L’affaire Dubois a fait pschittttt au Brésil. L’architecte serait-il un affabulateur ? Ethel Hazel, la psychanalyste, et Dr. Nut, le policier, se seraient-ils trompés ? Science-fiction ?
Psychanalyse de l’architecte : les personnages à l’œuvre
Relire le prologue de la saison 7 (et le résumé des saisons précédentes)
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« Tout ce qu’on rêve est fiction, tout ce qu’on accomplit est science, toute l’histoire de l’humanité n’est rien d’autre que de la science-fiction ».
Ray Bradbury
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Jeudi, 5h00 (heure locale) – Brasilia, Brésil
Dans les pages nationales de O Globo, un article signé José Altafini et titré : Caso Dubois? Veja por que o caso Dubois deu errado (Affaire Dubois ? Voici pourquoi l’affaire Dubois a fait pschittttt)
Que estranha história a do arquiteto Dubois e sua companheira Glória da Silva. Sem dúvida você ouviu falar deles nos últimos dias e talvez tenha visto seus rostos nas telas. Resumindo, Dubois, arquiteto radicado em Paris, veio ao Brasil, com visto de turista, para um passeio arquitetônico pelo país acompanhado de sua amiga Glória da Silva, arquiteta em Florianópolis, no estado de Santa Catarina. Uma estranha combinação de circunstâncias aparentemente fez com que as mortes de mulheres se acumulassem à sua volta enquanto viajavam, até mesmo até Paris, segundo um colega. O que lhes rendeu fama instantânea. No entanto, durante entrevista coletiva realizada ontem na sala de conferências do hotel Brasília Palace, o Sr. Thiago da Silva, comandante de divisão vinculado ao Ministério do Interior brasileiro e diretor do departamento de serviços criminais dedicado a não-cidadãos, Sra. Aïda Ash, policial francesa em Paris a serviço de desaparecimentos perturbadores e Maître Gerson, conselheiro de Gloria da Silva e do arquiteto Dubois, negaram formalmente todas as acusações. Foi explicado cada um dos assassinatos em questão, os culpados já presos. Mais tarde, encontramos Dubois e Gloria no saguão do hotel. Eles concordaram, em inglês, em discutir o assunto conosco por alguns minutos. O mínimo que podemos dizer é que encararam os acontecimentos com distanciamento e humor. “Como se costuma dizer na França, é uma história que virou psicótica”, diz ele. “Ainda é uma história incrível, a realidade é mais estranha que a ficção”, diz ela. Ela duvidou e acabou com medo de Dubois? “Nunca na minha vida”, ela exclamou com uma grande risada e provocando-o. Não, apesar da torrente de ódio derramada sobre eles – pareciam mal se aperceber disso – nunca se sentiram em perigo e puderam continuar a sua viagem mais ou menos como tinham planeado. Sim, eles convidam a imprensa a verificar suas informações, mas entendem que os acontecimentos hoje podem sair do controle com base no menor boato. “Você sabia que um professor na França morreu por causa do boato? », disse Dubois, que se disse mesmo assim encantado com a descoberta do Brasil. Certamente o boato é perigoso… mas, dizem eles, agora estão sobrecarregados com convites de todos os tipos e mensagens gentis. Aliás, aqui está um turista francês que, sem perguntar, terá tido os seus quinze minutos de fama brasileira. Esta é a conclusão de um não acordo. Resta-nos desejar a Gloria e Dubois um final de viagem menos agitado.
