Les marques de luxes font régulièrement appel aux architectes mondialement reconnus. Pour ces maisons à l’image affirmée, plus qu’une énième caution luxe, le coup de crayon de l’architecte installe l’ADN de chacune dans une sphère moins superficielle que celle des podiums, et paradoxalement, plus technique aussi.
Éphémère par nature, la mode entretient pourtant des liens privilégiés avec l’architecture, conçue pour durer. Depuis quelques années déjà, cette discipline s’invite régulièrement sur les podiums ou dans les grands magasins. Ou plutôt, ce sont les podiums qui s’immiscent sans complexe dans des bâtiments, eux-mêmes portant la signature de bien des architectes renommés.
Les relations qu’entretiennent mode et architecture ne sont pas récentes. Il y a dix ans, OMA entamait une belle collaboration avec la Maison Prada en inaugurant Le Transformer, un pavillon qui devait accueillir des événements artistiques, avant la fondation milanaise en 2015. C’est en 2014 que la Fondation Vuitton, commandée à Franck Gehry, fut inaugurée dans le Bois de Boulogne.
L’architecture fait partie intégrante de la fabrication de l’identité des maisons de mode. Pour les marques de luxe, qui font régulièrement appel aux Pritzker prizes pour aménager leurs ‘flagships’. La maison Hermès à Tokyo a été aménagée par Renzo Piano, Christian de Porzamparc a dessiné la boutique Dior de Séoul quand Herzog et de Meuron s’attaquaient à l’écrin Prada de Ayoyama à Tokyo et encore Rem Koolhaas à Repossi, place Vendôme…
L’industrie du vêtement autant que l’architecture cherche tous les six mois, voire moins, à se renouveler. Grande pourvoyeuse d’innovations techniques en tous genres, il n’est donc pas étonnant que Chanel, sous l’impulsion de Karl Lagerfeld, proposa à Zaha Hadid de plancher, entre deux concepts de paires de chaussures, sur un musée organique et mobile, le Chanel Mobile Art. Finalement, après l’Eglise et l’Etat, il en revient à la mode de financer une grande part de la recherche architecturale.
Mais les liens qui rapprochent la mode et l’architecture vont bien au-delà des édifices. Il suffit d’observer la création actuelle pour s’en convaincre. Qui pourrait nier l’évidente parenté formelle entre le dressing Haute Couture et futuriste d’Iris van Herpen et le style organique de Zaha Hadid ? C’est aussi pour cela que Jacques Herzog et Pierre de Meuron se sont aussi prêtés au jeu de la réinterprétation du Nylon noir, pour la collection Prada 2018-19.
Les créateurs font désormais évoluer leurs silhouettes dans des monuments emblématiques. Toutes les références subconscientes qui émanent des bâtiments contribuent alors à l’incarnation du vêtement. Surtout depuis que les collections, dites croisières, ont gagné leur galon. C’est pré-collections ont surtout le droit de se délocaliser, bien plus loin que le traditionnel rendez-vous du Grand Palais (Chanel), du Musée Rodin (Dior) ou du Palais de Tokyo (Jaquemus). Désormais, les créateurs convient le gratin à Westminster (Gucci), au centre culturel de Dongdaemum à Séoul (Chanel).
La mode est une sphère hyperactive, un domaine éphémère qui évolue selon des cycles. A l’inverse, l’architecture représente quant à elle un univers plus lent voué à laisser une empreinte durable dans le paysage urbain. Pourtant, ces deux mondes qui fondamentalement s’opposent se conjuguent très régulièrement et sur plusieurs modes. Revue non exhaustive.
Le Musée d’art contemporain de Niterói (Oscar Niemeyer)
Le musée d’art contemporain de Niterói, dans la baie de Guanabra au Brésil, est un ovni architectural. Avant-gardiste à souhait, ce bijou d’urbanisme abrite depuis 1966 une étourdissante collection d’art brésilien. Dernièrement, Nicolas Ghesquière y avait présenté le défilé croisière 2017 Louis Vuitton.
Le Palais Bulles (Antti Lovag)
A Théoule-sur-Mer, le Palais Bulles surplombe la baie de Cannes. Construit entre 1979 et 1984 par l’architecte Antti Lovag, il est racheté en 1991 par le couturier Pierre Cardin, qui y organise de grandes réceptions. Raf Simons décide d’y présenter son ultime collection croisière pour Dior en 2016, des folies au cœur d’une folie.
Le ranch de Luis Barragán au Mexique
Pour sa première campagne Louis Vuitton, l’actrice Léa Seydoux pose devant le ranch Cuadra San Cristóbal construit par l’architecte mexicain Luis Barragán. Un décor rose où les lignes géométriques semblent triompher du soleil. Qui a dit que les architectes voyaient tout en noir ?
Le musée Miho au Japon (Ieoh Ming Pei)
Inauguré en 1997 à Shiga au nord de Kyoto, le musée Miho est caché au milieu d’une forêt luxuriante. Le spot idéal choisi par Louis Vuitton pour présenter sa collection croisière 2018. L’occasion pour la maison de témoigner une nouvelle fois son attachement à l’architecture, avant un nouveau lieu pour le prochain défilé.
Le MAMO sur le toit de la Cité radieuse (Le Corbusier)
Chaque année, sous l’impulsion du designer Ora-ïto, le MAMO à Marseille invite un nouvel artiste à investir le toit de la Cité radieuse. En 2015, c’est Daniel Buren qui s’empare du chef-d’œuvre de Le Corbusier. A cette occasion, la maison française Longchamp y shoote sa campagne printemps-été 2015.
L’Elrod house (John Lautner)
Chef-d’œuvre signé John Lautner, voici une maison faite de béton, d’acier et de verre. Une résidence en plein cœur du désert de Palms Springs, construite pour l’acteur Bob Hope et sa femme Dolores. Nicolas Ghesquière y a organisé le défilé Louis Vuitton croisière 2016, à ciel ouvert.
L’hippodrome de Longchamp (Dominique Perrault)
Si depuis quelques années Le Sellier reprend possession un week-end de mars du Grand Palais pour le Grand Saut Hermès, l’historique maison du cuir a choisi en septembre dernier de se rapprocher encore un peu plus près de son animal fétiche, en installant son ‘catwalk’ le long de la toute nouvelle tribune de l’hippodrome, signée Dominique Perrault.
Alice Delaleu