Entre deux opérations sociales livrées en VEFA, l’investissement et la promotion privés se sont livrés ces dernières années une course effrénée vers le projet le plus rocambolesque. Depuis que le monde s’est arrêté de tourner et, avec lui, les bourses et le BTP, baromètre de résilience de quelques projets peut-être menacés.
La tour Occitanie : Le Ground Zero toulousain aura-t-il lieu ?
Après moultes péripéties, recours et pétitions, le permis de construire de la tour Occitanie, projet financé par La Compagnie de Phalsbourg, a été accordé par la ville de Toulouse le 24 juillet 2019. Le projet reste cependant controversé. Culminant à 150 mètres de haut, la tour en impose, ou plutôt s’impose avec ses milliers de m² de façades végétalisées tendances béton-à-gogo sorties tout droit de l’imagination de l’architecte Daniel Libeskind. Le premier tour des élections municipales a vu une poussée des Ecologistes. Encourageront-ils un projet tout de vert vêtu, une aubaine en communication ?
La Tour Mirabeau à Marseille. Jamais deux sans trois ?
Dans le sillon de la première tour CMA CGM imaginée par Zaha Hadid, AJN a livré La Marseillaise. C’est une troisième tour tertiaire, signée cette fois-ci de l’architecte libanaise Hala Wardé, qui est attendue sur les Quai d’Arenc à l’horizon 2022. La démolition de l’ancien siège de la compagnie maritime ayant été achevée fin février 2020, la Tout Mirabeau avait le champ libre pour pousser dans les temps. Marseille, cinquième pôle économique de France (étude 2018) ne jouissant pas d’une cité d’affaires rivalisant avec la Part Dieu ou même Euralille, il devenait urgent de satisfaire à la demande. Et ce même si la candidate PS vient chatouiller de très près la succession de Bruno Gaudin.
Le quartier des Gratte-Ciel à Villeurbanne ou le réemploi de Morice Leroux ?
Lancée au printemps 2019, la consultation pour la cession de trois lots dans le quartier des Gratte-Ciel à Villeurbanne avait attisé les appétits des architectes et promoteurs. Ils sont aujourd’hui attribués à Altarea Cogedim, Quartus, Rhône Saône Habitat, ainsi qu’à Atelier Vera, ANMA et Hardel Le Bihan pour la conception de 690 logements, 13.500 mètres carrés de commerces et services, 4.000 mètres carrés de bureaux, 3.700 mètres carrés d’équipements socioculturels. Les travaux prévus pour 2024 laissent le temps à la tempête de passer surtout au regard des enjeux sociaux et urbains qui en découlent ici.
EuroRennes, entre signal et densité, ça va finir par se voir
En 2018, l’ilot Beaumont a été attribué aux architectes de Kempe Thill et 56s architect es et, en2019, l’ilot Feval l’ a été à une équipe constituée des architectes Julien de Smedt, Stéphane Maupin, Maurer et Gilbert architectes et Think Tank. Du beau monde pour construire rien de moins qu’une tour et des dizaines de m² de surfaces de logements, de bureaux, de commerces, d’hôtel … Comme aime à le préciser la ville de Rennes dans ses communiqués, « des projets signaux », à deux pas de la nouvelle gare pour que la cité bretonne puisse irradier au moins jusqu’à Paris. Pionnière depuis 50 ans dans la catégorie IGH d’habitation, le centre-ville de Rennes sera-t-il près à accueillir une si puissante densité ? La pandémie offre sans doute une pause aux habitants et édiles pour réfléchir et discuter le projet mais la marge de manœuvre est sans doute bien étroite au regard des sommes en jeu.
Les Lumières Pleyel à Saint-Denis : sans limite, vraiment ?
S’il existe un projet qui interpelle par sa taille mégalomaniaque, c’est bien les Lumières Pleyel, lauréat de la première mouture d’un IMGP1 fort dispendieux. Les promoteurs / investisseurs Sogelym Dixence, Européquipements, Crédit agricole Immobilier et Aire développent ainsi pas moins de 176 000 m² (dont 120 000 m² de bureaux et 520 logements), organisé autour d’un parc de 1,5 ha avec une armée d’architectes constituée de Snøhetta, Baumschlager Eberle, Chaix & Morel, Ateliers 2/3/4, Mars Architectes, Maud Caubet et Moreau Kusunoki. Les promesses de vente des 16 lots devaient avoir lieu avant mars 2020. Les permis de construire seront quand à eux nécessairement décalés. Le projet devait initialement s’étaler sur une dizaine d’années. Les investisseurs auront-ils les moyens de porter leur folie des grandeurs plus longtemps encore ?
Hôpital du Val de Grâce, un hôpital touché par la réforme des retraites ?
En 2019, Altarea Cogedim remportait la consultation de cession foncière de l’ancien hôpital du Val de Grâce à Paris avec un projet d’incubateur de start-up autour de la santé, au terme d’un long processus de choix et de désaccord entre les ministères de la Santé et des Armées. Vidé de ses patients depuis 2016, servant de terrain de jeu aux militaires de l’opération Sentinelle, les trois hectares de vide en plein cœur de Paris titillaient déjà les velléités de tous. Depuis l’arrivée du virus à Paris et le criant manque de lits, le devenir de l’ancien hôpital militaire est de nouveau sur le devant de la scène. L’Incubateur Paris Biotech Santé aura-t-il le dernier mot ?
Moralité : Pour ce qui concerne les projets de maîtrises d’ouvrages privées, la ville et les architectes devront demain comme hier se plier aux règles des investisseurs. Rien de nouveau, finalement, à attendre post-pandémie dans ce domaine.
Alice Delaleu