Les architectes ont vocation à donner un toit à ceux qui n’en ont pas, ou plus. Cela, ils savent le faire, et parfois même imaginer un avenir qui s’il n’est pas radieux est au moins source d’espoir et d’autonomisation. Mais aucun architecte ne peut lutter contre l’hypocrisie et le cynisme, surtout quand il vient du sommet de l’Etat. Exemple à Grande Synthe (Nord). Chroniques-Photo de l’architecte Cyrille Hanappe.
Au tout début était la clairière du Basroch qui abritait une centaine de personnes d’origine kurde, aidées tranquillement par les associations locales et la mairie. Puis la population explosa à l’automne 2015 et le champ sylvestre devint un camp de chaos et de mort, submergé par les boues.
Vint alors le premier incendie, puis la renaissance avec le camp de la Linière, ouvert en mars 2016, créé par Médecins Sans Frontières et la Mairie, avec les conseils d’Actes & Cités.
L’association Utopia 56 portait bien son nom et accompagnait cet espoir nouveau. On rêvait le camp comme un quartier d’accueil, une nouvelle entité de la ville qui à terme pourrait en faire pleinement partie en se transformant peu à peu en un lieu ouvert à tous, où chacun serait bienvenu et pourrait rester, vivre et travailler ou repartir à sa guise.
Les étudiants de Belleville y allèrent en juin 2016 pour construire une petite pièce d’architecture, un centre d’information. Des petits commerces apparaissaient, l’espoir était là. Puis l’Etat vint mettre un terme à cela en détruisant tout ce qui y faisait sens et créait du commun.
A l’automne 2016, la destruction de la jungle de Calais, située à 40 kilomètres de là, fit tripler la population du camp et amena des gens de cultures très différentes qui durent investir les bâtiments communs pour pouvoir dormir.
Tout se mit à aller de travers, l’Etat interdisait la construction de nouveaux abris, prétendait contrôler la situation mais ne laissait en fait en cela que fleurir le contrôle des mafias.
Au bout de quelques mois de cette ambiance délétère, un groupe de désespérés préféra le néant au chaos en mettant le feu au camp. Le 11 avril 2017, la Linière n’était plus. Depuis les familles se cachent et dorment dans les bois, chassés quotidiennement par la police, leurs abris détruits, leurs affaires confisquées.
Un jour, l’accueil se réinventera à nouveau à Grande Synthe, comme il s’inventera en mille lieux de France et d’ailleurs. L’histoire de l’accueil à Grande Synthe est celle de la vie et de la mort, du phénix et de l’éternel recommencement…
Cyrille Hanappe
* A ne pas manquer, le documentaire d’Antares Bassis LA VILLE MONDE – diffusion sur France 3 le 23 juillet à 23h25 puis en ‘replay’.