Quelle étrange histoire que celle de Dubois l’architecte et de sa compagne Gloria da Silva. Vous avez sans doute ces derniers jours entendu parler d’eux et peut-être vu leurs visages sur les écrans. Pour résumer, Dubois, architecte à Paris, est venu au Brésil, avec un visa touriste, pour une visite architecturale du pays accompagné de son amie Gloria da Silva, architecte à Florianopolis, dans l’État de Santa Catarina. Un étrange concours de circonstances a fait, en apparence, s’accumuler les morts de femmes autour d’eux au fil de leurs déplacements, jusqu’à Paris même selon une consœur. Ce qui leur valut une célébrité instantanée. Cependant, lors d’une conférence de presse tenue hier dans la salle de conférences du Brasilia Palace hôtel, M. Thiago da Silva, commandant divisionnaire attaché au ministère de l’intérieur brésilien et directeur du département des services criminels dédiés aux non-citoyens, Mme. Aïda Ash, policière française à Paris au service des disparitions inquiétantes, et Maître Gerson, conseil de Gloria da Silva et Dubois l’architecte, ont formellement démenti toutes les allégations. Chacun des meurtres en question fut expliqué, les coupables d’ailleurs déjà en prison. Nous avons croisé plus tard Dubois et Gloria dans le lobby de l’hôtel. Ils ont accepté, en anglais, de revenir avec nous sur l’affaire pendant quelques minutes. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils ont pris les évènements avec détachement et humour. « Comme on dit en France, c’est une histoire qui a fait pschitttt », dit-il. « C’est quand même une histoire incroyable, la réalité dépasse la fiction », dit-elle. A-t-elle douté et fini par avoir peur de Dubois ? « Jamais de la vie », s’est-elle exclamée dans un grand rire en le taquinant. Non, malgré le torrent de haine déversé à leur sujet – ils semblaient être à peine au courant d’ailleurs – ils ne se sont jamais sentis en danger et ont pu poursuivre leur voyage peu ou prou comme ils l’avaient prévu. Oui, ils invitent la presse à vérifier ses infos mais ils comprennent que des évènements peuvent aujourd’hui s’emballer sur la moindre rumeur. « Savez-vous qu’un professeur, en France, en est mort de la rumeur ? », a précisé Dubois qui se dit enchanté malgré tout de sa découverte du Brésil. Certes la rumeur est dangereuse… mais, disent-ils, ils croulent désormais sous les invitations de toute sorte et les messages bienveillants. De fait, voilà un touriste français qui, sans rien demander, aura eu son quart-d’heure de célébrité brésilien. C’est ainsi la conclusion d’une non-affaire. Il nous reste à souhaiter à Gloria et Dubois une fin de voyage moins mouvementée.
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Jeudi, 7h10, dans la cuisine d’Ethel, rue d’Auteuil
Depuis la veille et la fin de la conférence de presse, aussi bien la femme que la professionnelle sont tourneboulées. La femme a du mal à contrôler ses émotions contradictoires – elle a mal dormi jusqu’à ce que, dans un demi-sommeil, elle se plonge le visage dans son oreiller et se masturbe longuement en pensant à Dubois – et elle s’en veut de son émoi en suivant les péripéties au Brésil de Dubois, aventures auxquelles elle se sent intimement mêlée avec un mélange d’excitation et de crainte. Pour autant, la psychanalyste, tentant de comprendre ce qui lui arrive, tente de comprendre ce qui arrive à Dubois. Cette réflexion sur son désir l’a amenée à la fiction, c’est-à-dire les fantasmes, propres à chacun, qui ne sont rien d’autre, pour citer l’un de ses profs, « qu’un mode de satisfaction hallucinatoire du désir », ce que chacun comprend aisément. Dubois, un fantasme ? C’est donc avec une forme d’appréhension qu’après un rapide déjeuner avalé sans appétit, elle s’installe devant son ordinateur.
SYNDROME DE LA BELLE AU BOIS DORMANT DE L’ARCHITECTE DUBOIS
Science-fiction
Ethel relit sa dernière phrase. Il me faut donc ici reconnaître qu’en cinq ans je ne suis jamais parvenue à identifier ni la première fois de Dubois – je soupçonne que c’était avant même qu’il soit architecte – ni l’élément déclencheur de cette première fois. Force me faut-il également de constater que son sens du secret – « je ne laisse aucune trace » – se révèle d’une redoutable efficacité. Durant sa garde à vue, un policier expérimenté, Dr. Nut, n’a rien pu obtenir de lui à ce sujet non plus.
