C’est tout à fait dans l’esprit de la longère traditionnelle – un habitat familial peu onéreux – que Pier Paolo Bonandrini et Julien Allègre (A+B) ont livré, près d’Angers, à un jeune couple maître d’ouvrage une maison en bois contemporaine qui permet de revisiter un élément symbolique de l’architecture vernaculaire du lieu, le tout pour moins de 100.000 euros.
Dans l’ouest de la France, la longère était la maison des petits paysans (journaliers possédant un petit lopin, métayers, petits exploitants) et des petits artisans. Elle était très répandue dans les zones de pauvreté*. C’était (c’est, car il en reste énormément) une maison étroite, en longueur, de plain-pied où, souvent, cohabitaient humains et animaux. Aujourd’hui sa réhabilitation est souvent un casse-tête pour les propriétaires ou acheteurs de ces maisons, sans parler d’un usage aujourd’hui peu en phase avec le mode de vie contemporain.
Pourtant de jeunes architectes se réapproprient aujourd’hui le concept, en construction neuve et en bois. En témoignent notamment une longère réalisée par Jean-Charles Castric à Quimper et primée en 2006 au salon bois d’Angers et celle que viennent de livrer à Brain-sur-Longuenée en Anjou les jeunes architectes Pier Paolo Bonandrini (Paris) et Julien Allègre (Le Mans). Si la première est une auto-construction, la seconde est intéressante à plusieurs titres, en premier lieu parce qu’elle est née de la volonté d’un jeune couple souhaitant construire sa (première) ‘maison à 100.000 euros’ (à l’époque, fin 2007, l’expression faisait florès) mais ayant eu le réflexe de faire appel à des architectes.
«Les maîtres d’ouvrage, de jeunes trentenaires, n’avaient pas d’idée préconçue, sinon pour l’aménagement intérieur, mais tenaient à ce que cette maison leur ressemble et s’inscrive dans le développement durable ainsi que dans une logique d’anticipation ; prévoir des chambres pour enfants pas encore nés par exemple,» se souvient Pier Paolo Bonandrini. C’est à l’issue de discussions entre maîtres d’ouvrage et architectes qu’est apparu un projet susceptible de répondre à leurs attentes tout en rentrant dans le budget, dans le cadre des règlementations urbaines de la commune : une longère en bois, contemporaine et pourtant inscrite dans une tradition locale.
«L’option bois a été validée dès le départ en raison de sa rapidité de mise en œuvre et l’économie que cela pouvait représenter,» expliquent les architectes. Mais la clef du projet fut d’opter pour une structure répétitive sur pilotis afin, entre autres, «d’économiser de la matière sur les fondations car le terrain est en pente».
Qui plus est, l’option ‘sur pilotis’ a permis de résoudre une autre contrainte. En effet, la commune de Brain-sur-Longuenée (Maine-et-Loire) compte un périmètre protégé depuis le classement de son église. «Dans ce contexte – nous sommes au cœur du village à moins de 500m de l’église – notre but fut de respecter au maximum le terrain qui nous était donné, la solution ‘sur pilotis’ nous permettant de ne modifier en aucun cas l’allure générale du lot,» explique A+ B. L’ABF ne vit donc aucun inconvénient au projet. Enfin, l’idée des pilotis s’est imposée également par la présence d’une nappe phréatique proche et celle d’un puits que le maître d’ouvrage tenait à conserver.
Ce principe acquis et le terrain étant arboré, «l’objectif partagé fut donc d’avoir un impact minimal sur ce site et de respecter, par souci écologique, l’environnement existant. Sur ces pilotis nous avons donc proposé un projet de maison à ossature de bois naturel, recouvert d’un bardage ajouré, également naturel et non traité,» expliquent les architectes. La maison, de 19.80m de façade sur 6.50m de profondeur pour une surface hors œuvre nette de 114,80 m² se développe donc sur un seul niveau.
L’ouvrage est implanté au nord en limite de propriété le long d’une rue passante, ceci ayant pour but de préserver au maximum la superficie du jardin. «L’entrée est située derrière un parement ajouré vertical de bois en seconde peau afin de préserver l’intimité du salon par rapport à la rue tout en y laissant filtrer la lumière. Cette première séquence nous amène dans le dégagement de l’entrée qui nous mène à la pièce de vie principale avec cuisine, salon avec sa cheminée, salle à manger ainsi que l’accès par un escalier à un petit bureau logé dans les combles en lévitation au-dessus de l’emplacement de parking de la voiture,» racontent les architectes.
«La seconde séquence nous amène dans un couloir qui mène aux pièces à vivre et permet en même temps de séparer les salles d’eau des chambres. La suite parentale est située au fond. Les salles d’eau donnent sur la rue, les ouvertures étant dissimulées par le bardage ajouré qui recouvre les fenêtres pour permettre d’obtenir une certaine intimité et en même temps créer un espace tampon entre la rue, les chambres, le jardin. Il y a ainsi une graduation entre l’espace public et privé,» disent-ils.
Logiquement, la maison est donc fermée sur la rue et ouverte sur le jardin ; une terrasse, sur pilotis également, vient prolonger l’espace du salon et se retourne le long de la maison pour permettre aux chambres d’en profiter. Les menuiseries extérieures, toutes verticales, sont pour la totalité traitées en aluminium tandis que la toiture formée de fermes traditionnelles est recouverte d’ardoises naturelles, ajoutant encore à l’effet d’un concept traditionnel revisité par l’architecture contemporaine. A noter enfin que le bardage bois a été calepiné, côté rue, de telle sorte à donner du dynamisme à l’ouvrage.
Bien sûr, il n’y a dans cette maison au final rien de bien mystérieux. Mais considérant que Pier Paolo Bonandrini et Julien Allègre n’ont acquis leur diplôme qu’en 2006, force est de constater que leur première réalisation, dans le contexte d’un budget serré qui fut respecté, tient la route, tant d’un point de vue constructif que pour les idées sous-jacentes qui portent ce projet.
D’ailleurs, dès 2007, puis en 2008, ils ont été retenus sur des projets de maisons autrement ambitieux tant du point de vue de l’architecture que du budget. Ils viennent d’ailleurs de livrer une extension en bois d’une grande sensibilité et continuent d’explorer de nouveaux espaces d’habitat, qu’il s’agisse d’un loft (reconversion d’un ancien garage, actuellement en chantier) ou de revisiter une maison de lotissement (également en chantier).
Christophe Leray
*In L’architecture vernaculaire Christian Lassure
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 11 mars 2009