L’architecte Boris Cindric a livré à l’automne 2019 à Tergnier (Aisne) la nouvelle Manufacture de maroquinerie de luxe Camille Fournet. Toutes les entreprises sont locales. Le bâtiment a été livré sans aucun retard. Le budget prévisionnel a été respecté. Du luxe ? Communiqué.
Le contexte
Fondée en 1945 en Picardie, la manufacture Camille Fournet, réputée pour ses créations de bracelets-montres en peaux exotiques, s’installe à Tergnier (Aisne) en 1991. Elle s’impose rapidement comme une référence auprès des plus prestigieuses maisons horlogères du monde grâce à son savoir-faire unique, au choix de peaux exceptionnelles, à son esthétique épurée et pour sa fabrication intégralement française. Ainsi, Camille Fournet pénètre-t-elle le cercle restreint des grandes maisons de luxe françaises. Puis elle inaugure un département maroquinerie, avec la confection de sacs et de pette maroquinerie. Ce développement nécessite la construction d’une extension et la rénovation des locaux existants, pour lesquels le président de la Maison, fait appel à l’architecte Boris Cindric qui les livre en 2013.
Depuis lors, Camille Fournet intensifie un service sur-mesure et produit des pièces d’exception à l’unité ou en série très limitée, prisées dans le monde enter (Japon, Chine, États-Unis, Europe). Pour répondre à cette croissance constante, elle acquiert en 2016 un terrain, en face du site historique, et fait à nouveau appel à l’architecte Boris Cindric.
Situé dans une zone mixte habit pavillonnaire/activité industrielle, le terrain de 2 672m² est délimité par des emprises publiques au nord-est et ouest, une voie ferrée au sud-est propriété de la SNCF et une parcelle d’habitation avec cour et jardin au sud-ouest.
Les impératifs de production de la Manufacture ont déterminé le délai de réalisation. Après une étude préliminaire de 18 mois, le chantier a débuté en mars 2018 et le bâtiment était livré et inauguré comme prévu en juin 2019.
Le programme
Souhaitant dédier l’ensemble du site historique (1 700 m²) à la production des bracelets-montres, le maître d’ouvrage avait besoin d’un nouveau bâtiment à proximité pour y installer les ateliers de maroquinerie et de développement de nouvelles compétences telles la mise en couleur et la finition des cuirs rares, une salle de formation pour la transmission du savoir-faire de ses maîtres-selliers et un vaste showroom.
À côté des divers ateliers avec les vestiaires, sanitaires, les bureaux et salles de réunion, le programme prévoyait un local spécifique pour le stockage des peaux et un pour l’expédition ainsi qu’un réfectoire. Il fallait aussi aménager les accès et l’espace pour les véhicules de livraison avec quelques places de stationnement.
L’image de la Maison
Après avoir confié au même architecte la transformation radicale de la boutique rue Cambon à Paris qui est devenue l’emblème de l’image de la marque Camille Fournet qui allie luxe, design, artisanat, tradition et innovation, le maître d’ouvrage souhaitait que le nouveau bâtiment de la manufacture fasse écho à cette image et reflète l’esprit « architectural » de ses produits de maroquinerie.
Fidèle au concept de l’expansion de la manufacture, le projet propose un cadre de travail généreux, confortable et valorisant pour les 100 artisans et employés.
La nouvelle construction et le quartier
Dans sa conception, l’architecte a recherché, en dépit des contraintes urbaines, un équilibre entre zone pavillonnaire environnante, usage industriel du bâtiment et image de la Maison. Pour ne pas former un front devant les maisons avec les jardins privatifs, s’intégrer dans le paysage et valoriser la sorte/entrée de la petite ville tout en respectant son échelle urbaine, la nouvelle construction de deux niveaux se déploie en trois volumes suivant les contours du terrain.
La « tête » légèrement désaxée dégage le carrefour tandis que le bâtiment s’aligne avec les habitations sur la rue principale puis, en bord même de propriété et en retrait côté rue Guy Moquet, libère l’espace pour créer une plateforme technique pour les camions de livraison et le stationnement des voitures de service.
