuancée.]
Une inquiétude :
Il y a un vrai risque, en revenant sur les fondamentaux qui régissent les relations entre maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage publique, d’entraîner une dégradation de la qualité architecturale et d’inciter à des dérives connues, dont moins de transparence sur l’utilisation de l’argent public.
[Note de la rédaction : … PPP et conception-réalisation ne sont-ils pas transparents ? D’ailleurs les constructeurs, en général et en particulier, ne jouissent-ils pas d’une excellente réputation de probité ?]
10 mesures pour construire «vite, mieux et moins cher»…
Construire plus vite et moins cher
1- En amont, encourager la mise en place de faisabilités de qualité, de diagnostics préalables, de fonciers maîtrisés afin de préempter des aléas futurs. Décourager, sauf cas de force majeure, les modifications des programmes en cours d’études et imposer le respect des délais d’approbations des plans par les maîtres d’ouvrage et bailleurs.
[Note de la rédaction : Hum… l’architecture ne pourrait-elle pas au contraire permettre des modifications de programme en cours d’études ? La réversibilité est un vrai sujet et des architectes poussent à la création d’un label Immeuble à Destination Indéterminée (IDI), l’idée étant de ne pas figer l’usage d’un bâtiment dès le permis de construire. Cela écrit, dans la grande famille des ESH, il y a deux poids deux mesures entre les bailleurs sociaux parisiens, qui construisent très (très) cher à parfois 3 000 €HT/m²/SHAB et les bailleurs de province (1 100€/m²). Dans les deux cas, ce prix-là ne garantit ni la qualité de conception, ni la qualité de réalisation, ni la réactivité face aux aléas et aux changements de programme, ni même la possibilité de faire du logement social un laboratoire prospectif.]
2- Dématérialiser les appels d’offres et les candidatures avec une plateforme universelle nationale regroupant l’ensemble des dossiers administratifs et références des architectes et professions associées (économies en temps et coûts). Simplifier et limiter certaines prestations des concours demandées selon les seuils de complexité des projets.
[Note de la rédaction : Se méfier de la dématérialisation. En ce pays il n’est pas rare que soit demandée une version immatérielle du projet et, pour confirmation, une autre en version papier. Et voilà l’architecte qui fait le travail deux fois. D’ailleurs la question n’est pas tant celle de la dématérialisation mais de l’organisation au sein même de maîtrises d’ouvrage qui multiplient les services et les incompétences. Ne faut-il pas plutôt souhaiter que de vrais architectes et connaisseurs soient affectés dans les services publics ? Et que par ailleurs les membres des jurys soient également des sachants ?]
3- Réduire les délais administratifs grâce à la dématérialisation des procédures et en simplifiant, coordonnant, synthétisant et centralisant les normes (instruction des PC, respect des normes, obtention d’atex et dérogations).
[Note de la rédaction : Un grand choc de simplification ? Pas si simple. En attendant, les architectes continueront à se faire des nœuds à la tête puisque certaines normes sont contradictoires entre elles voire empêchent toute innovation, en regard notamment des questions de réversibilité évoquées plus haut.]
4- Encourager la préfabrication tout en préservant la singularité des bâtiments et leur insertion contextuelle y compris avec le concours des artisans du BTP.
[Note de la rédaction : ça fait beaucoup de choses d’un coup… Avec la loi ELAN, pour la préfabrication, les Majors vont être servies et c’est la standardisation qui se profile. Pourtant il y a des entreprises qui travaillent extrêmement bien la préfabrication, notamment les bétons. Il s’agit souvent de petites entités qui ne peuvent pas rivaliser avec les multinationales. Alors construire moins cher ou construire mieux ?]
5- Alléger les processus d’acquisition de foncier et de montage de financements et donner la primauté aux bailleurs sociaux sur l’accès au foncier détenu par les villes et l’Etat.
[Note de la rédaction : Affirmative action ? Se méfier toujours des primautés et, en effet, des conservatismes centralisateurs. Mais, à Paris, les bailleurs ont eu la primauté sur les casernes de Reuilly, des Minimes, l’INPI, la Mouzaïa, l’îlot Saint-Germain…]
Construire mieux
6- Préserver l’obligation des concours pour la construction de logements sociaux, et pour les grandes Opérations d’urbanisme et OIN, afin d’encourager la qualité du cadre de vie et l’émulation tout en assouplissant les règles pour certains seuils.
[Note de la rédaction : oui mais il faut aussi prendre acte de la variété des modes de compétition actuels. Quel que soit le chemin d’accès au projet, l’important n’est-il pas au final la position réelle de l’architecte dans l’organigramme ? Il faut peut-être relativiser le mythe du concours d’architectes garant de qualité. Il n’engage en rien, même pas sur le dessin quand c’est un concours d’images. Les MOA ne se privent également pas de demander des reprises de projets après le concours…]
7- Renforcer le suivi des travaux par la présence de l’architecte concepteur, tout au long du processus de construction pour garantir la bonne réalisation des ouvrages.
[Note de la rédaction : Et que vont devenir les stagiaires ? Rappeler aux architectes qu’ils ne sont pas que des dessinateurs mais surtout des hommes et femmes de chantier. A force de laisser les chantiers à des maîtrises d’œuvre d’EXE pour ne pas s’embêter à embaucher des architectes de chantier (spécialité de plus en plus rare, car de moins en moins étudiée dans les écoles)…]
8- Demander un engagement des bailleurs pour l’innovation, la qualité globale et durable dans la construction des logements car il s’agit du patrimoine de demain, et ainsi éviter les erreurs des années 1950-1970.
[Note de la rédaction : attention à ce que les bailleurs ne retournent la proposition, dans les mêmes termes exactement ! «Demander un engagement aux architectes etc.»]
9- Conserver l’intervention des architectes indépendants et imposer des règles transparentes de la construction de la commande publique (dont les concours d’architecture) dans les projets d’aménagements urbains et les Grands Opérations d’Urbanisme (GOU), car il s’agit de garantir la qualité et la bonne gestion de l’argent public.
[Note de la rédaction : Certes mais l’enjeu, justement, n’est-il pas de sauvegarder la qualité architecturale pour tout le reste ? Les architectes ne peuvent être confinés à quelques opérations prestigieuses. «Faites un beau musée, les logements on s’en occupe» est l’antienne des Majors. Faire en sorte peut-être que les aménageurs encadrent davantage les propositions de contrats, garantes de la qualité architecturale et des honoraires perçus par les agences.]
10. Créer au plus vite des états généraux du logement qui réuniraient l’ensemble des acteurs de la filière, de l’architecte, aux bailleurs sociaux, aux promoteurs, et aux habitants !
[Note de la rédaction : Il y a eu des tentatives. La conférence consensus logement en est une, l’atelier du logement mené à la Maison de l’architecture d’Ile-de-France une autre.]
LA LOI ELAN DOIT AFFIRMER L’ARCHITECTURE COMME EXPRESSION DE LA CULTURE ET D’INTERET GENERAL.
[Note de la rédaction : Ce n’est pas son but mais il n’est pas trop tard pour encore peser sur les débats. Bonne chance.]
COLLECTIF ELAN DES ARCHITECTES
[La rédaction]
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