Quelque part en Pays de la Loire, l’agence croixmariebourdon (Thomas Bourdon et Nicolas Croixmarie) a livré en 2022, pour le ministère de l’Intérieur maître d’ouvrage, un bâtiment logistique et les aménagements paysagers du site. Surfaces terrain : 10 700m² / SPC : 2 200 m². Budget travaux : 3 M€ HT. Communiqué.
« Cette opération ici illustre pleinement les réponses non standardisées, mais radicales et modestes, que nous souhaitons apporter aux enjeux fonctionnels, urbains et environnementaux de la construction industrielle d’aujourd’hui », explique Thomas Bourdon, architecte-urbaniste associé.
Une réserve à valoriser
L’opération concerne la construction d’un entrepôt de stockage pour l’armée. La nouvelle réserve logistique est implantée à l’intérieur d’un périmètre militaire, à flanc de coteau, en bordure d’un secteur résidentiel, en surplomb de la vieille ville. L’ancien champ de manoeuvres, non bâti, constitue de longue date une réserve foncière et fonctionnelle. Lorsque sa partie ouest a été construite il y a plusieurs années, les remblais non-évacués ont été étalés sur le site par économie.
Le site présente ainsi la forme d’un vaste talus d’1 ha, surélevé de 2 à 4 m par rapport au terrain naturel. Cette emprise, inoccupée et sécurisée, a laissé la place au développement d’une faune et d’une végétation,
protégées des activités humaines. Bordée par une voie ferrée, cette réserve de biodiversité est reliée au grand paysage territorial par les talus ferroviaires qui forment des corridors écologiques. La friche existante est donc aussi une réserve naturelle qui porte un fort potentiel de développement de la trame verte locale.
L’enjeu de l’opération de construction de la nouvelle réserve logistique sur ce site était donc de valoriser la réserve foncière tout en contribuant au renfort d’une réserve de biodiversité.
Mouvements de terrain
Alors que le programme de l’opération prévoyait l’évacuation du talus pour établir un plateau de stationnement formant l’assise de l’entrepôt, le projet a pris le parti de maintenir au maximum le talus en place. La construction valorise la présence des remblais existants pour s’ancrer dans le paysage et le contexte résidentiel. Elle minimise l’impact visuel et supprime la gêne acoustique pour les bâtiments voisins le long des voies ferrées. Elle diminue l’empreinte carbone du chantier, favorise l’inertie et une approche bioclimatique ambitieuse. Elle préserve une grande surface paysagée et protégée au profit de la biodiversité.
À la manière d’une fortification militaire, le nouvel entrepôt offre, malgré sa taille imposante, une présence discrète dans le grand paysage de la rive droite, face au centre ancien. L’édifice se compose d’un volume principal, émergeant élégamment d’un monticule planté. Une cour d’entrée, creusée dans le talus, minérale, accueillante, et ergonomique, assure les fonctions stratégiques et variées de desserte.
Un nouvel outil
La nouvelle réserve logistique est un bâtiment technique compact et rationnel qui s’organise en trois séquences fonctionnelles :
– une cour d’entrée, espace emblématique de la nouvelle réserve logistique qui structure les flux ;
– un espace transitoire, de hauteur réduite, qui abrite la zone de réception/expédition, les bureaux, et les locaux du personnel ;
– un volume de stockage, de grande hauteur, permettant l’entreposage des palettes et du matériel encombrant, de façon rationnelle et évolutive.
Le stockage en racks de 9 m de hauteur est desservi par des allées bien dimensionnées, perpendiculaires à la façade. Cette organisation permet à la lumière de rentrer profondément le long des allées de stockage. Elle offre une grande visibilité depuis les espaces de réception/expédition comme depuis les bureaux. La structure poteaux-poutres du stockage est conçue avec très peu de poteaux intermédiaires, permettant une forte évolutivité.
Au sein de la cour d’entrée, le traitement des niveaux et la définition claire des espaces permettent de distinguer les cheminements des camions, de ceux des personnels. La cour d’entrée fait l’objet d’un traitement particulier, simple, robuste et valorisant, qui permet de concilier la surveillance, la sécurisation des flux et l’agrément des travailleurs.
Une fortification plantée
Les façades de la nouvelle réserve logistique étant pour beaucoup enterrées, l’expression architecturale du bâtiment est portée sur la cour de livraison et le talus planté. C’est ainsi une architecture de fortification qui est évoquée. Les murs de soutènement sont réalisés en voiles de gros béton coulé en place. Dosé de manière à laisser des poches de granulats apparentes, il évoque un ouvrage de génie civil plus qu’une façade.
Les baies marquées par des nus différenciés de béton lissé et de menuiseries laquées, forment une galerie d’entrée avec des accès de plain-pied pour chacun (poids-lourds, utilitaires, chariots, piétons). Le sol de la cour est traité en continuité des parois grâce à un calepinage de béton désactivé et lissé, recoupé par des surfaces perméables en pierre concassée. L’aire de stationnement est protégée par des arbres au port étalé. Ils rafraîchissent la cour et donnent une échelle humaine au pied de façade.
Le stock émerge du talus sous la forme d’un édicule d’acier laqué de teinte douce gris beige métallisée. Micro perforé au sud, il assure la protection solaire et l’éclairement naturel de l’espace de stockage, en évitant les surchauffes et l’éblouissement. L’ensemble forme un arrière-plan sobre pour les massifs plantés du talus.
Le maintien du talus est un choix fort et original qui a clairement différencié le projet lors du concours. Il apporte une réponse intégrée, sobre et bioclimatique, inhabituelle dans le cadre d’une opération d’entrepôt industriel.