Reposant sur 52 micropieux dans un sol d’argile, le bâtiment d’une hauteur de 10m et de
1 950m² SHON est construit en béton préfabriqué. Le procédé de mur de façade mettant en œuvre des panneaux de façade en béton armé disposés verticalement (H 9,5m L 3m), de type sandwich, constitués de deux voiles dont le voile extérieur est librement dilatable, avec interposition d’un isolant. Une charpente métallique a permis la création de deux espaces dégagés (200m² chaque) dans la « tête » de bâtiment.
Les façades sont partiellement couvertes de brique blanche en dialogue avec la brique des habitations voisines. L’architecte fait un parallèle entre cette double peau du bâtiment et la matière première de Camille Fournet. Symbole de la texture de certaines peaux exotiques, elle est également un clin d’œil au travail manuel de la manufacture, chaque brique de parement étant collée une par une.
Captant la lumière, la brique blanche se pare de diverses nuances selon l’ensoleillement et la couleur du ciel. Le reste des façades et la menuiserie anthracite interrompent la linéarité et accentuent le relief et l’élégance de ce parement.
3 volumes, 2 niveaux
La compacité du bloc de « tête » du bâtiment allégée et adoucie par la transparence du rez-de-chaussée – l’espace showroom devenant ainsi sa vitrine – désenclave la Manufacture et l’ouvre vers le quarter.
Le hall d’entrée est situé dans une verticale vitrée entre la « tête » – espace public – et le reste du bâtiment dédié à la production. Ce volume élancé, de grande hauteur et baigné de lumière naturelle, avec double exposition – l’entrée principale et l’accès au parking – et l’escalier menant à l’étage donnent un aperçu au visiteur de la qualité et du raffinement des productions de la manufacture.
Le showroom, par sa taille et le système d’éclairage, est aussi un espace polyvalent permettant d’accueillir des expositions d’œuvres d’art (Camille Fournet collabore régulièrement avec les artistes), des concerts, réceptions, conférences …
À l’étage, accessible par une passerelle également reliée au deuxième volume, une salle avec des ouverture vitrées en hauteur et des parois en verre à l’intérieur est dédiée à l’atelier formation de l’école. Les ouvertures et la transparence des espaces offrent un jeu d’ombre et de lumière qui souligne le graphisme de cette parte du bâtiment.
Tous les espaces bénéficient de lumière naturelle. Les bureaux, salles de réunion, vestiaires, sanitaires, ainsi qu’une kitchenette sont répartis sur deux niveaux du deuxième volume. Au rez-de-chaussée du troisième volume, se trouvent les ateliers – machines lourdes, divers petits ateliers dont le traitement et la coloration – et les locaux pour stockage des peaux, expédition, entretien ainsi que l’espace technique avec local compresseur, disposant de plusieurs accès de service sur le parvis technique.
Le grand atelier avec les tables de travail est situé à l’étage, relié par un monte-charge et l’escalier technique à l’atelier des machines. Un réfectoire avec une terrasse situé au fond d’étage donne sur le quartier d’habitation avec les jardins.
Pour permettre une organisation flexible et adaptable à la fabrication (qui varie selon les modèles et les commandes), toutes les installations électriques dans les ateliers (total 700 m²) sont posées dans les chemins de câbles sous plafond et guidées jusqu’au sol par les tubes amovibles. Ce système permet de réorganiser aisément et rapidement l’espace selon le type et le nombre des machines et des postes nécessaires.
Bien isolé, le bâtiment, répond aux normes thermiques. À l’exception d’une partie d’atelier des machines, les espace disposent d’un chauffage au sol. Les ateliers, le local pour stockage des peaux et l’espace showroom sont climatisés. Le sol des espaces publics – bureaux, vestiaires, sanitaires et réfectoire – est carrelé tandis que le sol dans les ateliers, couloirs, locaux techniques et de stockage est en résine grise. Pour le décor, l’architecte a choisi des nuances de gris et de blanc. En mettant ainsi en valeur les couleurs des peaux précieuses, il valorise également la présence humaine et le travail et donne à tout l’espace une esthétique fidèle à l’esprit Camille Fournet.