À la vérité, y a-t-il eu une première fois ? Il m’arrivait déjà à l’occasion de douter de la réalité de ce que racontait Dubois. Tout ce qui vient de se passer au Brésil, en mondiovision, témoigne qu’en l’occurrence Dubois fut accusé à tort des pires forfaitures et m’invite à envisager que le même processus soit à l’œuvre ici en France. Dubois serait-il un formidable affabulateur ? Et si Dr. Nut avait tort ?
Et si, comme tous mes autres patients finalement, Dubois ne me racontait depuis toutes ces années qu’une série de fantasmes ? La preuve, il ne m’a pas tuée, moi ! Il a eu l’occasion, deux fois. A-t-il même tué quiconque puisqu’on ne retrouve jamais les corps ? Et si même ses semi-aveux n’étaient qu’éléments d’une fiction élaborée dans ses moindres détails, un rêve qu’il se serait construit ? Et si Dubois n’était qu’un affabulateur qui aurait fini par croire en ses propres histoires ?
Peut-être n’est-il que son propre scénariste d’une vie trépidante n’ayant rien à voir avec la vérité de sa routine d’architecte sans originalité parmi des milliers d’autres ? Ou, pire, serait-ce moi qui projette mes propres fantasmes sur Dubois qui ne serait qu’un habile, ironique et pervers conteur d’histoires ?
La question, insistante, déconcerte Ethel. Elle a bien vu pourtant les photos des victimes de l’architecte durant la garde à vue, elle a entendu les arguments de Dr. Nut, mais sa raison et son instinct, son moi et son surmoi, lui parlent maintenant en deux langues différentes. « D’ailleurs, je n’ai vu AUCUNE photo d’un corps ou d’un cadavre et le seul que l’on semble avoir retrouvé est celui de Gina et il a été découvert à Turin, à mille kilomètres de Paris !!! », se dit-elle. « S’il ne me tue pas, peut-être ne tue-t-il personne ? D’ailleurs Dr. Nut et son équipe de limiers n’ont jamais rien pu prouver contre lui au fil des ans. Peut-être est-ce parce qu’il n’y a rien à trouver. C’est d’ailleurs la police française qui affirme désormais haut et fort que Dubois n’est pas un tueur en série !!! ». Confuse, elle tente de reprendre le fil de ses pensées.
L’affabulation, telle que décrite notamment par ma consœur psychanalyste Simone Korff-Sausse, est une voie d’issue qui évite l’effondrement dépressif ou la décompensation psychotique. « C’est le plus souvent un épisode passager, qui laisse place ensuite au développement névrotique normal ; mais quelquefois il s’agit du début d’une organisation psychotique ou perverse », écrit-elle. Une organisation, qu’elle soit psychotique ou perverse, n’est rien d’autre qu’une construction intellectuelle ou mentale. Et qui mieux qu’un architecte pour bâtir un univers fantasmagorique parfaitement construit, solide, où chaque cheminement a été précisément organisé et toutes les hypothèses contextuelles prises en compte ? Sa mère était professeur de lettres et Dubois a souvent fait état de son amour de la lecture. Serait-il un écrivain frustré qui, une fois architecte, aurait créé les éléments d’une aventure incroyable, à la Monte-Cristo, pour éviter l’ennui ? Après tout, mes premières pensées quant au fait qu’il pourrait être un tueur en série sont nées de ses propos, de ce qu’il me racontait. A-t-il su toucher quelque chose en moi, auquel cas il me faut envisager que Dubois m’ait, sinon manipulée, du moins entraînée dans son univers pervers – voire sadique ? – où tout paraît crédible et effrayant, comme l’univers d’Alice au Pays des merveilles ?
D’ailleurs Dubois, s’il s’est montré presque bavard, pour autant ne m’a jamais donné aucune preuve, aucune indication précise pour corroborer la noirceur de ses desseins. Peut-être n’ai-je finalement entendu que ce que je voulais entendre et si j’ai passé deux nuits avec lui, c’est parce que je le souhaitais moi. Et si tout cela était mon propre fantasme ? N’est-ce pas moi qui, la seconde fois, ai mis l’oreiller sur mon visage ? Et si Dubois n’était qu’un formidable acteur ?
