Enia architectes (Mathieu Chazelle, Brice Piechaczyk, Simon Pallubicki) a livré en 2019 l’église de Montigny-lès-Cormeilles (Val-d’Oise), un lieu de culte catholique de 860m² et de capacité modulable de 200 à 400 places. Le montant des travaux, 2,5 M€ HT, couvre également des salles d’enseignement religieux, des espaces annexes pour les célébrations et un logement de fonction. Communiqué.
Nous avons tous à l’esprit un imaginaire de l’église, cet édifice au cœur du centre-ville, entouré de bâtiments resserrés, qui fabrique sa place, qui fait battre le cœur de la ville, tout à côté de la mairie, le bar tabac en face, le cimetière derrière. L’église Saint Joseph, construite pour l’Association diocésaine de Pontoise, maître d’ouvrage, s’inscrit dans un contexte tout autre, un tissu urbain distendu, des pavillons tous différents, tous entourés de leur jardin, pas de place. Une église à cet endroit est d’abord l’espace de la liturgie. La liturgie, par définition est une permanence.
Toutes les églises de l’histoire expriment la culture de leur temps, la pensée de leur temps, la technique de leur temps. L’église est donc un trait d’union, un lien actualisé entre un lieu et un rite, un lien entre une communauté et une histoire, un lien entre une culture et une transcendance, un lien entre terre et ciel.
Pour ces raisons, l’écriture architecturale de l’église de Montigny est simple, mais reconnaissable. Elle a sa propre identité, claire et forte. Bien qu’éloignée de la rue, sa radicalité interpelle, son parvis la relie à la rue et se termine par le campanile. C’est aussi cette simplicité qui permet à l’église d’être expressive.
Un espace central modelé par la lumière
A l’intérieur, on y découvre un imposant narthex, signe de la convivialité de la communauté de Montigny et une nef d’une luminosité rare.
La lumière arrive de partout. Du toit, des côtés, du devant, du derrière. Le plafond ne touche pas les murs parce que la lumière DOIT passer, le mur du chœur s’arrête à 2.8m parce la lumière est là. Le plafond est percé de deux lanterneaux, celui de la lumière de l’autel, celui de la lumière du baptistère, et les murs sont tout autour de l’église scandés de 14 ouvertures, un chemin de croix de lumière. Cette lumière est là pour nous traverser, pour nous réchauffer, pour nous inspirer. Cet espace est très précisément composé, très précisément dessiné, rien n’est laissé au hasard. Comme s’il représentait une quête de la vérité. Un espace mystique.
Au XVI et XVIIe siècle en Hollande, un important courant de peintures d’intérieur d’église a marqué son temps et nous inspire encore. Emmanuel de Witte ou Pieter Saenredam, représentent tout à tour des intérieurs d’église dont la partie haute se compose d’une géométrie parfaite, souvent immaculée et dont les parties basses, toujours habillées de bois abritent une vie quotidienne agitée et particulièrement émouvante.
Les gens y boivent, y conversent, y font la sieste, les enfants jouent, les chiens se reposent… Une incroyable représentation de l’espace public, de l’espace pour tous. Ce n’est pas pour rien que dans le plan de Noli de Rome en 1748 les églises sont représentées en creux, comme des places et des rues, comme si elles étaient une pure extension de l’espace public.
Voici la contradiction que cet espace tente de résoudre : l’église est un espace public et un espace mystique. Il est à la fois le lieu de la fête, de la rencontre et celui du silence et de l’introspection. Il est chaleureux et lumineux, tout l’espace de l’assemblée est revêtu de bois, comme les églises de Saenredam et de Witte, fait pour accueillir la communauté de Montigny dans sa diversité et sa joie. Et cet espace s’étend même vers l’extérieur puisque le fond de la nef s’ouvre intégralement sur le jardin.
Au-dessus de ce bois, un blanc immaculé file vers le haut pour mener vers le ciel et le vitrail de Thierry Boissel rayonne pour ramener le ciel, comme dans la Sainte Chapelle ou la basilique byzantine de Monreale.
Les bancs, réalisés par Perron et Frères, sont fixés au sol en configuration habituelle mais sont démontables par un ingénieux système de glissières. Ainsi, l’espace de la Nef peut être transformé suivant les nécessités des célébrations religieuses qui prendront place dans cet espace.
Le mobilier liturgique
Les formes simples de l’autel, l’ambon, la croix, le tabernacle, le baptistère, les croix de consécration, et le bénitier de l’église Saint Joseph ont été réalisées à l’aide de deux matériaux : la pierre reconstituée mise en œuvre par coulage, et le laiton, utilisé en tôles ou en revêtement sur des pièces en bronze coulé.
L’objectif était de donner de la noblesse à ces mobiliers tout en conservant une géométrie et des teintes leur permettant d’absorber la lumière de l’espace, qu’elle soit diffuse, ou ponctuellement colorée par les lames de verres de la grande verrière.
Trois registres fondamentaux
Prolongeant la composition extérieure et paysagère, l’espace de l’église de Montigny articule en son sein trois registres fondamentaux
L’espace de l’assemblée, matérialisé par le bois omniprésent sous une ligne continue à 2,80 m de hauteur, éclairé par un dispositif spécifique en façade. Ce matériau est rappelé par le plan autonome en plafond, totalement détaché des murs par le dispositif général de lumière indirecte
L’espace mystique, en enduit blanc, qui règne au-dessus des 2,80 m, qui reçoit une lumière abondante qui descend latéralement et reflète une lumière très douce dans l’ensemble de l’espace. Cette blancheur immaculée oriente l’église vers le « vitrail de gloire »
L’espace de gloire, à l’arrière du chœur, matérialisé par un vitrail monumental réalisé par l’artiste français Thierry Boissel. Ce vitrail transforme, convertit la lumière du sud-ouest en une composition dont la finalisation fit l’objet d’un concours d’artistes. En plus de la grande verrière, Thierry Boissel a réalisé les 14 vitraux complémentaires disposés dans le Narthex et dans la Nef et formant Chemin de croix.