Après la recherche, les rapports, les tables rondes, voici le colloque « pour un logement Accessible et de Qualité ». Prévu en Phygital, il a lieu le mardi 19 octobre à la salle Wagram ! Les notaires du Grand Paris et le GRIDAUH (Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l’aménagement de l’urbanisme et de l’habitat) l’ont décidé : réduire la taille du logement ne suffit pas, encore faut-il que son usage soit désormais virtuel !
Ce nouveau colloque est censé nous éclairer – allumer vos lanternes, à l’huile et non au gaz – sur ce que seront demain l’accessibilité et la qualité de nos logements. En tout cas, dans une actualité toujours aux aguets, le titre est pompeux et vendeur : les notaires l’ont compris, ‘business is business’ !
Que d’impétrants autour de la question du logement ; il y en a tant que la place de la Concorde ne suffirait pas à contenir leur farandole ! La liste est longue, trop longue, pour les citer tous. Alors, en commençant par le bas de la liste, le Notaire donc avec ses velléités de logement « accessible et de qualité » !
Il est vrai que les frais d’acquisition immobilière dans le neuf ne représentent qu’environ 2 à 3 % du prix de la vente. Ils comprennent certes la rémunération du notaire mais incluent surtout les impôts et les taxes : la taxe communale, la taxe départementale, la taxe d’Etat et la taxe de…… etc. Egalement appelés droits d’enregistrement, ces taxes constituent la majeure partie des frais. Autant dire qu’il reste des clopinettes au notaire.
Alors pourquoi un colloque au titre affété, fardé par un lieu discriminant pour les logeurs en quête d’accès qualitatif ? La réponse se trouve dans le programme du colloque, et ne concerne pas les logements neufs pris en charge quant à eux par le rapport Leclercq – Girometti *, mais s’intéresse plus particulièrement au Parc Existant comme ils disent. Existe’land !
A Existe’land, les frais d’acquisition immobilière représentent 7 à 8% du prix de la vente, soit deux à trois fois celui du neuf. Faites le calcul ! Selon une étude INSEE, au 1 janvier 2020 Existe’land France comptait 37 millions de logements dont 16% des résidences principales situées dans l’unité urbaine de Paris soit environ six millions de logements, la population de cette unité urbaine étant d’environ 11 millions. Le futur des notaires semble radieux !
De fait, rendre accessible le parc existant en améliorant sa qualité mérite au moins un colloque. « Réversibilité, mutabilité des usages, changement de destination : comment mieux adapter le parc existant ? » sont les thèmes de l’une des tables rondes. « Mutabilité des usages » ? Chacun comprend bien ainsi que, pour les notaires, nous sommes tous des usagers : nous ‘usageons’ les objets, les parcs, les logements, les villes, etc. Dans un tel contexte, il n’est pas surprenant d’envisager leur mutabilité aux usages !
La réalité est que les espaces à usage multiple ont justifié la réduction des surfaces du logement au profit d’une loi économico-financière. La « mutabilité des usages » permet justement de justifier des espaces amputés de leur usage. Il n’y a plus de cuisine, sortez votre camping-gaz !
Pourtant, l’histoire récente raconte encore le passage du camping-gaz à la cuisine, puis celui de la cuisine de 4 m² à celle de 5,60 m² jusqu’à atteindre un peu plus de 7 m²**. Cela, c’était au XXe siècle. Le XXIe siècle a, au contraire, progressivement fait disparaître la cuisine au profit de la mutabilité des usages !
Cette démarche ne vient pas de nulle part et si, comme l’évoque le philosophe Michaël Foessel dans Récidive 1938, les évènements ne se répètent pas, la manière de les interpréter peut traverser le temps. Revenons ainsi sur les logements de TRANSIT avec leurs cités du XXe siècle et qui demeurent encore à ce jour bien cachés dans le paysage historique de l’habitat en France.
L’histoire des cités de transit renvoie d’abord à l’urgence de la reconstruction au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; il y a toujours une urgence comme point de départ ! Cet habitat s’inscrivait surtout dans le cadre du logement social à normes réduites : Lopofa : Logements populaires familiaux ; Logécos : Logements économiques et familiaux ; PSR : Programmes sociaux de relogement, etc. Autrement dit, des logements sans eau courante, ou très peu, et des équipements sanitaires réduits au minimum.
La genèse du logement de transit correspond à la volonté de transformation sociale par l’habitat. Dès la fin des années ‘60, au plus fort de la prolifération du dispositif, la loi du 10 juillet 1970 le considérait comme « un logement provisoire des familles, occupantes à titre précaire, dont l’accès en habitat définitif ne peut être envisagé sans une action socio-éducative destinée à favoriser leur insertion sociale et leur promotion ».
Le caractère temporaire de la transition était inhérent à cette idée d’action socio-éducative dans le « recasement » des populations des bidonvilles vers leur destination finale : le HLM (Habitat à loyer modéré).
Entre dispositif d’urgence et pérennisation du provisoire, entre action sociale et contrôle policier, entre ségrégation spatiale et intentions d’assimilation, les cités de transit et leurs logements témoignaient cependant, depuis le XIXe siècle, d’une volonté de transformation et d’élévation sociales, par l’architecture notamment.
Au XXIe siècle, l’économie a supplanté l’architecture dans la transformation sociale, d’où la nécessaire mutabilité des usages sans doute pour justifier le déclassement, les notaires ne voulant rien rater de ce nouveau marché.
Gemaile Rechak
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* Lire l’article Rapport Leclercq – Girometti : le baromètre qui donne le temps d’hier
** Lire la chronique Les dimensions cachées de la valeur d’usage du confinement