
Le Prix Versailles a dévoilé le 3 novembre 2025 les sept réalisations constituant la Liste 2025 des Plus belles gares du monde. Récemment inaugurée, chacune témoigne d’une remarquable ambition architecturale. Deux ouvrages français sont lauréats.
« L’excellence porte à la reconnaissance et à l’humilité et, aujourd’hui, celle-ci nous oblige, tant l’harmonie qui transparaît de ces nouvelles gares se doit de traverser les continents. L’engagement que ces ouvrages nécessitent, la prouesse technique et esthétique honorent au plus haut niveau la communauté des bâtisseurs. S’inscrivant déjà dans ce qui constituera le patrimoine de ce siècle, ces infrastructures renouvellent le rôle dévolu à la mobilité. Elles pensent la beauté comme un poumon qui régénère la ville, un territoire symbolique en commun au service de ses habitants », souligne Jérôme Gouadain, secrétaire général du Prix Versailles
Gare Gadigal, Sydney, Australie

Gadigal est le nom du clan aborigène qui vivait sur les terres de ce quartier de Sydney. Aujourd’hui, ce peuple ancien symbolise l’ambition d’une ville qui abrite le premier système de métro en Australie.
De fait, glissée à 25 m de profondeur sous des immeubles de grande hauteur, la Gare Gadigal, conçue par Foster + Partners (en collaboration avec Cox Architecture) est d’une modernité absolue.
À chaque entrée, « The Underneath », œuvre d’art monumentale en carreaux de céramique à la couleur intense, inspirée des premiers tunnels ferroviaires, souligne par contraste les circulations dans des espaces épurés dont les courbes et les variantes de tons épousent la géologie.
Tournée vers l’avenir, Gadigal Station humanise le métro et réussit à rendre plus douce et évidente la bascule vers des modes de transport décarbonés.
Gare de Mons, Mons, Belgique

La Gare de Mons est au cœur d’une réorganisation urbaine : les voies routières sont devenues des places piétonnes et la gare est désormais accessible depuis le centre-ville sans avoir à traverser de rue.
Style aérien, épure du trait, formes en acier et blanc éclatant, Santiago Calatrava a remis son art sur le métier pour cette passerelle cathédrale de 165 m de long qui permet de relier le cœur historique au sud et le quartier émergent des Grands Prés au nord.
La galerie monumentale, qui accueille les voyageurs sous un large auvent suspendu, rend hommage à la galerie de la Reine à Bruxelles et exemplifie le dynamisme culturel et commercial au sein d’une structure moderne de transport multimodal. Entièrement fermée et isolée, sa conception assure une température agréable pendant l’hiver quand le puits de lumière, ouvrant au sommet du toit, apporte une ventilation naturelle en été.

Gare de Baiyun, Canton, Chine

A priori, rien de plus ancré dans la terre qu’une infrastructure dédiée à 24 lignes de TGV, 6 lignes de métro et 3 gares routières. C’est pourtant dans son aménagement aérien, œuvre légère signée Nikken Sekkei, que la Gare de Baiyun se distingue désormais. En effet, là où il n’y avait qu’une masse d’air invisible, se tient aujourd’hui un espace commercial et tertiaire au sein d’un ouvrage éthéré devenu le véritable élément structurant du quartier d’affaires.
Une passerelle piétonne circulaire à plusieurs niveaux relie certes les quais aux différents espaces commerciaux et de bureaux environnants mais, surtout, entrecoupée de jardins, elle forme un parc urbain tridimensionnel qui irrigue et unit la communauté.
Les arcades traditionnelles de Canton, ici stylisées, inondent la gare de lumière naturelle et offrent une identité spatiale unique, monumentale et à échelle humaine. Une architecture inspirée.

