Ateliers O-S architectes (Vincent Baur, Guillaume Colboc, Gaël Le Nouëne) a livré en 2020 l’extension des équipements scolaires de Lugrin (Haute-Savoie). Quatre nouvelles classes élémentaires, dont un atelier d’art, un restaurant scolaire, locaux de services et l’aménagement des espaces extérieurs, soit 1 300 m² pour un coût des travaux de 1,6M€ HT… Autant d’éléments de programme qui ne disent rien de l’insertion dans le site. Communiqué.
Lugrin, petite bourgade du Pays d’Évian, se déploie sur une succession de terrasses dominée par les premiers contreforts des Alpes. Face à Lausanne, la commune offre un des plus beaux panoramas sur le lac Léman. Avançant un cadre de vie exceptionnel au cœur d’un bassin d’emploi dynamique à quelques kilomètres de la frontière suisse, la commune a vu croître, au cours des trente dernières années, sa cote de popularité et le nombre de ses habitants. Une progression suivie par les effectifs de l’école du village qui, sans perdre de temps, a mis en place un projet de réorientation et de réaménagement du groupe scolaire sur les sur les bases d’un programme conçu par le CAUE.
Installée dans le noyau nucléaire du village, derrière l’église et la mairie, le groupe scolaire qui fait l’objet de l’extension, se love entre une école indépendante pour les filles datant de 1850 et un bâtiment mairie-école pour les garçons des années 1950. Convoyant le métabolisme de son territoire, l’ensemble a déjà achevé trois extensions et restructurations, la dernière datant de 2004.
Ajoutant une pierre à l’édifice, ce projet vient augmenter une nouvelle fois la capacité d’accueil de l’équipement en le dotant d’une nouvelle demi-pension, une nouvelle cour, quatre salles dont trois classes élémentaires et une salle d’art plastique, chacune d’une capacité de 30 élèves, et de locaux communs.
Enchevêtré dans la topographie du terrain, l’existant se compose de plusieurs volumes accolés s’insérant dans la pente de manière raisonnée par une implantation en demi-niveaux. Ainsi, les bâtiments s’étirent et se répartissent sur un seul niveau. Dans cette riche composition architecturale, l’extension instaure une relation de proximité avec ses camarades et installe sur le site un volume autonome, unitaire et rigoureux.
Le bâtiment se présente comme une émergence parallélépipédique en acier corten qui se détache dans l’horizon, posée sur un socle en béton brut profondément ancré dans son sol.
L’étage accueille le nouvel espace de restauration, le socle abrite les classes élémentaires, et les deux programmes expriment leur indépendance par leur matérialité. Le moirage naturel de l’acier se marie avec délicatesse avec les tuiles des bâtiments avoisinants. La figure de la grange, dont l’archétype est lié au patrimoine local, a inspiré le dessin de cet édifice : son toit en double pente et sa couleur rouille réactive les liens immémoriaux entre le terroir et le savoir alors que sa silhouette longue et élancée se joue des lois de la déclivité pour mieux se tendre vers le paysage.
La nouvelle extension de l’école interagit avec son environnement proche par des grandes ouvertures et des jeux de visions croisées entre l’extérieur et l’ensemble des programmes qu’elle abrite. Le contraste est le thème clef d’un projet alternant entre légèreté et massivité, clair et obscur, transparence et opacité, vide et plein.
Un programme proliférant qui favorise les usages et les échanges
La nouvelle école élémentaire est implantée au rez-de-chaussée de l’équipement pour assurer une continuité avec la cour et le préau. Sa cour est positionnée à l’angle nord-est afin de la connecter avec celle existante des maternelles. L’altimétrie (413,30 NGF) impliquant un travail de terrassement important, un mur de soutènement est créé en fond de cour pour absorber cette différence de niveau. Une limite pour la cour se créée ainsi naturellement sans l’ajout d’une clôture, intégrant l’ensemble subtilement dans le village.
Le fil d’Ariane du projet est une galerie couverte qui longe la cour des maternelles et connecte l’entrée du nouvel équipement au groupe scolaire existant. Plus qu’une simple circulation, cet espace en colonnade se transforme en préau aux heures de récréation. La richesse du programme trouve écho dans la clarté de son architecture et son passage abrité propice à différentes appropriations et aux croisements. Les éléments du programme s’enchaînent sans discontinuité pour conduire le public dans un parcours ludique vers des espaces ouverts et lumineux. Une organisation dont la « complexité » favorise les usages et les échanges humanisés.
Le pôle restauration se situe à l’étage du nouveau bâtiment. Les enfants, maternelles et primaires, empruntent le même accès depuis la cour et sa galerie couverte. Le hall en double hauteur et le large escalier les invitent à monter vers réfectoire. Les circulations élargies s’ouvrent sur l’extérieur afin de faciliter les déplacements des enfants qui sont naturellement guidés vers les deux salles de restauration. L’accès des livraisons de la cuisine est assuré par le haut et à niveau du parking afin de garantir une gestion des flux saine et sécurisée. L’espace de restauration sert aussi de salle polyvalente pour le village en dehors des temps scolaires et accueille différents types d’activités. Dominant les cours de récréation, ses grandes fenêtres cadrent des vues majestueuses sur le paysage proche et lointain.
Légèreté et rationalité
Riche en réflexion pour l’inscrire avec délicatesse dans son environnement, l’intégration dans le respect de son sol, la recherche de compacité, la sobriété du volume, la maîtrise des apports solaires passifs et la qualité de l’orientation positionnent ce projet au cœur des enjeux de la transition énergétique.
Le principe constructif repose sur une structure en béton porteuse, matricée grâce à des voliges en pin et isolée par l’intérieur. La structure du réfectoire est en mur à ossature bois pour les façades tandis que la charpente est en bois.
L’enveloppe en acier Corten trouve un écho auprès des toitures tuiles existantes. Ce système structurel et les matériaux ont été choisis ici pour la rationalité, la simplicité des lignes et la précision du dessin, mais aussi au regard d’un budget serré et la légèreté environnementale.
Au-delà des labels et des certifications, la nouvelle école de Lugrin développe une approche durable basée sur l’économie globale, l’économie des ressources et de l’énergie grise. Son architecture sobre et résiliente s’appuie sur les savoir-faire des filières locales, une conception bioclimatique, des innovations techniques (soudure de la coque en acier Corten par robot soudeur), des systèmes structurels traditionnels (charpente bois), et des matériaux robustes, à faible impact carbone, biosourcé et géosourcé, dont certains sont issus du réemploi.