Et puis, pourquoi parler d’affabulation ? Peut-être s’agit-il pour lui d’une extraordinaire œuvre d’imagination ancrée dans son réel. Son agence existe, il est divorcé, il a deux enfants, il construit des bâtiments, le tout d’une extrême normalité. Aurais-je donc moi-même mal interprété ses propos ? Est-ce lui qui devrait vendre son scénario à Hollywood ? Non, je ne rêve pas…
Il me faut dire que si l’hypothèse de l’affabulation vaut ici d’être évoquée par acquis de conscience, je n’y crois guère. De fait il y a un précédent d’un architecte assassin, Rex Heuermann, un architecte de New York qui a assassiné plusieurs jeunes femmes au fil des ans et dont les corps étaient découverts sur une plage de Long Island, toujours la même. C’est Dubois l’architecte qui m’en informa.
Citation : Rex Heuermann par exemple est le nom d’un type qui est architecte ET tueur en série. Il a été arrêté à New York, à Long Island, là où vivent les New Yorkais ni trop riches ni trop fameux. Un truc incroyable : architecte à New York, pas loin de la cinquantaine, divorcé, deux enfants, un garçon une fille. Ce pourrait être moi à Paris.
Question : Un tueur en série, dites-vous ?
Citation : Exactement, et pas n’importe lequel. Il est soupçonné du meurtre d’une dizaine de femmes sur une période de plus de vingt ans ! Pouvez-vous croire une chose pareille ?
Question : Et comment les tue-t-il, ce Rex, cet architecte-roi ?
Citation : (j’avais noté : « Dubois presque triomphant ») : C’est là que toute comparaison avec moi s’arrête.
Question : Pourquoi ?
Citation : Parce que ces femmes qu’il tue sont toutes des jeunes prostituées, des pauvresses en somme, sans doute alors heureuses de penser avoir tiré un gros lot avec un architecte de ‘Downtown’. En réalité, on retrouve les corps des filles, battues à mort, les mains liées dans le dos. Certains ne sont plus en entier. C’est terrible. Comment quiconque peut-il faire une chose pareille ?
Ici, Dubois l’architecte établit clairement un lien entre Rex Heuermann, l’architecte américain et ‘serial killer’ comme on dit là-bas, et lui-même mais pour marquer sa distance. Il n’aime pas le miroir que lui tend ce Rex Heuermann. Non seulement lui ne bat ni ne découpe en morceaux les femmes qu’il assassine mais il laisse entendre que ses victimes ne sont pas des « pauvresses » pour reprendre son expression, comme si la qualité de ses victimes rejaillissait sur lui et faisait la démonstration de son talent. En somme, en quelques lignes Dubois faire montre de son mépris pour ce Rex Heuermann, une sorte d’amateur abominable à ses yeux, pour exprimer clairement qu’il n’a rien à voir avec ces méthodes et ne veut pas que, dans mon esprit au moins, il puisse y être associé. Lors de cette séance, il avait apporté une dernière précision, montrant bien à quel point le sujet lui tenait à cœur :
Citation : Je crois que ce qui distingue [Rex Heuermann] en tant qu’architecte, est sa violence et sa méchanceté, comme si en battant et tuant ces femmes il exprimait une volonté de vengeance mauvaise. Ce n’est en effet pas la vocation habituelle d’un architecte. Pour autant, vous savez, les architectes, et avec eux les gens un peu originaux, rencontrent souvent des gens méchants. Peut-être que comme un chien battu et accablé de méchanceté, Rex ressentait de temps en temps le besoin de mordre à son tour et de se montrer plus méchant encore, mais contre les faibles cela va de soi.
