Lundi 17 mai 2021, le Premier ministre a pris acte publiquement du « ralentissement structurel de la production de logements neufs ». Structurel, et non (pour une fois) conjoncturel. Autrement dit, quelqu’un a remarqué un mal fonctionnement dans la production de logements neufs.
Les chiffres sont clairs : 366 000 logements mis en chantier en un an au lieu des 420 000 usuels – beaucoup moins que les 600 000 nécessaires pour résorber l’endémique mal logement du pays.
Donc, outre le fait qu’il faudrait être sacrément de mauvaise foi pour ne pas reconnaître la grosse mouche dans le potage du logement en France, des mesures appartenant malheureusement à des registres placébo seront prises : la relance consistera notamment à augmenter le « fonds friche » aidant à la dépollution des sols.
Ça va tout changer…
Allant jusqu’au bout de la logique administrative usuelle (un problème, une commission sous la responsabilité d’un responsable politique), Jean Castex a nommé François Rebsamen (actuel maire de Dijon, ex-fan de Ségolène Royal) à la tête d’une commission pour étudier les mesures à prendre…
Une piste de réflexion pour Monsieur Rebsamen : la baisse de 15,6 % des permis de construire sur le territoire (20% dans les ensembles très urbanisés) alors que le chiffre d’affaires des Majors du secteur (Nexity, Vinci, Bouygues, …) se maintient dans des zones florissantes ?
Cela ne va pas être simple pour Monsieur Rebsamen de chercher au sein de sa propre communauté d’élus les raisons de cette frilosité. Car c’est bien l’ensemble de la classe des élus qui a une part de responsabilité non négligeable dans cet état de crise structurelle.
Plus que jamais, les élus bâtisseurs sont mal vus des électeurs qui, de plus en plus conservateurs dans leur jouissance d’être entre gens d’ici*, en plus d’être très réactionnaires quant à l’architecture contemporaine, sont hostiles aux nouveaux habitants, donc aux logements neufs. C’est donc la piste d’une collusion entre ces élus (qui gouvernent pour être réélus et non l’inverse) et la fantastique corporation des officiers instructeurs et autres cadres territoriaux chargés de veiller à la sacro-sainte vertu des villes à conserver le paysage, aussi minable soit-il, qu’il faut poursuivre.
Il y a peu de temps, je me suis entretenu avec un service des permis d’une collectivité territoriale de région parisienne qui m’avouait (sans témoin) que les élus souhaitaient réduire le nombre de logements neufs pour garantir le niveau de densité actuel.
Sans méchanceté aucune, le maintien de la densité acquise est dans toutes les têtes (sinon des programmes) des élus issus des rangs frigorifères de toutes les couleurs politiques fondamentalistes Du rouge au brun, en passant par le vert, aucun élu ne souhaite « surdensifier », et donc ainsi contribuer à la résorption de la crise évoquée par Jean Castex.
A Paris, en lieu et place de vieux machins pourris et insalubres, on ne construira plus d’immeubles neufs, priorité est donnée à la réhabilitation. Ou est-il le temps béni des promoteurs pompidoliens qui rasèrent la moitié de Belleville… !
Quant à la surélévation (construire la ville sur la ville), thème important de la campagne de Madame Hidalgo en 2014, rares sont ceux qui ont essayé, plus rares encore sont ceux qui y sont parvenus.
De fait, il y a une connivence flagrante entre élus et cadres territoriaux au nom de la vertu environnementale, qui souvent frappe au coin des PLU avec l’inconscience, l’aveuglement et la naïveté des concepts à la mode portés pour des raisons électoralistes pour les uns et retranscrits en normes au nom du principe du tout administratif pour les autres. Autant de raisons conspirationnistes de collusions d’intérêts, la réélection pour les uns et le plaisir du règlement pour les autres.
Parmi ces brimades multiples dont la liste est longue, telle ville interdit une occupation de la parcelle de plus de 30%, telle autre interdit la profondeur d’un immeuble supérieure à 14 m. Autant de mesures aux vertus environnementales douteuses parce que relatives et qui se refusent à toute hypothèse de « compensation » permettant un soupçon de liberté de l’usage du territoire à des fins du développement de solutions encore plus environnementales que celles qui sont défendues bec et ongles par des esprits étroits, « greenwashés », endoctrinés et souvent fanatiques de la chose verte.
Un exemple : la fameuse épaisseur de 14 m évoquée ci-dessus est faite d’amalgames enfantins de la règle de l’usage d’un éclairement naturel (dont personne ne discute le bénéfice) qui fait que, passé 7 m de profondeur, dans nos latitudes, cet éclairement naturel devient relativement inefficace.
Certes, mais il est important de considérer que si 7 m de profondeur maximum s’appliquent pour une hauteur sous plafond de 2,50 m, qu’en est-il pour une hauteur sous plafond de 4 m ? Compte tenu de cette grande hauteur, un éclairement naturel est encore assuré au-delà de 9 m de profondeur.
Un calcul simple avec des coupes simplissimes enseignées en première année d’école d’architecture permet de comprendre aisément que plus la hauteur de plafond est importante, plus la lumière du jour ira loin. Trop complexe cependant pour une réglementation urbaine pourtant si prompte à exiger des calculs impossibles pour les prospects et autres « gabarits enveloppe ».
Les 4 m de hauteur sous plafond devenant si rares, les officiers territoriaux ont oublié (ou ne savent même pas) l’origine de cette loi imbécile, l’appliquent à tout va jusqu’à devenir un article du PLU en lieu et place d’une étude sur l’effet bénéfique de l’éclairement naturel et des moyens pour y parvenir sans imposer de modèle architectural.
C’est cette liberté d’agir, en conscience de l’esprit tourné vers la réflexion qui devrait être la règle et non la règle comme substitut de la pensée.
La crise du logement se nourrit de ces frustrations au plaisir de bâtir, au nom des modes vertes et des lois électoralistes, et empêche de jouir d’une activité florissante qui permettrait le plein logement, Monsieur Rebsamen.
Dans quel état serait la médecine si les ordonnances prescrites par les médecins étaient constamment attaquées pour des erreurs de syntaxes ou raturées d’une autorité imbécile contestant au médecin sa posologie ?
François Scali
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