Et si j’osais imaginer dans ce paysage métaphysique des Météores un habitat du futur ? Je me projette flottant au-dessus de cette nature sauvage, en symbiose, préservant chaque recoin de cette géologie stupéfiante. Chronique de l’architecte Jean-Pierre Heim.
Lors de mes deux voyages aux Météores, j’ai découvert un lieu où les chefs-d’œuvre architecturaux et les merveilles naturelles semblent suspendus dans une géographie défiant les lois terrestres. À chaque passage, l’ampleur de ce site, unique en son genre, m’a captivé, me laissant ébloui par cette beauté aérienne, comme en lévitation entre le ciel et le sol.
La première fois l’accès était plus difficile ; venant du nord-ouest de la Grèce par une route sinueuse, arriver à Kalambaka était une récompense, les monastères presque inaccessibles nichés au sommet de ces pics rocheux. Depuis 1920 l’accès des femmes y est autorisé. Contrairement au Mont Athos où l’accès y est strictement interdit, le code vestimentaire est de porter la jupe longue distribuée à l’entrée des Monastères.
Les Météores sont un des sites les plus spectaculaires en Grèce et au monde.
Le mot grec « Météore » (Μετέωρα), qui signifie littéralement « en suspension » ou « au-dessus de la terre », incarne parfaitement cet endroit mystique de Thessalie. Ces imposantes formations rocheuses naturelles sont couronnées de monastères érigés par des moines au XIVe siècle et qui dominent le paysage. Construits à des altitudes impressionnantes, ces sanctuaires représentaient pour leurs habitants des refuges spirituels, éloignés des perturbations du monde d’en bas. Pour eux, cette ascension symbolisait un rapprochement avec le divin, s’accordant en harmonie avec le sens même du terme « Meteora ».
Aujourd’hui inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO, ces lieux évoquent la quête spirituelle tout en témoignant de la splendeur naturelle de la région. Autrefois, plus de vingt monastères prospéraient au sommet des cimes rocheuses ; aujourd’hui, six d’entre eux sont toujours actifs et ouverts aux visiteurs qui souhaitent découvrir ces lieux sacrés, une expérience fascinante. Des nacelles avec des poulies sont installées au bas de ces monastères pour leur approvisionnement permanent sur ces pics inaccessibles.
Ces monastères perchés donnent l’impression de flotter dans le vide. La vue est mémorable, surtout au soleil levant ; un moment inoubliable : j’étais le seul un jour, aux premières heures, dans ce paysage de pics et de montagnes où la lumière faisait s’allonger les ombres, contrairement au soleil couchant où les clairs-obscurs occultent les détails du paysage. J’ai pu dessiner quelques esquisses et dessins à la recherche de personnages uniques, les moines qui disparaissent quand arrivent les touristes.
Chaque monastère est orné de fresques et renferme des reliques précieuses. Malgré leur popularité, les Météores demeurent des lieux de recueillement et de sérénité, invitant au calme et à la méditation. Les plus célèbres parmi eux, le monastère de la Grande Météore, celui de Varlaam et de Roussanou, captivent par leur beauté et leur accessibilité. Le monastère de Agios Stephanos, encore en activité et transformé en 1961, est habité par une communauté de nonnes.
Mon travail consiste à concevoir des éco-lodges dans des lieux uniques, pour permettre une immersion totale dans la nature sans nuire à l’intégrité du paysage.
Et si j’osais imaginer dans ce paysage métaphysique des Météores un habitat du futur ? Mes visions et croquis détaillés prennent une forme révélant une habitation futuriste dans ce paysage magique et mystique. Je me projette flottant au-dessus de cette nature sauvage, en symbiose, préservant chaque recoin de cette géologie stupéfiante.
Ces structures, ancrées dans la roche et minimisant leur impact au sol, prennent une allure mythologique, comme si elles ondoyaient entre rêve et réalité.
Ces esquisses sont pour moi un terrain d’évasion créative, un acte spontané : elles explorent une architecture symbiotique, en hommage aux Météores, et invitent chacun à rêver d’un futur où la vie pourrait s’élever « au-dessus de la terre ».
Jean-Pierre Heim, architecte
“Travelling is an Art”
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