Dubois ne porte aucun jugement sur le fait de tuer, c’est la façon de faire qui l’émeut. M’a-t-il raconté tout cela pour m’emmener plus loin dans son délire de dramaturge ou faut-il y voir, comme je fais, les volutes de son activité criminelle ? C’est hélas aussi proche d’un aveu que je suis parvenue.
(À suivre)
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Jeudi 9h17, dans le bureau de Dr. Nut
– Bonjour patron, vous vouliez me voir ?
Heidi Lepelletier – la dernière recrue du 22, le service des disparitions inquiétantes, que tout lemonde appelle désormais Le Nantais, puisqu’il est de Nantes – a reçu ce matin un texto de Dr. Nut lui enjoignant de venir au bureau dès que possible. En arrivant, Heidi a trouvé le service entièrement vide, ce qui est rare, « tous les gars en mission », se dit-il.
– Bonjour Heidi, oui, j’ai deux choses à voir avec toi.
– Dubois ?
– Évidemment Dubois, soupire Dr. Nut.
– Je vous écoute.
– Comment ça se passe avec Oksana, la jeune architecte de l’agence de Dubois ?
– (rougissant) Plutôt bien (il était encore dans son lit la nuit dernière).
– Oui, j’avais compris mais il va falloir que tu prennes tes distances avec elle.
– Pourquoi ? Grâce à elle, je suis super bien introduit à l’agence, personne ne se méfie de moi.
– Justement. Je ne sais pas quand va rentrer Dubois mais il va forcément rentrer après tout le ramdam au Brésil. Tu as vu la conférence de presse ?
– Oui, j’ai vu ma collègue Aïda, que je ne connais pas encore, déclarer que Dubois n’est pas un tueur en série.
Heidi sourit, il a été étonné de découvrir sur l’écran de son téléphone Aïda dont il a tant entendu parler.
– Au Brésil, « pas un tueur en série au Brésil », a-t-elle dit.
– J’ai bien compris qu’elle donnait des réponses de sioux…
– Bref, on continue de chercher des preuves contre lui et d’essayer de retrouver les corps de ces pauvres femmes. Ils sont au courant à l’agence du bazar de leur patron au Brésil ?
– Évidemment. Justement, avec Oksana…
– Écoute. Tu vas devoir mettre fin à ta liaison avec elle, trouve une excuse, tu dois retourner à Nantes, tu as la syphilis ou le SIDA mais tu dois t’éloigner d’elle, pour ta sécurité, et la sienne. C’est un ordre. Pour autant, j’ai une mission à te confier avant le retour de Dubois, tu n’as donc que quelques jours pour la remplir.
– (Curieux) Une mission ?
– Oui. Nous savons – nous pensons – que Dubois garde les corps de ses victimes. Il ne peut pas les garder sur une étagère comme un pot de géranium. J’ai vu le travail qu’il a réalisé à la morgue médico-légale de Paris, un truc étonnant, beau, sensible. S’il est capable d’un truc pareil pour des morts dont il ne sait rien, il y a fort à parier, que ses propres victimes sont « couchées », à défaut d’un autre mot, sur une sorte de piédestal, un « lit » qui doit être particulièrement élaboré – peut-être même chacune a le sien, à son nom. Bref, si l’architecte a pu dessiner cette couche dans ses moindres détails techniques, et même s’il peut le monter lui-même comme un meuble IKEA, il a quand même besoin d’artisans pour réaliser les pièces. Il a fait appel à un bijoutier hors pair pour fabriquer les bijoux qu’il offre aux femmes qu’il assassine, il doit donc s’adresser à des artisans de haute volée, des menuisiers, des serruriers, des tapissiers peut-être, je ne sais pas tout ce qui est nécessaire à la confection d’un cercueil de luxe… Où et qui sont ces artisans ? Pour retrouver le bijoutier…
– Oui je sais, Aïda est allée rendre visite à tous les bijoutiers un par un…
– Tu comprends vite mais il y a peut-être un autre moyen, plus rapide. Dans son agence, il y a une petite salle de documentation avec toutes sortes de catalogues et d’échantillons qui traitent de toutes sortes de matériaux. L’idée serait que tu profites de ces derniers jours pour tenter de recueillir une liste aussi complète que possible des artisans avec lesquels Dubois travaille. Ceux avec qui il travaille souvent, ceux avec qui il n’a travaillé qu’une fois… Cherche en priorité parmi les artisans plutôt de luxe, plutôt solitaires – des petits ateliers dit autrement, etc.
