L’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne et Dominique Perrault ont inauguré à l’automne 2018 un MOOC (Massive open online course) sur l’architecture du Groundscape, intitulé “Groundscape Architecture Design Lab, Re-thinking cities underground”. Cet atelier de projet et de recherche en architecture, a donné lieu à un concours : Groundscape.
« Ce prix a été créé pour récompenser les meilleurs projets des étudiants inscrits, la qualité des stratégies urbaines et spatiales, des programmes, technologies ou matériaux proposés, à même de remettre en question la façon dont nous percevons et comprenons l’architecture souterraine et ses relations avec l’environnement construit », explique Dominique Perrault.
Le concours a rassemblé 48 candidatures et sites, en provenance de 25 pays. Le jury a désigné à l’été 2019 deux lauréats, six mentions honorables et une mention spéciale.
1er PRIX ex aequo
Projet : READY-MADE by Ange-Jacques Gabriel
Auteur : Alexis Peyer (France)
Site : Paris, France
La Place de la Concorde est la plus grande place de Paris (8,64 ha). Située au centre de la capitale, cette place est un lieu hautement symbolique, support d’événements majeurs de la République française. Son positionnement, entre l’Assemblée nationale et l’église de la Madeleine, la situe dans la continuité des jardins des Tuileries et du Grand Louvre. Les Champs-Élysées s’y amorcent vers l’ouest dans la grande perspective historique qui mène à La Défense.
En dépit de cette histoire illustre, la place de la Concorde vit aujourd’hui dans une logique essentiellement ‘automobile’, peu utilisée ou vécue par les Parisiens. Le projet invite à redécouvrir le projet d’Ange-Jacques Gabriel développé pour cet ancien lieu royal, la place Louis XV.
Il propose l’ouverture de deux « tranchées » formant des places à l’Est, à l’interface du Jardin des Tuileries et des deux terrasses conçues par André Le Nôtre donnant sur la Place de la Concorde. Le sol s’ouvre, la lumière s’infiltre, les lignes cardo / decumanus sont révélées.
Les petites dimensions des micro-espaces se confrontent à la grande dimension des monuments historiques. Les deux fossés, grandes ouvertures dans le sol, laissent intact le paysage urbain en surface. Ils offrent des façades à un long bâtiment semi-enterré qui relie l’Hôtel de la Marine au nord (bâtiment conçu par Ange-Jacques Gabriel) à la Seine au sud. Le long de la route, un pôle culturel relie la ligne de métro n°1, les bases des musées du Jeu de Paume et de l’Orangerie, la ligne de métro n°12 et enfin une jetée sur l’eau.
1er PRIX ex aequo
Projet : The backlash icon
Auteur : Ernesto Ibáñez (Espagne)
Site : Las Palmas de Gran Canaria, Espagne
Comme les premiers catholiques l’ont fait dans les catacombes, il est parfois nécessaire de se cacher pour se démarquer. En 1976, Albert Meister imaginait une utopie souterraine sous la place principale du Centre Pompidou. Ainsi, invisible, elle a dérobé la catégorie d’icône au nouveau bâtiment et canalisait une activité culturelle « gratuite » vers le projet souterrain. Comment un bâtiment pourrait-il rivaliser avec un centre culturel enfoui ? La même année, Bernard Tschumi, dans ses travaux de publicité contre-culturelle, a inventé la puissante phrase : « Pour vraiment apprécier l’architecture, vous devrez peut-être même commettre un meurtre ». La proposition de ce projet est précisément de commettre un meurtre.
Combien de mètres carrés de places d’églises y a-t-il en Espagne ? Chaque ville, chaque village et chaque quartier d’Espagne possède au moins une église. Et chacune a sa place. Bien que le rôle des églises dans l’écosystème urbain soit en train de perdre de sa pertinence, leurs places restent souvent un espace public de référence. Le projet profite de leur sous-sol comme espace d’opportunité dans un tissu urbain de plus en plus saturé.
Pour célébrer ce besoin de culte, un culte social et culturel en place d’un culte religieux. La place sera le protagoniste et l’église, la toile de fond. Le programme est divisé en bandes, les plus étroites étant des espaces fermés avec des activités multiples qui évolueront avec le temps ; les plus grands des espaces ouverts fonctionnent comme extension de l’espace public et espaces d’échanges, accessibles directement depuis la place supérieure.
Mention honorable
Projet : Domus
Auteur : Leandra Di Mineo
Site : Liverpool, Royaume-Uni
Créée en 1745 par M. Williamson à Liverpool, Williamson Square est aujourd’hui entourée de boutiques et du Playhouse Theater, à l’est. La place incluait également le Theatre Royal au nord jusqu’à sa démolition en 1965. Au cours des dernières années, la ville de Liverpool cherche à revaloriser la place afin d’animer le quartier.
Un nouvel espace culturel polyvalent est proposé sous la place avec des toits/plafonds vitrés qui émergent du sol et fournissent une lumière naturelle tout en agissant comme indices visuels et objets lumineux sur la place. L’espace principal comprend une salle polyvalente en forme de dôme, lieu d’expositions d’art ou de performances artistiques.
Les autres espaces comprennent un bar avec un plafond pyramidal et des salles de service. Le design fait référence aux formes du site, notamment aux éléments sphériques du Theatre Royal et du Playhouse Theater aux influences françaises ou italiennes.
Mention honorable
Projet : Facing the Reality
Auteur : Gerard de Benito Mengual
Site : Valencia, Espagne
L’ancien lit du fleuve Turia à Valence a été transformé en parc linéaire qui lie la ville ancienne et moderne. L’action propose un projet formant un croisement à même de générer de nouvelles circulations entre les deux parties de la ville et le parc. Un lieu très fréquenté où se croisent les habitants, touristes, promeneurs ou athlètes, avec différentes fonctions, récréatives ou fonctionnelles, qui répondent aux besoins du site.
