Ces photographies, réalisées tout au long de ces quelques semaines de novembre 2020 à Paris, évoquent le sentiment d’une promenade solitaire à travers une forêt urbaine austère et antique. Même les bâtiments modernes semblent être des reliques anciennes. Chronique-photos d’Erieta Attali.
Ces bâtiments assument la qualité d’archives de l’organisation sociale, des pratiques et des systèmes de valeurs du passé. Les voir dégagés de la couche habituelle de l’activité humaine moderne amplifie le sens de leur historicité et de leurs connotations narratives.
Cela amène à remettre en question leur signification et leur utilité pour le monde futur imminent où les paramètres de l’activité humaine auront changé. Il existe une tension entre la matérialité et la monumentalité des structures de notre passé immédiat et les manières impermanentes, transitoires et fluides des interactions humaines ayant évolué au cours des derniers mois de la pandémie.
Rien n’a maintenant la stabilité de l’ancien terrain urbain. La vie reflète la fluidité et le dynamisme du fleuve, liés de manière plus urgente à la vie et à la mort. Le silence et l’insularité créés par le confinement suppriment les fonctions utilitaires des bâtiments et les déclinent en tant que purs objets architecturaux, espaces et points de référence historiques pour la ville, lesquels se retrouvent isolés dans une relation urbaine pure.
Reconcevoir le rôle du citadin et du visiteur / voyageur urbain
Ce nouveau décor urbain devenu muet remet en cause l’effet de ces structures sur le psychisme de la ville et/ou notre rapport aux villes elles-mêmes, qui s’en trouve redéfini.
Comment cette psyché urbaine peut-elle bien évoluer quand il y a peu ou pas d’expérience physique directe de l’espace urbain par les humains ? Que tirent les humains de leur expérience corporelle de l’échelle et de la matérialité ? Que pouvons-nous apprendre des modèles de cette réadaptation ? Dans quels environnements les humains réhabitent-ils, dès lors que c’est permis, et quels environnements deviennent obsolètes ?
Comment retournerons-nous dans la ville, non seulement en tant qu’habitants mais aussi en tant que visiteurs, maintenant que le voyage lui-même a pris l’apparence d’un danger potentiel pour le bien-être public ? Alors que notre continuum urbain global et interconnecté se transforme en une introversion effrayante et un hermétisme provisoire incertain, le visiteur redevient-il « l’étranger » ?
Qu’adviendra-t-il d’une ville comme Paris qui, ayant construit une grande partie de son identité sur l’interaction même avec les millions de touristes globe-trotters, tente désormais de les garder à bonne distance ?
Erieta Attali
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