– OK, je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre mais vous pouvez compter sur moi puisque j’avais déjà pris la précaution de copier les clefs de l’agence d’Oksana, au cas où… D’après vous, j’ai combien de temps avant le retour de Dubois et… avec Oksana ?
– Je n’en sais rien, deux jours, une semaine, un mois, mais je pense que nous le reverrons bientôt. Après les évènements au Brésil, il ne peut plus laisser son agence ronronner tranquillement. Surtout si la presse française s’en mêle… Bref, prévois de faire aussi vite que possible. Et dis adieu à Oksana.
– Ok patron, c’est compris, je vous tiens au courant.
– Parfait, merci. À bientôt.
(À suivre)
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Jeudi 15h49 (heure de Brasilia), sur la terrasse du Brasilia Palace Hotel
Aïda compose le numéro de téléphone de Dr. Nut, le bruit ambiant de la terrasse est masqué par un vent léger mais chaud. La chaleur est accablante dans cette ville au milieu du désert. Autour d’elle, Brasilia s’étend pourtant à perte de vue. À la table, en face d’elle, Thiago pianote sur son ordinateur, il doit lui aussi rendre des comptes à son chef.
Dr. Nut répond presque immédiatement :
– Bonjour patron
– Oui Aïda, ça va ? Comment s’est passée votre rencontre avec Dubois et Gloria ?
– Ça va… disons, répond Aïda, la voix un peu tendue. Gloria nous a invités à prendre le café après le déjeuner afin de nous remercier pour la conférence de presse. Nous avions rendez-vous à 14H sur un rooftop, dans un bar – apparemment un de ses projets – très chic, avec une vue imprenable sur la ville. Elle était étonnamment détendue, presque joyeuse, comme si toute cette affaire était un simple malentendu sans conséquence. Par contre, Thiago et moi… on ne faisait pas les malins !
– Je me doute. Continuez.
– On a discuté de tout et de rien : des monuments de Brasilia, de la pression médiatique. Gloria parlait librement, lançant des blagues et détendant l’atmosphère…
Dr Nut, la coupant :
– Et Dubois ?
Aïda hésite un instant :
– Et bien, il était calme, trop calme. Il ne parlait pas beaucoup – la discussion était en anglais, parfois en brésilien quand Gloria s’adressait à Thiago, et inversement. Dubois ne m’a quasiment pas adressé la parole mais il avait ce regard… celui qui cherche à comprendre. Puis il m’a demandé, avec un ton faussement innocent : « On ne se serait pas déjà vus quelque part ? » J’ai senti une bouffée de chaleur mais j’ai répondu en gardant mon calme : « À Paris peut-être, le monde est petit. Ma sœur est architecte, elle m’emmène parfois à quelques vernissages ». (Aïda se souvient avoir immédiatement regretté d’avoir mentionné l’existence de sa sœur architecte, blonde aux yeux bleus). Il a esquissé un sourire : « Non, nous ne nous sommes pas déjà vus à Paris, nous nous sommes croisés ici au Brésil me semble-t-il et, surtout, il me semble avoir reconnu votre voix hier en vous écoutant parler dans le poste ». Texto patron, avec un petit sourire en coin.
– Il a fait le lien avec votre irruption dans l’appartement d’Ethel Hazel. C’était prévisible mais cela signifie qu’il sait désormais que vous étiez réellement sur sa piste.
