Le Stadium de Vitrolles (Bouches-du-Rhône), dessiné par Rudy Ricciotti en 1990, il y a déjà 28 ans, était une réponse pertinente sur les plans économique, politique, programmatique, culturel, contextuel et architectural. Il est aujourd’hui à l’abandon. Dans le cadre du Printemps de l’Art Contemporain, en mai 2018, un collectif d’artistes y a organisé une exposition éphémère intitulée ‘Post-Disaster Residencies’. Chronique entre ombre et lumières.
Une force tellurique semble habiter le Stadium et vouloir s’en libérer, quitte à étirer les murs, distendre la structure, craqueler la peau, écarteler le derme, ingurgiter le no man’s land du parvis et s’approprier le monde de son œil de géant. Et, comme dans l’arène, la vie traverse alternativement espaces sombres et pleines lumières, appréhensions extrêmes et sublimes délivrances.
Les ‘Post-Disaster Residencies’, mises en place par les artistes Jonathan Vidal et Paul Paillet, sont des moments d’occupations et de rassemblements. Temps d’expositions communs et éphémères, elles interrogent les économies qui légitiment un lieu et l’assujettissent à la particularité d’un usage. Elles explorent les histoires qui le poussent hors de ses fonctions initiales, non pas à l’abandon mais hors des régimes des usages communs et organisés.
Ce fut le cas précisément le samedi 12 mai 2018, le temps d’une après-midi où chacun pouvait, pour un instant, pénétrer dans le Stadium pour y contempler un nouvel usage inventé pour l’occasion : une flânerie dans le site, une contemplation des œuvres et des dispositifs mis en place et un questionnement perpétuel sur le devenir de notre société.
Le Stadium, bien que pillé et squatté depuis des années, conserve sa force et sa puissance. La structure massive, en béton noir teinté dans la masse, est intacte. La démarche artistique est respectueuse du site, du bâtiment et de son histoire et s’adapte au bâtiment et à ses dégradations. Le bruit sourd de grosses cylindrées se fait ressentir en tout point du site.
Plus le visiteur pénètre dans le bâtiment et plus l’intensité lumineuse diminue. Une voix féminine lisant un texte en anglais se fait entendre dans l’espace central du Stadium et invite à avancer puis pénétrer dans la nef, sous les gradins fixes en béton éclairés par les projections silencieuses. Cet espace est auréolé de diverses projections sur les surfaces planes disponibles.
La visite se poursuit dans les entrailles du Stadium. Il y fait totalement sombre, le bruit des débris au sol résonne tandis qu’apparaissent dans diverses pièces de nouvelles projections animées et déroulantes. La scénographie établie par le collectif d’artiste invite alors chacun d’entre nous à se questionner sur nos sociétés et sur leurs évolutions.
Das Hund, Galta, Mathieu Arbez Hermoso, Lauren Huret, Judith Kakon, Caroline Mesquita, Ceel Mogami de Haas, Mohamed Namou, Elsa Werth, Alison Yip sont parvenus à investir cet espace abandonné depuis tant d’années en respectant le lieu, une intervention ponctuelle qui, le temps d’un instant, a rendu au Stadium toute sa force de conviction.
Dylan Piras & Enzo Rosada
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