Le projet propose de superposer différentes fonctions, en libérant de l’espace précédemment occupé en surface. La mise en place d’installations telles qu’une galerie, une connexion au métro, des vestiaires pour les terrains extérieurs ou des installations de maintenance pour le parc améliorent les flux et permettent une meilleure organisation de l’espace, à la fois extérieur et souterrain, créant une nouvelle dynamique urbaine pour l’ensemble du site.
Mention honorable
Projet : Life under the Heritage
Auteur : Ramón López González
Site : Santiago de Compostela, Espagne
Saint-Jacques-de-Compostelle est une importante ville de pèlerinage, qui attire des milliers de pèlerins tout au long de l’année. Le projet est proposé sur la place où se trouve le principal accès à la cathédrale. Le projet souterrain proposé conserve le caractère de la place, en implantant un seul élément translucide émergeant qui donne accès au sous-sol.
Sous la place, une série d’espaces dédiés aux pèlerins sont proposés : aires de repos, restaurants, cafétérias, espaces d’exposition… Le sous-sol permet des connexions aux bâtiments qui entourent la place. Un patio entre la zone de descente et les espaces en sous-sol permet d’éclairer les espaces tout en permettant à la nature de s’épanouir. Le projet crée ainsi un nouveau lieu intégré en douceur à l’espace public, qui répond aux besoins de tous les pèlerins.
Mention honorable
Projet : Park Stations
Auteur : Federico Marino
Site : Buenos Aires, Argentine
Le projet Park Stations forme un continuum urbain délimité sur ses côtés par des espaces publics à l’intersection avec quatre lignes de métro. Il est formé d’essences d’arbres de différents types et dimensions qui caractérisent l’environnement sous le niveau du sol, tandis que les stations de métro se croisent sur le parc et intègrent sans former de ruptures le nouveau paysage urbain.
Mention honorable
Projet : Plus
Auteur : Lorenza D’Orazio
Site : Berlin, Allemagne
Sur Alexanderplatz à Berlin, le projet a pour objectif de relier toutes les activités actuellement présentes, d’ajouter de nouvelles fonctions et de créer un réseau de connexions qui ne modifie pas en surface la perception de l’espace de la place.
L’intervention se limite à la duplication de l’espace de la place dans son sous-sol, transformant le sol existant en une dalle vitrée permettant l’éclairage du niveau inférieur. Cette action simple obligera les espaces environnants à réagir et la réaction attendue consistera à connecter les bâtiments dans leur niveau -1 à ce nouveau sous-sol. Il générera de nouveaux espaces pour l’insertion de commerces, bureaux, équipements de loisirs, installations sportives, etc.
Mention honorable
Projet : Sous les pavés, la plage
Auteur : Emmanuelle Valersteinas
Site : Paris, France
Sous la colonne, au centre de la place de la Bastille, le sol s’ouvre en ellipse sur le Groundscape : une rampe descend en spirale dans les profondeurs du sol, formant une promenade douce qui dessert plusieurs niveaux.
Les murs qui accompagnent cette descente sont courbes et recouverts de pierre. Le premier niveau desservi accueille des commerces, de chaque côté du canal qui traverse la place. Un espace généreux et flexible permet aussi l’installation de marchés, d’expositions d’art ou d’événements de toute sorte.
La rampe dessert également les trois stations de métro qui se croisent sous le sol.
Enfin, le dernier niveau est habité par un auditorium faisant le lien avec l’opéra Bastille (dont les ateliers descendent à -20 m sous la scène). Lieu d’échange et de rencontre, il est largement éclairé par la lumière zénithale venant du toit en verre. Les lumières sont variées, provenant des différentes ouvertures en surface et des jeux de réflexion de l’eau du canal. Les espaces offrent des vues vers le canal et vers le Génie de la Bastille.
Mention spéciale
Projet : Culture Basin at the Water’s Edge
Auteur : David Marcoux
Site : Buffalo, Etats-Unis
La proposition utilise la stratégie Groundscape pour concevoir un nouveau centre municipal à l’extérieur du port de Buffalo, dans l’État de New York, juste à côté du lac Érié. Un élément d’infrastructure aussi important permettrait d’ancrer et d’accélérer les efforts de développement urbain menés à proximité.
Cette proposition permettrait de lier les besoins programmatiques et de justifier davantage l’extension du système de tramway existant de la ville à ce nouveau quartier culturel au bord du lac. La proposition comprend également un grand espace de vente au détail destiné à renforcer la viabilité de ce nouveau district, indépendamment du centre-ville situé au nord.
En faisant appel au langage et aux outils de Groundscape, le schéma réconcilie des plans de sol disparates. En reliant le niveau de sol naturel à celui de la chaussée surélevée, une surface se définit en pente vers le lac et forme potentiellement une salle de concert extérieure. Cette surface sert également de « couvercle » au principal espace du programme situé au-dessous : le nouveau centre municipal.
Simultanément, en inclinant le sol inférieur vers le bas, à mesure que l’on se rapproche de la façade de l’entrée principale par le sud, le sol devient un espace de jardin incliné menant à l’entrée plusieurs étages au-dessous du niveau initial. La stratégie Groundscape permet d’offrir à la ville un nouvel espace public sans perturber le tissu urbain. De plus, en situant le site immédiatement à côté du port de Wilkeson Point, lorsque les occupants se trouveront à l’intérieur du centre des congrès, et que les bateaux et autres embarcations entreront à Wilkeson Point, l’observateur pourra prendre conscience de sa propre position relative sous le niveau de l’eau, ce qui constituera une expérience étonnante.