– C’est possible, répond Aïda dans un soupir. Surtout quand Gloria a plaisanté sur le fait que nous étions partout où ils allaient entre Rio et Brasilia… « AHAHAH », j’imite le rire de Gloria. Dubois a juste esquissé un sourire discret et n’a pas poursuivi ses questions. La réalité est que la situation était vraiment gênante, sauf pour Gloria apparemment qui dit n’avoir jamais cru à la théorie de Dubois tueur en série. « Quelle idée », dit-elle. « En effet, quelle idée », lui a répondu Dubois avec un sourire amoureux.
– Quelle histoire… on n’aurait jamais dû accepter cette proposition !
– L’avocat de Gloria, ce Maître Gerson, a vu tout le parti qu’il pouvait tirer de la publicité et ne nous a pas vraiment laissé le choix, ni aux uns ni aux autres… Il voulait même au départ inviter quelques journalistes et photographes « pour sceller la réconciliation ».
– Je sais mais on aurait pu prétexter quelque chose. Passons, c’est fait maintenant. Comment cela s’est-il fini ?
– Gloria nous a sauvé la mise en continuant à parler, naturellement, en rigolant. Aussi bavarde que nous l’avait indiqué le restaurateur de Paraty. Elle a mentionné la suite de leur projet : retour à Florianopolis demain matin, puis départ pour Paris dimanche, avec une arrivée le lundi. Je lui ai demandé si elle comptait accompagner Dubois et elle a répondu oui, comme si de rien n’était. Elle a même ajouté « peut-être nous recroiserons-nous là-bas AHAHAH’ ». En tout cas, Dubois semble désormais pressé de rentrer. Il a peut-être des affaires urgentes à gérer à son agence mais je pense que c’est plutôt un prétexte pour lui pour sortir de ce tumulte.
– Ok Aïda merci, demandez à Thiago de confirmer l’heure de leur vol ce dimanche. Quant à vous, vous prendrez celui de samedi. Il y a un vol AF à 20h20, pour une arrivée à Paris à 18h dimanche. Je vous fais réserver une place dès que j’ai raccroché.
– Ok et d’ici là ? On les suit à Florianopolis ?
Dr Nut hésite un instant :
– Non, prenez 48 heures de repos au soleil, le temps est pourri ici à Paris et j’ai besoin de vous en forme et prête pour la suite.
Aïda bafouille de surprise à la proposition de Dr. Nut :
– Euh, c’est noté… Merci beaucoup patron !
– De rien mais Thiago et vous devez rester attentifs. Vous et moi savons que Dubois est dangereux.
Aïda, joyeuse :
– De toute façon, il part à Florianopolis et je ne suis pas censée le revoir avant son arrivée à Paris .
– Faites attention par principe, cet homme est retors.
– OK patron, je ferai attention. À bientôt.
Clic
Aïda esquisse un léger sourire. Elle a 48 heures de répit avant le retour en France, deux jours pour enfin respirer, se détendre… et passer du temps avec Thiago ?
(À suivre)
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Vendredi 5h00 (heure locale) – Turin, Italie
Dans les pages Monde de La Stampa, principal journal de Turin, un article signé Lorenzo Antonetti et titré : Affare Dubois: Masquerade in Brasile, nostra informazione esclusiva! (Affaire Dubois : Mascarade au Brésil, nos infos exclusives !)
