A Chambéry (Savoie), l’agence parisienne Hérault-Arnod (Isabel Hérault et Yves Arnod) a livré en 2022 pour QPark France un parking de 474 places assorti d’un belvédère public. Avec une surface de 14 500 m² SDP (coût des travaux : 10 M€ HT), le projet est inséré délicatement dans l’axe de l’artère historique de la ville. Communiqué sous forme d’entretien.
Propos recueillis par Françoise-Claire Prodhon, historienne de l’art
Le contexte
Isabel Hérault : Le point de départ de ce projet était un concours d’opérateurs de parkings, chacun des participants ayant choisi d’associer une d’architecture. Il s’agissait de construire deux parkings silos de 500 places chacun situés l’un à la gare, l’autre en centre-ville de Chambéry.
Notre agence s’est vue confier le projet du centre-ville, sujet délicat puisque le terrain alloué se situe dans l’axe de la rue de Boigne, artère historique de la ville.
Ponctuée par la Fontaine des éléphants, rythmée par une portion d’arcades turinoises, cette rue édifiée durant la première moitié du XIXème siècle mène au château des Ducs de Savoie, principal monument de la ville. À l’opposé du château, la perspective de cette rue s’achève sur le parking-silo, avec une vue plus lointaine sur les montagnes.
L’approche du projet
I.H. : Nous avons travaillé en prenant en compte la perspective de la rue en vis-à-vis du château et en partant du fait que nous allions édifier un parking-silo face à un élément architectural patrimonial. Pour répondre à cette situation particulière nous avons proposé un élément singulier en plus du programme : un belvédère et son escalier extérieur, implanté dans l’axe de la rue. Cet élément, dessiné dès le début du projet, a été par la suite confié à l’artiste Krijn de Koning qui en a assuré la couleur et la composition finale.
Le parking quant à lui adopte la forme d’un triangle aux angles arrondis, créant des lignes de fuite qui en diminuent l’effet de masse et donnent l’impression d’un bâtiment plus petit qu’il n’est en réalité. Depuis la rue de Boigne, le silo n’est pas frontal mais présente des plans de biais, laissant toute sa force à la boîte du belvédère, positionnée dans l’axe et en porte-à-faux de 5 m au-dessus du vide. La vue sur la montagne, en fond de perspective, est préservée.
L’intérieur du parking est conçu comme une promenade en voiture : on monte progressivement depuis le niveau de la rue par des rampes en légère pente qui font office de plateaux de stationnement, et s’enroulent autour d’un patio central planté ; on descend de l’autre côté par une rampe cylindrique. Les flux montants et descendants ne se croisent pas : on accède lentement au sommet du bâtiment par les pentes douces, puis on descend directement par la spirale.
Le parti pris
I.H. : L’idée était de faire de ce bâtiment un volume translucide et léger, de l’insérer de façon douce dans le tissu urbain. Les courbes aux extrémités du triangle répondent à celles des angles arrondis des bâtiments autours de la place. Les façades comportent 50% de vide afin que le parking soit considéré comme un extérieur du point de vue des réglementations incendie, elles sont habillées de bandes de verre verticales posées à 45° (verre recyclé à 60% et émaillé pour être opalescent). Les vides créés offrent différentes vues sur la ville.
L’extérieur du bâtiment est constitué d’un profilé métallique en forme de U qui s’enroule du niveau de la rue jusqu’au dernier étage en enveloppant le bâtiment. Entre ces U métalliques, les bandes de verres viennent masquer l’intérieur suivant un jeu de montré-caché perceptible de l’intérieur comme de l’extérieur du parking. Le jour, c’est la fonctionnalité du bâtiment qui s’affirme, la nuit avec l’éclairage électrique il s’inscrit dans le paysage urbain comme une sorte de lanterne et sa perception est très différente.
Sur le toit du parking des ombrières abritent les voitures, elles sont équipées de cellules photovoltaïques.
La part du végétal
I.H. : L’intérieur du patio triangulaire est un jardin d’ombres, planté d’une végétation de sous-bois : fougères, pervenches, érables, hortensias… L’extérieur du parking a également un jardin, en terrasse exposée plein sud, la végétation choisie est plus méditerranéenne avec pins parasols, figuiers, lavandes, et graminées.
Belvédère
I.H. : Lorsque nous avons découvert le site, nous nous avons pensé qu’il fallait offrir quelque chose de plus aux habitants comme aux visiteurs, en ajoutant une seconde proposition à la fonction parking. Le belvédère confère une dimension publique et urbaine à l’édifice que nous ne voulions pas uniquement fonctionnaliste, il induit également un autre rapport à la ville. On peut accéder au belvédère par l’escalier extérieur à partir du deuxième étage, sans passer par le parking. De là-haut, la vue sur la ville est panoramique, avec au bout de la rue de Boigne le château des Ducs de Savoie ; et, dans toutes les directions, le panorama sur les montagnes et les collines qui entourent Chambéry. Lorsque l’on descend par l’escalier du belvédère on se trouve dans l’axe de la rue, marquée par un cadre. Cet élément installé à mi-hauteur met en évidence cette perspective de la ville historique.
Le belvédère-sculpture est agrafé au bâtiment du parking, ses tonalités déclinent les couleurs des façades des maisons de la vieille ville. L’architecture de l’ensemble repose sur cette dualité, une écriture architecturale qui associe les lignes courbes douces et translucides du silo, et cet élément-belvédère orthogonal coloré.
Cet assemblage du parking et du belvédère donne au bâtiment son identité singulière. C’est dans cette idée que nous avons, en accord et avec les conseils de Georges Verney-Carron, choisi d’associer Krijn de Koning.
L’utilisation de la couleur a également pour effet de faire de la structure réalisée une sorte d’objet, tantôt architectural, tantôt sculptural en fonction de l’échelle du projet et de son inscription dans un lieu.