L’agence parisienne Silvio d’Ascia Architecture a livré en 2019, pour l’Office National des Chemins de Fer du Maroc la nouvelle gare TGV de Kenitra. Par son organisation spatiale et fonctionnelle, la gare est conçue comme espace public de vie au quotidien, indépendamment de la nécessité de prendre le train. Communiqué.
La nouvelle gare de Kenitra (13 500 m², 30 M€ HT) s’inscrit dans le projet «Royal» de construction de la première ligne à grande vitesse du continent africain qui relie la Méditerranée à l’Atlantique ; de Tanger «Med» à la capitale économique Casablanca, via Kenitra et Rabat dans un premier temps et à terme jusqu’à Agadir.
La gare, conçue par l’équipe de maîtrise d’œuvre composée de Silvio d’Ascia Architecture er Omar Kobbité Architectes (mandataire Maroc), a été pensée tel un écrin capable de traduire dans son contexte urbain une identité renouvelée de l’architecture traditionnelle marocaine, notamment grâce à sa façade, réinterprétation d’un moucharabieh dilaté à l’échelle de la ville.
La gare associe les progrès socioéconomique et technologique incarnés par l’arrivée du TGV Al Baraq, devenant le symbole du plug-in de la ville et du pays dans la modernité. Conçue comme un nouveau lieu de vie pour la ville de Kenitra, la gare ne répond pas qu’aux besoins des usagers du train, elle est aussi conçue comme un lieu de passage permettant de rejoindre la ville. C’est un nouvel espace de vie traversé tous les jours par les citoyens devant se rendre à pied à la ville nouvelle au sud (à l’université ou l’hôpital universitaire) depuis la ville historique au nord, et vice-versa.
Par son organisation spatiale et fonctionnelle, la gare est conçue comme espace public de vie au quotidien, indépendamment de la nécessité de prendre le train. Le bâtiment-voyageurs se pose au nord, coté ville historique. Orienté est-ouest devant un grand parvis, il s’articule avec deux passerelles aériennes au-dessus des voies ferrées, orientées nord-sud perpendiculairement au bâtiment-voyageurs, permettant à la fois l’accès aux quais et le franchissement urbain avec un schéma à cour ouverte vers la ville nouvelle et les voies ferrées au sud.
L’un des enjeux majeurs du projet était de créer un lien entre la ville historique et la ville nouvelle. La passerelle principale a été conçue dans cette optique, à la fois comme un passage vers la ville vers l’est, comme une passerelle d’accès aux quais à l’ouest, vers l’axe central de la gare mais aussi comme un lieu de vie. Ce nouveau pont urbain accueille des commerces et services et permet le flux des passants comme celui des voyageurs usagers du train.
Ce pont au-dessus des voies ferrées permet de connecter le centre-ville historique au nord à la nouvelle ville universitaire au sud, autrefois connectés par un étroit passage souterrain. En offrant deux entrées sur la ville, au nord et au sud, la gare permet un profond rééquilibrage dans la composition urbaine et s’ouvre à la ville comme un véritable espace public ouvert à tous.
Le principe d’organisation de la gare à cour ouverte développe le programme sur trois niveaux, auxquels s’ajoute un niveau enterré avec un parking sous le parvis nord. La façade nord se laisse traverser par huit arches vitrées qui donnent accès au hall à triple hauteur, conçu comme un porche à arcades, traversé en tous sens par les flux urbains et voyageurs.
Le rez-de-chaussée a été pensé comme un lieu de déambulation et de flânerie. Le hall de la gare est un espace public en soi, les gens s’y retrouvent pour faire des achats, boire un verre ou déjeuner… Il offre de nombreux commerces positionnés dans les trois volumes vitrés distribués par le parcours longitudinal.
Aux extrémités du hall de la gare et dans les deux patios à toute hauteur entre les trois blocs fonctionnels, sont positionnées les circulations verticales reliant entre eux les différents niveaux de la gare (parking en sous-sol, commerces en rez-de-ville, bureaux et services ferroviaires au niveau 1, embarquement au niveau 2).
Véritable balcon urbain, le 2ème niveau est éclairé par la lumière naturelle traversant la couverturevitrée, il abrite les espaces billetterie et attente pré-embarquement permettant l’accès aux quais.
Nouveau lieu de promenade pour les piétons, ce niveau devient un belvédère offrant des vues sur les voies et la ville nouvelle au sud.
La façade de la gare s’impose sur la ville comme un «écran moucharabieh urbain», perméable aux flux piétons traversant le parvis et le bâtiment-voyageurs. Longue de 200 mètres – la longueur d’un TGV en simple composition – et avec une hauteur de 12 mètres, elle est composée de plus de 800 triangles en BFUP (Béton fibré ultraperformant) s’ouvrant sur le large parvis en marbre et béton, coté ville historique, grâce à huit arches imposantes et à géométrie variable.
Le motif triangulaire de la peau s’inspire des compositions géométriques de l’architecture islamique. Dilaté à grande échelle pour obtenir le point d’équilibre parfait entre ombre, lumière et transparence, ce motif en façade devient une grande maille sur la scène de la ville.
La dilatation du «moucharabieh» répond ainsi aux fortes variations thermiques extérieures auxquelles fait face la gare au gré des saisons. Cette peau active et poreuse filtre naturellement la lumière et l’air afin de régler le confort thermique intérieur de la gare. Les ombres qui se projettent sur le sol en marbre gris et sur les façades vitrées des blocs fonctionnels, en fonction des heures de la journée et des saisons, sont la résultante poétique d’une régulation thermique naturelle par le système de moucharabieh.
Poreuse à l’air et filtrant la lumière naturelle, la blanche maille triangulaire enveloppe le bâtiment en sous-face de la couverture vitrée et sur les côtés latéraux de la grande cour ouverte vers l’horizon et les trains.
«Pour moi les gares doivent devenir des lieux d’intégration sociale et d’interaction humaine au-delà de la nécessité de prendre un train. La gare de Kenitra, en étant un lieu de transit et un nouveau point de passage dans la ville, devient un lieu de rencontre et de vie pour tous», conclut Silvio d’Ascia.