Nel corso di una conferenza surrealista tenutasi mercoledì in un hotel di Rio, hanno preso il nome Thiago da Silva, comandante di divisione del Ministero degli Interni brasiliano e direttore del dipartimento dei servizi criminali dedicato ai non cittadini, Aïda Ash, agente della polizia francese a Parigi al servizio delle preoccupanti sparizioni, presumibilmente in vacanza in Brasile – e che vacanza quando si tiene una conferenza stampa… – nonché un avvocato, Maître Gerson, che rappresenta gli interessi degli architetti Gloria da Silva, brasiliana, e Dubois l’architetto, French, affermò che quest’ultimo non era affatto il serial killer descritto dalla stampa clamorosa. Tuttavia, interrogate da Bianca Bertoldi, la nostra corrispondente in Brasile, sulla scomparsa di Gina Rossi e Anna Risso, che i nostri lettori sanno hanno lavorato entrambe con Dubois prima di scomparire a Parigi, rispettivamente nel 2018 e nel 2020, M. Da Silva e la signora Ash hanno licenziato la domanda senza rispondere. Né hanno voluto rispondere della morte, ancora oggi misteriosa, della giovane francese Julie Durantin, trovata morta nel suo appartamento all’incirca nel momento in cui Dubois raggiungeva il suo albergo, situato a diverse centinaia di metri di distanza. Secondo Bianca sul posto, sembra che il coinvolgimento di Dubois in questo omicidio sia fisicamente impossibile. Ma esisteva un legame tra Julie Durantin e l’architetto Dubois? Questo è il caso, come abbiamo potuto constatare. Oggi infatti possiamo ricordare che Julie Durantin sembra aver conosciuto Ulysse Dubois, il figlio dell’architetto. Secondo un’indiscrezione raccolta a Parigi, i due giovani hanno avuto una relazione qualche anno fa, un’avventura sentimentale finita in acrimonia e che ha motivato la partenza di Ulisse per il Brasile. Si tratta ancora solo di dicerie, ma la gamma delle presunzioni sta diventando sempre più ampia. Il signor Da Silva e la signora Ash erano a conoscenza di questo legame tra l’architetto Dubois e Julie Durantin al momento della conferenza? Se avete ulteriori informazioni chiamate il giornale allo 0116568304. Discrezione assicurata. Premio per qualsiasi informazione utile.
(Continua)
Lors d’une conférence surréaliste tenue mercredi dans un hôtel de Rio, le nommé Thiago da Silva, commandant divisionnaire attaché au ministère de l’intérieur brésilien et directeur du département des services criminels dédiés aux non-citoyens, Aïda Ash, policière française à Paris au service des disparitions inquiétantes, soi-disant en vacances au Brésil – et quelles vacances quand on tient conférence de presse… – ainsi qu’un avocat, Maître Gerson, représentant les intérêts des architectes Gloria da Silva, brésilienne, et Dubois l’architecte, français, ont affirmé que ce dernier n’était en rien le tueur en série décrit par la presse à sensation. Pour autant, questionnés par Bianca Bertoldi, notre correspondante au Brésil, au sujet de la disparition des deux architectes italiennes Gina Rossi et Anna Rizzo, dont nos lecteurs savent qu’elles travaillaient toutes deux avec Dubois avant de disparaître à Paris, en 2018 et 2020 respectivement, M. Da Silva et Mme. Ash ont évacué la question sans y répondre. Pas plus qu’ils n’ont voulu répondre à propos de la mort, à ce jour toujours mystérieuse, de la jeune française Julie Durantin, retrouvée morte dans son appartement à peu près au moment où Dubois parvenait à son hôtel, situé à plusieurs centaines de mètres. Selon Bianca sur place, il semble que l’implication de Dubois dans ce meurtre soit physiquement impossible. Pour autant, existait-il un lien entre Julie Durantin et Dubois l’architecte ? C’est le cas, comme nous avons pu le déterminer. En effet, nous sommes à même d’évoquer aujourd’hui que Julie Durantin semble avoir connu Ulysse Dubois, le fils de l’architecte. Selon une indiscrétion recueillie à Paris, les deux jeunes gens auraient eu une liaison il y a quelques années, aventure sentimentale qui se serait terminée dans l’acrimonie et qui aurait motivé le départ d’Ulysse au Brésil. Ce ne sont encore que ouï-dire mais le faisceau de présomptions est de plus en plus large. M. Da Silva et Mme. Ash étaient-ils au courant de cette connexion entre Dubois l’architecte et Julie Durantin au moment de la conférence ? Si vous disposez d’informations supplémentaires, appelez le journal au 0116568304. Discrétion assurée. Récompense pour toute information utile.
(À suivre)
Dr. Nut (avec les notes d’Ethel Hazel)
Aïda Ash (avec les notes de Dr. Nut)
* En librairie L’architecte en garde à vue
* En librairie, Le fantôme de Gina
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