Sur la ZAC Beauregard, Quincé à Rennes (Ille-et-Vilaine), l’agence rennaise a/LTA (Maxime Le Trionnaire, Gwénaël Le Chapelain) a livré en 2019 sur 8.350 m² SdP Le Cours des Arts, un programme de 119 logements, quatre ateliers d’artistes / logement, deux ateliers d’artistes, des jardins partagés, trois cellules commerciales et une salle de convivialité. Communiqué.
Le Cours des Arts, habiter les mixités à Beauregard
Beauregard reprend le toponyme du point haut sur lequel il est situé, offrant des vues lointaines entre les vallées de l’Ille et de la Vilaine. Pour s’en rendre compte, il n’est qu’à se hisser aux derniers étages de l’immeuble de logements situé à la pointe sud du triangle du nouveau Cours des Arts dessiné par les architectes rennais d’a/LTA. A cette altitude propice aux voyages, le grand paysage se révèle à l’arrière de ce cockpit en ville.
Pour édifier cet ensemble varié de logements conjuguant le social et l’accession, le maître d’ouvrage NEOTOA a courageusement relevé le défi d’une «résidence intergénérationnelle». Les architectes Maxime Le Trionnaire et Gwénaël Le Chapelain sont venus en 2013 remplir ce programme avec en tête l’idée d’un béguinage d’un genre nouveau.
Joli défi, prenant en écharpe une cour centrale commune, il en sortira 6 ans plus tard des ateliers d’artistes et des jardins, et 119 logements. 8 d’entre eux offrent des pièces «partagées» de 9 à 11 mètres carrées chacune par où se singularise nettement le projet. Chambre d’amis, salle de jeu, jardin d’hiver ? Un peu de tout cela à la fois, elles ménagent un bow-window d’une profondeur d’un petit mètre, bref de quoi se sentir chez-soi derrière ce pare-brise suspendu.
Sur un îlot taillé dans le plan de ZAC, et tout en respectant densité et hauteurs imparties par la fiche de lot, comment recréer une vie de village, ou si l’on préfère de hameau ? Et sans se refermer à l’excès pour éviter de dire à l’extérieur : «ici, nous ne vivons pas comme vous». S’alignant sur le tracé de la haie bocagère, la trouée paysagère devient dès lors la pièce fondamentale du projet, trois émergences ayant permis la libération du cœur de l’îlot. Il reste désormais à travailler ce vide construit». C’est là que résident les enjeux principaux de la vie de cet ensemble à venir.
Ce «vide construit» sépare autant qu’il unit les bâtiments. Et il doit chercher à résoudre à sa manière, spatialement, cette tension perpétuelle qui anime chacun d’entre nous, ballotés que nous sommes quotidiennement entre le vivre-ensemble et le vivre-chez-soi. Comment s’organiseront les vis-à-vis et les proximités, voilà la clé. Même si la mixité ne peut s’établir sans protection de l’intimité, sans établissement de l’autonomie de chacun et le libre choix de se fréquenter, de se rencontrer.
La distribution aléatoire des maisons et ateliers d’artistes ménage des espaces a priori propices au échanges car ils brisent l’effet panoptique qu’aurait suscité, sans leur présence, cette vaste ouverture ceinte de plots élevés. Une trop grande visibilité de chacun aurait pu, pour certains moins bien lotis, s’apparenter à «être exhibé» ou à «s’exhiber» et constituer ainsi un frein à la sociabilité.
Remarquable et plutôt inhabituel à Rennes, l’emploi de l’acier corten souligne les éléments-clés du projet. Il est appliqué sur tous les garde-corps des balcons comme sur les maisons. Le ruban dessiné par ce matériau particulier offre un écho au dessin général de cet îlot poreux et traversable. S’agit-il d’un phalanstère d’un genre nouveau ? Si l’on y ajoute la salle de convivialité abritant une buanderie collective, ce projet renoue à sa manière avec le discours utopique pour ouvrir un horizon de réconciliation.
Jean-Louis Violeau, sociologue