Gare Saint-Denis – Pleyel, Saint-Denis, France

Aux confins de trois communes, cette gare emblématique du Grand Paris Express est construite dans un territoire marqué par des coupures urbaines. Si un ouvrage permettait de franchir les 48 voies de la gare du Nord, le défi pour Kengo Kuma & Associates était de donner une cohérence urbaine à des quartiers disparates.
Un jeu de plis, haut de 35 m, souligne la stature d’un équipement public dont la lumière naturelle pénètre jusqu’aux quais, à 28 m de profondeur.
« Le lieu est le fruit de la nature et du temps… », explique l’architecte. En contraste saisissant avec les stations traditionnelles en béton et en acier, l’atrium est en effet entièrement recouvert de bois, « un matériau magique » qui crée un espace chaleureux. Pour le temps, plus de cent sculptures inspirées des premières représentations féminines au Paléolithique seront suspendues sur toute la hauteur de l’atrium, inscrivant le projet dans un continuum plurimillénaire.
Gare Villejuif – Gustave Roussy, Villejuif, France

Dominique Perrault est l’architecte du métal, ici l’inox, sous toutes ses formes – lisse, maillé, perforé, poli miroir, satiné – et de toutes les nuances de gris, jusqu’à la couleur bronze.
Au centre d’un large parvis piéton, un pavillon ouvert, couvert d’une verrière spectaculaire, floute la limite entre intérieur et extérieur. Il recouvre un vertigineux cylindre de 70 m de diamètre qui laisse circuler l’air et projette différentes ambiances en favorisant par des jeux de reflets, brillances ou filtres, la propagation de la lumière 50 m plus bas jusqu’aux quais de l’une des gares les plus profondes de France.
Ce que Dominique Perrault appelle « architectonique du lien » réconcilie les dynamiques verticales d’accès avec les mouvements horizontaux de la ville. Ici, pas de front urbain monumental qui clôt le territoire mais l’utilisation du vide tel un matériau, les grands escaliers mécaniques mettant en scène les mouvements des voyageurs.

Gare KAFD, Riyad, Arabie saoudite

En 2000, la capitale saoudienne, aux 4 millions d’habitants, n’avait pas encore d’infrastructure de transports en commun. Aujourd’hui, la Gare KAFD, dans le quartier financier, est le point clé de correspondance d’un réseau qui compte désormais 176 km de voies et 85 stations, soit le plus long système de transport autonome au monde.
Conçue par Zaha Hadid Architects, la nouvelle gare assure un lien entre l’histoire et le monde à venir. La façade fait écho aux motifs créés dans le sable par les vents du désert dont les multiples fréquences génèrent des volutes naturellement complexes. Pour autant, les ondes sinusoïdales qui en constituent l’ossature sont issues d’une technologie de pointe.
De fait, la modélisation et la cartographie des prévisions d’usage ferroviaire, automobile et piéton ont permis la conception d’un espace structuré par les variations de fréquence des flux de circulation. Une rose des sables stylisée dont les courbes adoucissent, avec tact, la verticalité des tours.

Gare Qasr Al Hokm, Riyad, Arabie saoudite

Signée par Snøhetta, la Gare Qasr Al Hokm est conçue comme une vaste place urbaine sur laquelle un auvent conique inversé indique que le développement de Riyad a changé de paradigme.
Tel un périscope, cette vasque – et verrière à la fois – réfléchit l’animation de la rue et diffuse la lumière indirecte à tous les niveaux. Elle établit ainsi, jusqu’au hall et aux quais, une connexion visuelle dynamique entre la station souterraine et le paysage urbain. Grâce à son effet miroir, la lumière du jour se reflète vers la gare ; tandis que la nuit, c’est la lumière de la gare qui se reflète sur la surface de la canopée.
L’intérieur de l’ouvrage, traité en adobe, perpétue une longue tradition de l’architecture vernaculaire et, s’appuyant sur un grand mur incliné, intègre des éléments du style najdi. Au pied de l’atrium, le jardin luxuriant est un élément inattendu au sein d’un espace enterré.


