Le barrage des Trois Gorges était le rêve longtemps caressé de contrôle des inondations, de production d’énergie, d’amélioration de la navigation, d’une meilleure maitrise de la qualité de l’eau, d’un approvisionnement en l’électricité partout dans le pays, de la sécurisation de la population, jusqu’à Wuhan, contre les crues du fleuve Yangtze. La population locale fut contrainte de se mouvoir ailleurs. Chronique photographique.
Contexte
En redescendant des montagnes de Wudang Shan, je décide de faire le détour par le barrage des Trois Gorges.
Cette fois accompagnée d’un guide, je prends un train, de jour, puis un bus privé. Après des heures de route, j’aperçois au loin, à travers la brume, l’ampleur de l’ouvrage.
Sur place, j’embarque à bord d’un bateau de grande envergure constitué de deux ponts, deux ‘aires de tranquillité’ que les touristes peuvent s’accaparer le temps d’un voyage sur le Yangtze qui durera à peine trois heures.
Après l’excitation du départ, et après avoir quitté le barrage pour aller droit vers l’écluse, le silence s’est bientôt installé chez nombre de passagers dont les yeux semblaient se perdre au loin.
De chaque côté, des montagnes bordent le fleuve. Des constructions anciennes, la plupart en bois, des temples, sont à fleur de coteau ou parfois même enfoncés dans la roche. La brume omniprésente filtre la lumière, faisant de ce paysage un décor cinématographique plus proche de l’univers de Tim Burton que celui d’Indiana Jones.
A l’arrière du bateau, près du bar, trois hommes festoient à l’aune d’un whisky tourbé. Ils viennent de Singapour avec l’envie de s’amuser, ici, en Chine, à moindre frais. Des sexagénaires heureux.
C.A.
Tanziling Ridge
Avec une élévation de 262,48 mètres, le Tanziling Ridge est supposément un spot touristique. De fait il offre un point de vue panoramique de tout l’ensemble du barrage. Ce jour là, il y avait très peu de touristes, des Chinois pour la plupart.
J’ai tenté de pénétrer à l’intérieur du site mais des gardes peu avenants m’en ont dissuadée.
«Le barrage des Trois-Gorges est un barrage hydraulique d’une longueur totale de 2.335 m, avec une élévation de crête à 185 mètres et une hauteur maximale de 181 mètres. C’est le plus grand barrage hydraulique ainsi que la plus grande centrale hydroélectrique au monde. Sa hauteur est similaire à celle d’un immeuble de 55 étages et son poids similaire à 28t fois celui de la Tour Eiffel. Sa construction a nécessité 27 millions de m3 de béton».
Extrait du Meilleur des mondes.
L’eau et le béton. Un instant j’ai pensé à une construction de maison individuelle de Tado Ando qui harmonieusement sait mêler ces deux éléments, l’un fluide et l’autre massif.
Cette section du déversoir est située au milieu du lit, avec les sections de barrage d’admission et de non débordement des deux côtés de la section de déversoir.
Le bateau qui nous mène aux abords de l’entrée de l’écluse ralentit doucement puis s’engouffre dans un étroit couloir sombre. Tout le monde accourt à l’avant du bateau. J’en profite pour monter tout en haut, au niveau de la cabine du pilote. Je me poste devant sa vitre, lui voilant la vue. Il me crie de dégager de là, et j’obtempère, mais j’ai le cliché.
Puis les portes se referment, emprisonnant soudain l’embarcation dérisoire dans un étau de béton aux vérins d’acier impressionnants. Je me sens oppressée. Même les Singapouriens n’en peuvent mais.
En attendant que la porte arrière de l’écluse ne s’ouvre, je fais le tour du bateau. En tendant le bras je toucherais presque la paroi de béton. Tout est surdimensionné, des vis aux clous.
«… des deux côtés de l’écluse, d’une hauteur maximale de 170 mètres…», poursuit l’audio du Meilleur des mondes.
Après quelques longues minutes d’attente, l’eau atteint son niveau de remplissage et la porte avant s’ouvre enfin. Le bateau s’avance et la sortie est libératoire. La preuve, les Singapouriens rigolent à nouveau et font à nouveau honneur au bar.
Demeure la brume.
Carol Aplogan
Le Blog de Carol Aplogan
Cet article est paru en première publication sur Le Courrier de l’Architecte le 5 mars 2014