
En mai dernier 2008, l’agglomération d’Angers a choisi la Compagnie de Phalsbourg pour réaliser son futur grand éco-parc d’activités commerciales, un projet conçu par les architectes Antonio Virga et Vincent Pareirra. Lesquels ne sont pas loin de penser, à juste titre, avoir inventé, sur un site immense, à «l’échelle de la ville et des gens», le ‘retail park’ de nouvelle génération.
«Nous avons peut-être inventé un truc,» sourit Vincent Pareirra. «Une invention involontaire,» poursuit Antonio Virga, son acolyte (les deux architectes collaborent souvent ensemble mais ne sont pas associés). Oui, peut-être ont-ils tout simplement inventé la nouvelle génération de centres commerciaux. En effet, en mai 2008, la ville d’Angers, la communauté d’agglomération, la ville de Beaucouzé, la Chambre de Commerce et la Société d’Aménagement de la Région d’Angers (SARA), qui avaient initié un appel à candidature pour la création «d’un parc d’activités commerciales dédié à l’équipement de la maison» ont annoncé que le jury avait choisi, parmi les six projets restant en compétition (sur les 46 au départ) le projet intitulé L’ATOLL présenté par la Compagnie de Phalsbourg et conçu par les architectes Antonio Virga et Vincent Pareirra.
Dans une compétition destinée à des candidatures mixtes promoteur-architecte, la Compagnie de Phalsbourg et la paire Virga/Pareirra étaient clairement les outsiders. Les deux architectes en conviennent, parlant d’un projet «hors échelle» pour eux. C’est le moins que l’on puisse dire sur un site de 24 hectares (78.000m² SHON, 65.000m² de surface de vente). Pour sa part, la Compagnie de Phalsbourg, face aux mammouths du secteur, a décidé pour exister de s’inscrire résolument dans le cadre de la qualité architecturale et le développement durable afin de, c’est sa devise, «changer les entrées de ville».
Avec succès comme en témoignent leurs réalisations de plus en plus nombreuses, dont deux petites opérations à Brest avec, déjà, ces deux architectes. Cette position d’outsider a offert au final à l’équipe une grande liberté d’expression – «cela nous a permis d’oser des choses,» souligne Antonio Virga – ; il n’en fallait pas moins pour que leur projet s’impose devant ceux signés Reichen&Robert, Jacques Ferrier, SCAU-Architectes, entre autres. Le parti architectural répondait de fait tant aux attentes du promoteur qu’aux contraintes liées au commerce qu’aux espoirs de l’agglomération angevine, en pointe dans le domaine du développement durable.

«La Compagnie de Phalsbourg a répondu aux attentes de l’agglomération en proposant un projet architectural original qui donnera une signature forte à l’entrée ouest de l’agglomération angevine : un ‘stade de commerce’, s’implantant sous la forme légèrement irrégulière d’une ellipse. Cette idée élégante et inédite pour ce type de bâtiment permettra d’éviter l’éparpillement d’enseignes disparates en les regroupant et d’optimiser, grâce à sa forme ronde, la surface dévolue en évitant les axes longs et monotones,» explique La Compagnie de Phalsbourg
Elle poursuit : «Comme un véritable stade, L’ATOLL contiendra deux parcs de stationnement comprenant 2.700 places et n’engendrera pas de nuisance pour l’extérieur (sa vêture en résille perforée assurera la performance acoustique et la réduction des nuisances de l’activité sur la ville de Beaucouzé). Conçu dans une optique de développement durable, ce lieu de vie accueillant et agréable contiendra en son centre un espace de restauration, une garderie d’enfants, un jardin et des espaces verts aériens (les toitures seront constituées de prairies ondulantes). Il présentera, enfin, de nombreux avantages en termes d’économies d’énergie».
Dans sa communication, la société a tout dit de la perception du projet sans rien dire des paramètres ayant aboutis à sa conception. Comment un «stade» pourrait ainsi être baptisé un «atoll» par exemple ? Certes la perspective aérienne offre une image proche de celle d’un stade. Surtout le mot, dans l’imaginaire collectif, est associé à un équipement de loisirs et plus aisément, pour l’Angevin lambda, perceptible dans ses dimensions que celui d’atoll qui, certes, peut faire rêver mais s’éloigne des préoccupations ordinaires d’un habitant d’une ville moyenne. Qui plus est, le stade introduit, toujours dans cet imaginaire, un aspect urbain – il s’agit ici d’une entrée de ville, ne l’oublions pas – que l’atoll ne promeut guère. Mais pour les architectes, c’est bien d’un atoll qu’il s’agit, soit une île entourée d’une lagune protégée en forme d’anneau, sous-entendu, tempérée, agréable et conviviale.

