Quatre-vingts enfants*, six sections, deux cent cinquante pages de programme, des riverains attentifs, un budget de 2,8 M €… Livré en janvier 2021, la ville de Noisy-le-Roi (Yvelines), maître d’ouvrage, est désormais dotée d’un nouvel équipement pour la petite enfance de 1 108 m² – la crèche des deux oies – conçu par WRA architecte (mandataire) & Ithaques. Communiqué.
« A un plan rigoureux répond une coupe sensible », explique WRA (Wild Rabbits Architecture). C’est cette coupe qui glisse le projet sous une prairie en toiture, c’est elle qui éclaire, qui sculpte le son, qui lie les espaces en d’infinies variations. La crèche est un outil sophistiqué aux réglages incessants. La maîtrise, du croquis au chantier en passant par la photographie virtuelle, n’a qu’un seul objectif : laisser le contrôle à des gosses de deux ans.
La crèche des deux oies, qui regroupe les quatre structures préexistantes de la commune, s’installe de plain-pied dans un terrain en pente sur lequel proliférait, avant, une école extraordinaire faite de briques et de bois, toute d’escaliers, de rampes, de mezzanines et de recoins… Le nouveau bâtiment se loge sous une vaste toiture végétalisée, que l’on aperçoit entre les pavillons en descendant depuis la mairie. Cette couverture semble s’adresser à la plaine agricole, de l’autre côté de la nationale. Personne ne lui prête attention et pour les riverains, un pré au lieu d’un immeuble, ce n’est pas plus mal.
Les usagers, eux, arrivent en contrebas par le chemin de l’abreuvoir et n’ont pas intérêt à manquer la crèche, située à bonne distance de la chaussée. Avec ses faux airs de ‘case study’ du XXe siècle, elle se fait assez discrète et c’est l’aménagement du parvis conçu par Chorème qui permet de l’identifier sans hésiter.
Le plan se compose d’abord en une juxtaposition de longs volumes pleins qui accueillent les dortoirs et dépassent légèrement de la vaste toiture. Les salles d’éveil, largement ouvertes en façades, occupent les interstices et se prolongent sur l’extérieur en courettes. Résulte de ce dispositif, une façade en redans avec des pleins juste assez vitrés pour que les dortoirs puissent se faire ateliers et des creux, entièrement ouverts, qui laissent le regard filer sous la prairie, d’un bout à l’autre de la construction. Les services et les bureaux occupent quant à eux la partie inférieure du plan, à droite de l’entrée.
Un axe central unique traverse successivement les pleins et les interstices pour distribuer les sections de part et d’autre. La traversée se fait un peu tunnel à travers les pleins, dont les parois sont revêtues de bois, puis elle gagne en ampleur face aux salles d’éveil dans les interstices. Le contraste fort pourrait faire croire à des nouveau-nés que ces espaces sont de véritables patios ! On y retrouve les pergolas utilisées en extérieur, une efficace lumière zénithale et également des mandariniers en pleine terre, de quoi déboussoler cet innocent public…
Les longs « volumes pleins » entre les salles d’éveil sont traversés par la circulation publique au centre mais également par deux circuits latéraux reliant les sections entre elles : la circulation s’opère alors dans le plein. Elle dote chaque unité de vie de sous-espaces plus calmes sur lesquels s’ouvrent, en gigogne, les sous-espaces les plus paisibles : les dortoirs, coté extérieur et les salles de change coté circulations où l’on se retrouve à l’écart pour le change tout en gardant un œil alentour.
Le généreux volume de la toiture en pente est sculpté pour qualifier l’ambiance de chaque espace. Dans les alcôves, les pergolas abaissent la hauteur ressentie sous une lumière zénithale colorée.
L’accès s’effectue sur un angle évidé. Les parents passent sous l’auvent qui annonce le thème si utile de la pergola, ils contournent les bureaux pour entrer directement, au centre de l’équipement, entre la partie dédiée aux enfants et celle consacrée aux services communs.
Un croquis, réalisé en phase concours, montre une automobile sous un carport d’accueil. Cette image illustre le point de départ des longs débats sur l’accès PMR à la plateforme et plus généralement sur la desserte et le stationnement automobile. C’est un exemple parmi tant d’autres des contraintes fluctuantes et des engagements, qui opèrent sur ce projet comme sur tout autre et qui n’apparaissent qu’en creux sur les documents graphiques.
« Nous aurions également pu parler de l’hybridation opérée entre deux typologies vernaculaires locales, somme toute banales, le pavillon et son enduit et le vaste hangar agricole, mais souhaitions parler d’une chose plus essentielle : le lien entre le plan, la coupe et le vécu très simple, très immédiat, de petites personnes en train de s’ouvrir au monde. Quelle architecture pour rassurer, stimuler, laisser faire… ? », expliquent les architectes de WRA.
La toiture comme façade principale
La toiture de la crèche des deux oies qualifie avec une spectaculaire discrétion l’insertion de l’équipement dans son contexte. La végétalisation protège et pérennise l’étanchéité et permet la rétention et la régulation des eaux pluviales. L’épaisseur de son substrat, soutenu par une structure mixte acier-bois, permet une généreuse palette initiale de végétaux, amenée à évoluer en continuité avec l’écosystème de jardins accolés déjà là.
La toiture est également le principal outil pour qualifier les ambiances et le confort à l’intérieur du bâtiment de plain-pied, selon une conception bioclimatique allant à l’essentiel. Ses châssis apportent une profusion d’éclairage naturel et contribuent au chauffage par solarisation en hiver. Protégés et ouverts, ils entrainent de précieux courants d’air qui contribuent au confort d’été.
« Cette crèche des deux oies, s’inspire de deux typologies d’un vernaculaire local somme toute banal, pavillons enduits d’un côté, hangars agricoles de l’autre », conclut WRA.
*A noter que ces si ces images montrent de vraies gens dans la crèche des deux oies, c’est grâce à la coopération de la directrice de la crèche, des parents et du photographe. Une initiative trop rare pour ne pas être signalée.