Un calendrier législatif accéléré ; démantèlement de la loi MOP ; suppression de l’obligation d’organiser un concours pour la construction de logements sociaux ; création par les bailleurs sociaux de filiales de prestations de services ; prolongation jusqu’en 2012 de la conception-réalisation… La catastrophe annoncée décryptée par le CNOA.
1- Un calendrier législatif accéléré
Le projet de loi ELAN fait suite à la présentation par le gouvernement en septembre 2017 de sa stratégie nationale pour le logement. Son objectif initial était de construire «plus vite, mieux et moins cher» pour répondre à une demande croissante de logements. Il a été soumis à concertation dans le cadre de la conférence du consensus au Sénat, organisée du 12 décembre 2017 au 8 février 2018.
Le projet de loi a été ensuite complété par les dispositions réformant le secteur du logement social.
Il a été présenté en conseil des ministres le 4 avril 2018 puis déposé à l’Assemblée nationale, le gouvernement ayant décidé d’engager la procédure accélérée. Le projet de loi sera débattu en séance publique à l’Assemblée nationale à partir de la fin du mois de mai 2018, puis ce sera ensuite au tour du Sénat de l’examiner.
2- Les principales conséquences du projet de loi ELAN pour la profession
A- Démantèlement de la loi MOP
Demain la loi MOP ne s’appliquerait plus aux ouvrages d’infrastructure situés dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme ou d’une opération d’intérêt national, ni aux ouvrages réalisés dans le cadre d’une concession d’opération d’aménagement.
Surtout, elle ne s’appliquerait plus non plus aux bâtiments réalisés par les bailleurs sociaux (OPH, SA HML, SA coopératives, SEM). Plus précisément, ceux-ci seront dispensés du titre II de la Loi, ce qui viderait de facto celle-ci de son sens.
Tout le logement social sortirait ainsi du cadre vertueux de la Loi MOP, sans plus aucun garde-fou, au risque de reproduire les grandes erreurs du passé pour la qualité de l’habitat.
B- Suppression de l’obligation d’organiser un concours pour la construction de logements sociaux
L’article 28 du projet de loi ELAN prévoit de modifier l’article 5 de la loi de 1977 pour dispenser l’ensemble des bailleurs sociaux de l’obligation d’organiser un concours.
Le concours d’architecture, qui n’est obligatoire que pour les grandes opérations, stimule la création et l’innovation. Il permet la discussion et la production d’un consensus entre les acteurs en amont du projet. En exonérer les bailleurs sociaux les prive de la capacité à s’assurer de la qualité des constructions sans leur permettre pour autant de construire moins cher, et certainement pas, de construire mieux.
C- Création par les bailleurs sociaux de filiales de prestations de services intervenant dans le champ concurrentiel
La loi ELAN permettrait à l’ensemble des bailleurs sociaux de créer des filiales, sans aucune précision concernant les règles et modalités de constitution de ces structures.
Ces filiales seraient en concurrence directe avec les prestataires de droit privé et auraient pour objet de :
– construire, acquérir, vendre ou donner en location des équipements locaux d’intérêt général ou des locaux à usage commercial ou professionnel, gérer des immeubles abritant des équipements locaux d’intérêt général et des locaux à usage commercial ou professionnel ;
– réaliser des prestations de services pour le compte de syndicats de copropriétaires ;
– réaliser pour le compte des collectivités territoriales ou leurs groupements des études d’ingénierie urbaine ;
– fournir des services d’animation sociale, de veille, d’aide aux démarches et d’accompagnement aux personnes âgées ou en situation de handicap locataires ou occupants d’un logement social répondant à des besoins non ou partiellement satisfaits.
D- Prolongation jusqu’en 2021 de l’autorisation pour les bailleurs sociaux d’utiliser librement la conception-réalisation
Le projet de loi Elan propose d’étendre l’autorisation dérogatoire donnée aux bailleurs sociaux d’utiliser la procédure de conception-réalisation jusqu’au 31 décembre 2021.
Pour justifier cette extension de l’autorisation, l’étude d’impact du projet de loi avance des chiffres sur la maîtrise des coûts et des délais de cette procédure qui sont manifestement faux et contradictoires avec ceux, par exemple, de l’observatoire immobilier de la santé ou du CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable).
E- Enfin, le projet de loi prévoit un regroupement des bailleurs sociaux à compter du 1er janvier 2021. Sont concernés les organismes HLM ou SEM agréées qui gèrent moins de 15 000 logements sociaux et les SEM dont le chiffre d’affaires moyen est inférieur à 50 millions d’euros.
NB. Retrouvez plus d’informations sur les principales conséquences du projet de loi ELAN dans les prochains Cahiers de la profession, à paraître en avril
3- La mobilisation de l’Ordre et de la profession
Dès l’annonce du projet de Loi à l’automne dernier, le Conseil national de l’Ordre a émis des propositions pour la qualité du logement et notamment du logement social, qu’il a ensuite développées et enrichies lors de sa participation à la Conférence de consensus
Face à l’absence de concertation de la part Gouvernement sur les sujets du projet de loi évoqués ci-dessus – les mesures concernant les bailleurs sociaux n’ont été dévoilées qu’après la conférence de consensus -, le Conseil national et les conseils régionaux de l’Ordre ont décidé d’organiser sur l’ensemble du territoire une journée nationale d’actions et de débats, le 17 mai.
Cette journée permettra de donner la parole à l’ensemble des acteurs de la production de logements – élus locaux, bailleurs sociaux et promoteurs, professionnels de la maîtrise d’œuvre et de la construction – et aux associations d’habitants.
Le CNOA réunira les acteurs du Logement concernés dans le courant du mois d’avril pour permettre le plus large partage des préoccupations liées à la qualité de l’habitat et le plus grand impact de la mobilisation du 17 mai.
Parallèlement, le CNOA consulte de nombreux parlementaires pour les sensibiliser aux dangers que des réformes présentées comme « de simplification » font courir au cadre de vie de demain. Parmi les parlementaires déjà rencontrés ou avec lesquels des rendez-vous sont organisés :
Dominique ESTROSI SASSONE, sénatrice LR des Alpes-Maritimes
Jennifer de TEMMERMAN, Députée REM du Nord
Anne BRUGNERA, Députée REM du Rhône
Barbara BESSOT-BALLOT, Députée REM de la Haute-Saône
Raphaël GERARD, Député REM Charente-Maritime
Noëlle RAUSCENT, Sénatrice REM de l’Yonne
Sonia de LA PRÔVOTE, Sénatrice UC du Calvados
Sylvie ROBERT, Sénatrice PS d’Ille-et-Vilaine
Jean-Luc LAGLEIZE, Député MDM de la Haute-Garonne
Marguerite DEPREZ-AUDEBERT, Députée MDM du Pas-de-Calais
Sandra MARSAUD, Députée REM de la Charente
Raphaël GERARD, Député REM de la Charente-Maritime
Nathalie SARLES, Députée REM de la Loire (collaborateur)
Barbara POMPILI, Députée LREM de la Somme (collaboratrice)
Alain PEREA, Député LREM de l’Aude
Richard LIOGER, Député LREM de la Moselle
Audition par le groupe REM au Sénat
Audition par le groupe LFI à l’Assemblée nationale
Alessandro Banchi