Pour cette quatrième journée de reconnaissance du Tour de France contemporain de Chroniques, les suiveurs se rendent sur la future 13ème étape, assez courte, moins de 140 km sur les routes du seul département de l’Ain. Cette étape, qui promet d’être animée pour les coureurs, arrivera au Grand Colombier, lequel commence à figurer parmi les lieux iconiques du Tour de France. D’ici-là, détour par Treffort avec l’agence d’architecture DLD.
Les suiveurs partiront à l’aube, avant le départ de Châtillon-sur-Chalaronne, pour faire un crochet vers le Nord en direction de Treffort-Cuisiat pour découvrir la Maison Commune du village réalisée en 2021 par l’agence lyonnaise DLD, acronyme de Doucerain Lièvre Delziani.
Le projet de réhabilitation et d’extension de la mairie s’inscrit dans un long processus de reconfiguration du centre-bourg. Initié depuis plusieurs décennies, le programme initial mairie-école a été complété par de nouveaux programmes (salles polyvalentes et associatives) et renforce ainsi la centralité du bourg en intensifiant les espaces dédiés aux habitants.
DLD a inséré l’extension de ce bâtiment construit en 1875 en l’inscrivant dans la pente et en prolongation du soubassement de la mairie. L’agence réinstalle le projet vers l’Ouest par la création d’un parvis bas et d’un nouvel accès dans la continuité du champ de foire. L’intégrité de la construction historique est à la fois respectueusement conservée et amplifiée par cet ajout qui l’épaule et porte les signes de son époque en signifiant les 150 années qui séparent les deux périodes constructives.
Le nouvel ouvrage à simple rez-de-chaussée offre sa toiture comme un nouvel espace public accessible, un balcon opportun ouvert sur la vallée à l’Ouest. Le projet transforme les fonctions de l’édifice tout en projetant depuis la mairie le regard vers le grand paysage.
« L’extension profite de la pente pour s’encastrer dans le sol, en prolongement du soubassement du bâtiment existant, et offrir son toit en terrasse accessible », précise le trinôme.
Le bâtiment, historiquement pensé dans un rapport mono orienté à l’espace public par l’unique rapport à la place de la mairie, devient traversant par l’ajout d’un deuxième parvis et de cette terrasse belvédère, comme un lieu physique marqué par le vide entre l’Est et l’Ouest.
La reconfiguration de la mairie est organisée autour de l’escalier monumental central existant qui du fait de sa conception historique s’installe au centre de gravité de la construction, en plan et en coupe, entre deux murs de refends. Il conserve son rôle structurant et continue de desservir l’intégralité des niveaux. Un ascenseur, malicieusement disposé en dédoublement du nœud de circulation, assure la mise en accessibilité du lieu tout en conservant l’intégrité spatiale de l’escalier monumental. Cette disposition programmatique en nappe horizontale superposée irriguée par la distribution centrale assure à l’ensemble de fonctionner indépendamment.
« La mairie conserve sa place au dernier étage. Le rez-de-chaussée, ancien niveau d’accès principal de la mairie, est dévolu à la salle du conseil et à deux salles associatives. Une troisième occupe le rez-de-jardin, nouvel accès principal au bâtiment, dont le hall permet l’accès à la salle polyvalente en extension », soulignent les architectes.
Les deux parvis permettent de multiplier les parcours, rendant chaque espace s accessible soit de plain-pied, soit à seulement un niveau de différence. Ces usages divers nécessitent des accès différenciés et autonomes suivant les besoins et les heures d’occupation. La salle polyvalente, avec la création du nouvel accès bas, jouit d’une pleine autonomie et permet de n’ouvrir que partiellement le bâtiment selon les besoins.
Le dialogue architectural entre les deux époques constructives ne passe pas par une architecture adjuvante cherchant le pastiche mais bien par la narration des épopées constructives de chaque époque assumant distinctement leurs histoires et leurs époques.
L’harmonie de l’ensemble s’opère au niveau des matériaux en prenant pour base la construction la plus ancienne. Cette dernière consciencieusement rénovée reprend les enduits à la chaux et les parements en pierre de Hauteville en soubassement, en encadrement et en chaîne d’angle. L’enduit installe une monochromie en corrélation avec la teinte des éléments en pierre.
L’extension prolonge cette grammaire par une double matérialité finement nuancée entre un béton blanc et un socle fait de pierres grésées. Les ouvertures prolongent le discours sur les époques et leurs opportunités technologiques. Aux gabarits des menuiseries existantes répondent de larges ouvertures sur l’extension. Aucune subdivision des volumes vitrés sur cette dernière, les vitrages sont employés aux capacités de l’époque avec une mise en place des ouvrants uniquement nécessaires au fonctionnement. La teinte des menuiseries est elle aussi unifiée par un vert pastel, soit mat, soit brillant, reflets là encore des époques.
DLD confirme avec cette réalisation sa place grandissante dans l’architecture contemporaine sur le territoire rhônalpin avec une approche sans cesse renouvelée d’attitude formelle et de rapport à la matérialité. Ses architectes égaient, par la justesse de leurs propos, le paysage contemporain bâti, lequel développe à l’infini et jusqu’à plus soif des bardages bois ajourés en liteaux 40×40 non traités disposés en coiffe au-dessus d’un soubassement soit enduit, soit en pisé, soit enduit, soit en pisé. Le choix est vaste.
Le projet de DLD traverse le temps dans l’épaisseur historique du bâtiment et pourra lui aussi, sans nul doute, être amplifié dans 130 ans en ayant conservé son approche initiale : le béton blanc sera toujours presque blanc, les ouvertures toujours au bon endroit et le belvédère toujours suspendu dans le ciel.
Les suiveurs pourront prolonger l’expérience en cassant une petite croute à L’Embellie, directement sur la place de la mairie. Une volaille de Bresse confite à la crème d’Etrez et morilles devrait leur apporter les apports caloriques adaptés à la poursuite de l’étape. Autour d’un verre local de Bugey Chardonnay de Jean-Christophe Pellerin, ils trinqueront à la santé de DLD et à la santé d’une architecture de lieux dignes où il fait bon être ensemble quelque part ; sans dogmatisme ni trompette ni fanfare, une architecture du plaisir.
L’ascension finale et épique vers le Grand Colombier leur permettra d’y repenser puisque de là-haut ils pourront apercevoir au loin quelque part un petit belvédère à Treffort qui les observe dans une réciprocité malicieuse des regards. Un cyclisme du plaisir et de la camaraderie en miroir de l’attitude proposée par DLD.
Guillaume Girod (en reconnaissance d’étape)
*Pour les suiveurs, retrouver :
– Les reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Le Tour de France contemporain 2022 : Les reconnaissances et les étapes
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018