…si bleue, si calme ? Effet de mode ! Travailler l’archétype, détourner l’image populaire…un nouveau crédo. Demago l’archi ? L’immeuble de logements en tient désormais une couche. Collectif en bas, individuel en haut. Matez un peu ma maison sur le toit, qui plus est, avec toit à double pente, comme il faut ! Alors qu’est-ce à dire ?
Avez-vous déjà remarqué ces boîtes avec toit à double-pentes qui pullulent sur les toitures-terrasses des immeubles?
Citons MVRDV, du moins, son projet d’extension «Didden village» à Rotterdam. Il s’agit là d’un prototype de densification appliqué aux villes existantes conçu pour faire face au problème de l’étalement urbain. En somme, ‘bâtir la ville sur elle-même’, en habitant ses toits.
Citons Edouard François. Ces boîtes jouent de l’image du ‘pavillon de banlieue’ dans son immeuble «Collage urbain» à Champigny-sur-Marne. Voilà un étalage de différentes typologies de logements.
Citons Tetrac. Dans son bâtiment mixte «Playtime» à Nantes, la jeune agence, au lieu de rassembler les différentes unités programmatiques dans une seule forme unifiée, les dispose dans des ensembles distincts superposés. Les boîtes à toit pentu accueillent des logements individuels en duplex.
Pourquoi ces projets nous intriguent-ils ? Ces constructions, étranges, ne rentrent pas dans un registre habituel. Il y a certes une forme de curiosité mais aussi de perplexité.
Ces volumes compacts à quatre murs et au toit à deux pentes ne sont pas simplement des bâtiments construits mais une forme symbolique : l’archétype de la maison. Il s’agit d’une construction mentale, profondément implantée dans notre imaginaire collectif. Elle nous renvoie habituellement aux notions de famille, village, tradition, etc.
L’architecture moderne a renoncé au toit traditionnel à double pente pour développer la toiture-terrasse idéalisée comme un nouveau sol, plein ciel, et ouvert sur le paysage, gagné sur le toit. Ce nouvel espace de liberté, considéré comme le toit ‘moderne’ couronne tout bâtiment de logements ‘modernes’. L’héritage moderniste est toujours bel et bien présent au point d’écarter toute forme de toit à double-pentes.
Le contraste des toitures-terrasses et de ces toits en pente auxquels les architectes avaient renoncé… Certes. De fait.
Reconnaissance d’un archétype populaire ? Méprise des doctrines de l’architecture moderne ? Ironie même des hommes de l’art ? Innocentes manœuvres idéologiques ?
Quoi qu’il en soit, l’antinomie subvertit nos codes quotidiens et incite Monsieur tout le monde flânant dans la rue à en parler. A parler d’architecture… !!
Pour une fois, elle n’est plus l’affaire ‘intellectuelle et technique’ réservée aux professionnels, elle est celle qui s’adresse aux gens, qui les touche et qui fait plaisir.
Si des architectes travaillent le thème des ‘maisons Monopoly’ sur toiture-terrasse comme patchwork architectural à même d’illustrer notre condition urbaine, d’autres hommes de l’art poursuivent une recherche minimaliste sur un archétype populaire.
Le revisiter passe par la chasse au superflu mais aussi par le soin du détail. Ce, pour instaurer une réalité réduite à l’essentiel.
Nous pouvons citer, par exemple, les déclinaisons que l’agence Herzog & de Meuron développe, depuis la «maison Rudin» à Leymen, pour leurs projets de maison individuelle situés en site naturel à la VitraHaus de Bâle. Dans ce dernier cas, nous entrons dans une mise en situation de collections de meubles. L’idée même d’habitat prévaut, incarnée ici par une nouvelle version de l’archétype.
Quelle que soit la typologie, chercher un archétype, épurer l’architecture à l’essentiel, nécessite une grande capacité de synthèse et une maîtrise du détail. L’architecture est, par nature, la mise en place d’un état de complexité.
Le résultat de cette démarche architecturale est saisissant. Le bâtiment n’est plus perçu comme un objet construit abstrait mais comme un signe, un langage, qui parle à chacun d’entre nous en invoquant quelque chose de ‘connu’, profondément ancré dans notre imaginaire.
Chez les architectes, l’archétype, enfin le retour ?
Bientôt affublé d’un –isme pour remplir quelques pages d’un livre d’histoire ?
Hyojin Byun
Le blog de Hyojin Byun
Cet article est paru en première publication sur Le Courrier de l’Architecte le 18 septembre 2013