«Notre projet est fondée sur l’idée d’occuper la totalité de la parcelle avec un bâtiment en périphérie qui respecte le site sans le perturber. De plus, pour un projet de cette dimension, aux conséquences urbaines importantes, il nous est apparu qu’un bâtiment fermé sur l’extérieur permettait de résoudre nombre de contraintes, en termes de pollution visuelle et acoustique notamment,» expliquent les deux architectes. Le principe de l’anneau acquis, et assumé, c’est une nouvelle philosophie du commerce qui doit être imaginée puisque toutes les boutiques, installées dans l’anneau, vont devoir trouver des modes propres d’expression tout en partageant une valeur identique pour toutes les façades et un espace commun sur l’ensemble du projet. «Il se dégage une synergie quand tout le monde regarde au même endroit,» souligne Vincent Pareirra.
De fait, les enseignes consultées ont souscrit au projet d’autant plus que les architectes ont su prendre en compte leurs contraintes commerciales (aménagements intérieurs personnalisés par exemple), répondre à toutes les obligations réglementaires et résoudre l’une des difficultés des constructions commerciales habituelles : la façade arrière. Ici, les livraisons sont effectuées en site propre, sous la résille qui enveloppe et «habille» l’ensemble. Cette maille métallique «nacrée» offre du centre commercial une image globale, cohérente sans nuire à l’identité des enseignes et cachant parfaitement, tant aux clients des boutiques qu’aux passants à l’extérieur du centre, tous les aspects techniques et peu glamour du fonctionnement d’un ‘Retail Park’ de cette dimension. Dit autrement, ce bâtiment commercial propose deux façades nobles en lieu d’une, l’une tournée vers l’intérieur, l’autre vers la ville. Et puis, ce n’est pas rien, dans ce système en anneau, il n’y a plus de ‘mauvais emplacement’.

Le reste du projet semble après coup s’imposer comme une évidence. En premier lieu, des entrées «généreuses» pour éviter, d’une part, ‘l’effet tunnel’, mais aussi d’autre part, pour encadrer la vue. En effet, quand les clients rentreront dans le centre, la première chose qu’ils verront en traversant le bâtiment est un immense espace vert. Ensuite, une gestion heureuse des parkings : en effet, les 30% réglementaires en surface devant le commerce sont noyés dans la verdure (les autres en sous-sol). Ce développement paysager exceptionnel dans le cadre de la construction d’un centre commercial, qui compte encore un bois (un vrai) au milieu de la ‘lagune’, des arbres à foison, ce que permet la taille du site, est renforcé encore par une toiture végétalisée directement inspiré des terrains agricoles en bordure du site, un clin d’œil autant qu’une référence mémorielle quant à l’origine du lieu puisque, sauf à s’y rendre en hélicoptère, les clients ne le verront jamais.
Comment ne pas mentionner encore cette longue et large promenade en bois de 1km de circonférence devant les devantures des enseignes ? «Selon nous, c’est un vrai ‘parc’ dans lequel il est possible d’imaginer nombre de services supplémentaires pour les clients : des jeux d’enfants, des garderies, un système de vélib, des voitures électriques pour les personnes âgées, etc.,» expliquent Antonio Virga et Vincent Pareirra.

Imagination débridée ? Certainement pas plus que celle qu’ils ont montré pour concevoir ce projet «à l’échelle de la ville et des gens tout en se montrant très très ambitieux et en travaillant sur le développement durable,» disent-ils. De fait, l’ATOLL sera projet pilote pour la norme HQE adaptée au commerce de périphérie et sera présenté pour obtenir le label Valorpark. Certes, reconnaissent-ils, ils ont tenté un «grand coup de poker» et il leur a fallu convaincre mais leur atoll n’est plus qu’à quelques années de devenir réalité puisque la livraison est prévue en septembre 2011. Une entrée de ville de qualité est, malgré les bonnes intentions, extrêmement difficile à réaliser. Vincent Pareirra et Antonio Virga démontrent ici que l’audace est l’une des solutions.
Christophe Leray

Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 11 juin 2008