Brigitte Metra a livré à Dole, ville minérale au patrimoine historique d’une richesse rare, un bâtiment contemporain abritant une salle de spectacles, de congrès et de sport. Point de départ du futur aménagement de ‘Dole rive gauche’ ce pôle culturel situé face à la vieille ville, au bord du Doubs et au cœur du « jardin des métamorphoses« , en constitue le point d’orgue.
Dans ce contexte exceptionnel de ville « sauvegardée« , à un jet de pierres des arches en ruines d’un pont roman, s’est posé le problème de l’insertion de cet équipement. « Le minéral et le végétal sont le support de l’inclusion recherchée, disparition et métamorphose sont les clés de l’insertion« , explique l’architecte qui assure avoir cherché à retrouver l’écosystème et redensifier l’état naturel du site.
Ce n’est rien d’écrire que Dole, ville moyenâgeuse qui fut capitale de la Franche-Comté, a le goût des vieilles pierres. Alain Griveaux, maire-adjoint chargé de l’urbanisme et des travaux, commentant pour la presse l’ouvrage de l’architecte, parle « d’un choc des cultures« . Gilbert Barbier, sénateur-maire, reconnaît avoir imposé « au maître d’œuvre la quadrature du cercle« , à savoir concevoir un outil moderne qui soit un lieu culturel, un centre de congrès et une salle de sport. Et s’il se dit séduit par « l’esprit du projet« , il en vante surtout la fonctionnalité. A juste titre tant il est rare que quiconque souhaite organiser des matchs de handball ou de volley dans une salle de théâtre. En clair, les contraintes étaient de deux ordres : insertion d’une architecture contemporaine dans un site naturel et patrimonial et fonctionnement d’un programme un peu surréaliste.
Concernant la première, Brigitte Métra a fait le pari d’un « bâtiment- paysage » qui s’inscrit et se fond dans le paysage. Tourné en direction de la collégiale, il instaure un dialogue direct avec le cœur historique de la ville grâce à une façade réfléchissante qui retourne en miroir aussi bien l’image de la ville historique, pourtant de l’autre côté du Doubs, que la végétation des rives voisines, ceci d’autant mieux qu’un vaste parvis minéral permet d’ouvrir le plus largement possible l’angle de ce reflet.
L’enveloppe du bâtiment, minérale sur trois côtés, faite de roches issues de la région ou les interprétant en pierre reconstituée, fait également écho à la concrétion minérale des maisons du centre-ville. Une grille végétale enveloppant ces trois faces accentue la fonte du bâtiment dans le paysage (ou, plus exactement, y parviendra quand les plantations auront poussé sur toute la hauteur). Les façades vivront ainsi au rythme des saisons : minérales l’hiver, végétales au printemps avec cette seconde peau dont la couleur évoluera au fil des saisons (fleurie, verte, jaune, rouge ou marron) en symbiose avec la nature environnante.
L’espace intérieur quant à lui, tel un diaphragme en trois dimensions, se métamorphose également au gré des besoins des utilisateurs. Tel une « boite à outils » un seul et même espace peut abriter une multitude de salles. D’une salle intime pour un concert de musique de chambre, l’espace peut se dilater par un jeu de cloisons coulissantes sur quatre côtés, en plusieurs configurations de salle de spectacles (concert, théâtre) ou de congrès pouvant accueillir de 600 jusqu’à 3000 personnes, ou même s’ouvrir entièrement sur le parvis extérieur jusqu’à la rivière. L’espace peut aussi devenir terrain de handball ou de volley (44m de portée sans poteau).
Brigitte Métra avoue volontiers que la gestion des flux des spectateurs et des utilisateurs qui changent avec chaque nouvelle configuration (une équipe de handball ne se meut pas comme un groupe de gospel, vestiaires pour les uns, loges pour les autres) fut un « casse-tête« . Ce n’était pas le seul. Le sport a besoin de lumière naturelle, le volley a besoin de 9m libres de hauteur, il fallait pouvoir occulter la scène, faire évoluer les configurations de la salle (soit quand même bouger murs et gradins sur toute la hauteur) avec un minimum de main d’œuvre (trois personnes suffisent). Faut-il encore évoquer les différentes acoustiques entre sport et musique, entre musique de chambre et concert rock ? Notons cependant un plateau de scène de 400m², ce qui autorise toutes (ou presque) les créations théâtrales.
« Il y avait 10 millions de raison d’abandonner« , explique Brigitte Métra en souriant. Considérant que le bâtiment n’a coûté que huit millions (y compris la scéno), Gilbert Barbier peut se féliciter d’une salle qui a « révolutionné » la ville et espérer, c’est son souhait, que la « bourgeoisie doloise » n’ait plus besoin de se rendre à Paris ou Dijon pour aller au spectacle
« Symbole d’une ville fière de son passé, et tournée vers le nouveau millénaire, le centre culturel et sportif est une interprétation contemporaine de la ville et de sa vision, le lien entre sa mémoire et son devenir. Tel une émergence sortie du paysage, le nouvel équipement appartient au site tout en y apportant une touche contemporaine originale et inédite« , conclut l’architecte.
Christophe Leray
Fiche technique
Maîtrise d’ouvrage : Ville de Dole, Jura
Programme : Salle de spectacle de 500 à 3000 places (théâtre/concert) ; salle d’exposition et de congrès ; manifestations sportives ; loges d’artistes, vestiaires sportifs
Architecte : METRA+Associés
Chefs de projet/Architectes : G.Dishi, R.Andrieux, A. de Fontbrune, A. Rubin Pedrazzo, F. Anton Cariba, M-F. Baldran, F. Casanova, S. Concas, C.Culos, B.Fetz, O. Foucher, D. Phillips, F. Portesine
BET Structure : COGECI
BET Fluides : Katene
Acousticien : Kahle Acoustics
Scénographie : J. le Marquet et Ducks Scéno
Paysagiste : Territoire
Début des études : 2002
Livraison : novembre 2006
Surface SHON : 4.426m²
Coût : 7.500.000 euros HT
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 3 octobre 2007