Le Tour de France 2023 s’élance de Bilbao en Espagne le samedi 1er juillet 2023 pour une arrivée à Paris le dimanche 23. Comme les équipes de coureurs reconnaissent les étapes en amont, les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques d’architecture, pour leur sixième participation, en font désormais autant. Pour cette deuxième reconnaissance hivernale,* sur le parcours savoyard de la 16ème étape et unique chrono de cette édition entre Passy et Combloux, découverte du Centre de Secours et d’Incendie de Chamonix (Haute-Savoie) signé du Studio Gardoni.
Ce rare chrono alpin arpentera la célèbre côte de Domancy (2,5 km à 9,4 %), qui a vu Bernard Hinault en 1980 y façonner sa victoire au championnat du monde à Sallanches. L’étape, qui voit partir en premier les derniers du classement, laisse du répit aux suiveurs qui pourront, en début de matinée, se rendre à Chamonix. De là, pour s’approcher encore plus du Mont-Blanc, se rendre au Centre de Secours et d’Incendie de Chamonix réalisé par l’agence lyonnaise Studio Gardoni.
Nul besoin de chercher un bâtiment bardé de rouge pour architecte en mal d’inspiration colorimétrique ou un entrepôt métallique désuet, il faudra bien au contraire avoir l’œil vif pour repérer le bâtiment en contrebas de la bien nommée Route Blanche à l’entrée de la ville. Le projet du Studio Gardoni se glisse opportunément depuis sa livraison en 2016 dans la topographie existante en venant dissoudre dans le terrain la plus grande partie du projet pour le soustraire au regard.
« Un centre de secours est une mécanique précise, rigoureuse, où chaque seconde gagnée est importante. Ce nouveau bâtiment y répond scrupuleusement, en ayant su trouver les dispositifs astucieux permettant d’enterrer la remise véhicules et d’effacer la prééminence attendue des voiries pour ce type d’équipement », expliquent les architectes.
La gestion habile des imbrications programmatiques et de leurs relations a permis d’organiser l’ensemble autour d’un plan compact qui dissimule une partie de son programme tout en mettant en scène le grand volume du gymnase. L’organisation intérieure offre partout des échappées visuelles vers les massifs voisins comme autant de respirations nécessaires à cette compacité malicieuse. Des patios couverts permettent aux pompiers de disposer d’espaces de détente projetés sur l’extérieur mais protégés des rudesses du climat local. Il est aisé de les imaginer se reposer d’une longue intervention dans cet espace à la fois intériorisé et intime mais toujours en rapport avec son grand paysage.
L’ensemble, cohérent et efficace, est paré d’une matérialité faisant écho au site. La double présence du cuivre et de gabions inscrit le projet dans une échelle de temps que les architectes évoquent avec emphase : « S’inscrire dans ce site signifie s’inscrire dans le temps. La matérialité de ces volumes a été imaginée dans un process de disparition, de présence du temps ; non pas un temps destructeur mais un temps transformateur ».
Pour les soubassements de l’ouvrage, la transformation est pragmatique, lavoisienne presque, puisque les pierres appareillées sont des galets de la moraine glacière qui traverse le sous-sol du site et qui ont été extraits lors de l’important terrassement de la partie encaissée. Rien ne se perd.
La vêture en cuivre est plus métaphysique et se fond dans l’horizon séculaire de son paysage et de ses transformations lentes. Posé en écailles ou en joint debout en finition brute, le cuivre va au fil du temps passer du brillant au mat, et du doré au brun, comme un signe amical à cet environnement en perpétuel changement.
Cette approche poétique, climatique et temporelle s’accompagne d’une mise en œuvre irréprochable. Les écailles de 43 cm de côté s’enroulent littéralement autour du volume principal par un travail merveilleux de zinguerie lequel, par un pliage opportun et unique à chaque fois, permet à la feuille de prolonger la trame à 45° de la vêture d’une face à l’autre. Point de cornière vissée et étanchée au silicone, juste, et c’est déjà beaucoup, le travail expert des compagnons qui mettent en œuvre le dessein du dessin d’exécution. Pour parachever le tout, les parties en joint debout en sous-face reprennent le pas des écailles pour raccorder l’ensemble et offrir un plaisir de gourmet aux amoureux des mises en œuvre savantes.
La toiture propose une persistance végétale, faite de sedums, qui s’insère avec harmonie dans la typologie des prairies alpines environnantes. Animée par de larges sheds, elle soustrait au regard et protège les engins, entretenus dans un espace généreusement ouvert à la lumière naturelle.
Point de boîtes rouges donc ici, mais bien une architecture territorialisée, qui répond à un besoin d’importance mais consciente de sa responsabilité vis-à-vis du paysage qui l’accueille et de la juste mise en œuvre de matériaux pérennes. L’association du Studio Gardoni avec le Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS 74) démontre que le couplage d’un maître d’ouvrage de qualité, qui essaime sur le territoire nombre de réalisations exemplaires, et d’un concepteur à la hauteur des enjeux produit des résultats merveilleux déjà inscrits dans l’histoire des ouvrages séculaires de la vallée de Chamonix.
Après la visite, les suiveurs pousseront jusqu’au centre de Chamonix et la Casa Valerio pour goûter aux plaisirs entremêlés de ces régions alpines où l’influence italienne est toujours présente. Une pizza de la Ferme de Mont Roc associée à une bière de la Brasserie du Mont-Blanc permettra à nos suiveurs de trouver la force nécessaire pour rejoindre la vallée et remonter jusqu’à Combloux.
Après cette échappée dans l’espace-temps de l’architecture, il sera temps pour les suiveurs de s’en remettre au chrono contemporain, celui de la course, où tout peut se jouer à la seconde près.
Guillaume Girod (en reconnaissance d’étape)
*Pour les suiveurs, retrouver :
– Les reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Le Tour de France contemporain 2022 : Les reconnaissances et les étapes
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018