Délos, balayée par les vents, la plus sacrée des îles, dans la mythologie grecque lieu de naissance du dieu de la Lumière, Apollon, se dresse au centre d’un cycle magique d’îles, les Cyclades, également bénies de spiritualité et du sens du divin. Chronique-photos d’Erieta Attali.
La présence protectrice des îles est constamment ressentie lorsque l’on explore les vues à partir de Délos, au-dessus des vagues riantes qui l’entourent. Une carte montrant la position des Cyclades dans la mer Égée pourrait facilement témoigner de cette omniprésence mais cette sensation surnaturelle de Délos est très précieusement cachée dans ses profonds silences, enfouie dans les vestiges de sa gloire passée.
Le paysage homérique de Délos n’a pas besoin d’attributs historiques particuliers car il a un fort goût d’éternité, comme s’il était toujours présent sur cette petite île, malgré les caprices des guerres et des conquêtes, de l’abandon et du pillage. La présence humaine a toujours été surveillée à Délos : dans l’Antiquité, la loi y interdisait la naissance et la mort et imposait une restriction générale aux visites de jour. Le sacré est ainsi préservé plus efficacement que n’importe quelle règle imaginable de protection monumentale puisqu’il fait référence à la fois à un paysage historique insipide et à ses ruines dispersées.
Pour révéler l’essence unique mais encore inexplorée de cette île parfois inaccessible, la photographe paysagiste Erieta Attali, lors de cinq visites consécutives, a été autorisée à passer vingt nuits à Délos, à poursuivre et à enregistrer minutieusement avec un appareil photo grand format sur pellicule les traces du temps long et l’impact des vents de tramontane sur cette terre déserte. Cela lui a permis d’utiliser des poses argentiques de plus de deux heures pour certaines prises de vue nocturnes, mais aussi de capter les traces, semblables à des flashs, d’une lumière multicolore et fugace à l’aube et au crépuscule, alourdies par l’obscurité totale.
Cet effet s’est encore accentué lorsque la lumière a complètement disparu, tandis que le lieu a acquis une atmosphère inquiétante qui n’a d’égal que son étrangeté sous le clair de lune. Le divin en ces termes est perçu dans l’apparition translucide de masses bâties à peine perceptibles sur les contours du terrain rocheux, soit positionnées à sa surface, soit à l’approche du littoral depuis la mer.
Pour citer un poème de G. Seferis intitulé « Rêve » : « celui qui est béni par de telles expériences à Délos peut dormir mais son cœur le tient éveillé, alors qu’il regarde les étoiles dans le ciel et sent la mer répondre au gouvernail de son bateau ».
Texte de Dimitris Philippidis
Professor Emeritus, department of architecture, National and Technical University of Athens
Erieta Attali
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