Il est frappant de voir à quel point la notion de vivre dans un conteneur destiné à contenir de la marchandise s’est imposée à la population. Ce ne sont plus les damnés de la terre ou les étudiants qui sont destinés à y habiter mais des familles entières. Les opérations se multiplient en effet en France et il ne s’agit pas de ‘lofts’ artsy. La preuve en est que désormais les promoteurs ont inscrit la ‘maison-conteneur’ à leur catalogue.
Peut-être avez-vous vu passer l’info, un article dans le journal 20 minutes daté du 6 mai 2016. «Surfant sur cette nouvelle tendance venue des Pays-Bas, le groupe Lamotte accélère la cadence en matière de constructions modulaires. Après la livraison de plusieurs dizaines de maisons-containers individuelles depuis l’an dernier au Rheu près de Rennes, le promoteur planche désormais sur un collectif de maisons construites à partir d’une quarantaine de containers maritimes.
Démarré en octobre 2015 sur la commune de La Chapelle-Thouarault dans la métropole rennaise, le chantier, qui comprend 12 logements allant du T2 au T4 ainsi que 11 maisons individuelles, doit être livré cet automne. Les habitations seront proposées via le bailleur Neotoa à la location pour des foyers aux ressources modérées ainsi qu’en prêt social location-accession».
Un business en plein boum apparemment puisque l’article cite encore Clément Gillet, patron de B3 Ecodesign : «on sort un container par jour, donc on construit une maison tous les quatre jours. Ajoutez à cela deux heures de déchargement sur le terrain et six semaines de travaux d’intérieur et d’extérieur et vous obtiendrez votre maison livrée en moins de trois mois. Et à moins de 1 500 euros du mètre carré».
Mais 1 500 euros du mètre carré, c’est largement le prix du logement social, en dur. Certes, sachant qu’un container fait 36m² et qu’il en faut au moins deux pour faire ici un logement, le gain de surface par rapport au logement social standard est notable. Le loyer de ces m² supplémentaires seront-ils, comme le sont ceux du logement social, indexés sur la surface ? A moins que le fait de vivre dans un container vaille dérogation. Bref, le logement social en container, considérant l’urgence, pourquoi pas à la limite. Mais il est bien question ici d’habitat pérenne puisque le Groupe Lamotte propose ces logements en accession, certes via un prêt social, mais en accession. Du T1 au T5, pour des familles donc.
Sur son site, le Groupe Lamotte propose par exemple à Vern-sur-Seiche (35), en accession, un deux-pièces traditionnel de 42 m² utiles avec terrasse, garage et jardin à partir de 109 000€. Le prix est moindre, certes, environ 90 000€ pour une maison container de 60m² utiles. Des arguments séduisants, du moins en apparence, pour qui, sans être fortuné, souhaite acquérir sa modeste maison ou son modeste logement.
Sauf que la réalité est plus prosaïque. En temps de crise, comment faire pour préserver les marges et continuer à gagner plus d’argent, voire encore plus, quand la solvabilité des classes populaires se réduit inexorablement depuis huit ans ? La matière première étant inépuisable et bon marché, le container doit se révéler être une excellente affaire sinon des promoteurs ne l’inscriraient à leur catalogue.
Pour l’anecdote, ces containers sont assemblés sur le site du constructeur automobile PSA à La Janais, près de Rennes. Par la grâce d’autoCAD ? Le Groupe Lamotte annonce enfin d’autres chantiers en cours du même type. Le principe, éprouvé d’abord sur les très pauvres*, est donc désormais appliqué pour les moins pauvres et ce n’est sans doute qu’une question de temps pour que les classes moyennes déclassées en découvrent les charmes à leur tour. Bref, il semble bien que le logement en container, il va falloir s’y faire.
Le plus triste peut-être est que ces containers de promoteur ne sont rien moins qu’un algéco amélioré alors même que les architectes se sont depuis longtemps approprié la problématique de l’habitat modulaire avec des résultats autrement plus convaincants. Il suffit pour s’en convaincre de (re)consulter les résultats souvent étonnants du concours ‘Architectures Elémentaires’ organisé depuis 2004 par… Algéco !
Quitte à mettre les gens dans des containers, autant que ce soient des architectes qui s’en occupent !
Christophe Leray
*Lire à ce sujet notre article Il fallait auparavant les loger, il faut désormais les stocker