Le paysage du film Les Misérables est en pleine mutation. Le Chêne pointu, ce quartier de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) est le coeur de cible de la première opération en France de requalification des copropriétés dégradés d’intérêt national (ORCOD-IN). Réhabilitation, destruction et gestion de l’attente. Présentation.
Contrairement aux apparences, le film de Ladj Ly ne se passe pas dans une cité HLM mais dans un quartier composé de deux copropriétés : le Chêne Pointu et l’Etoile du Chêne Pointu, 1520 logements construits à Clichy-sous-Bois dans les années 60.
D’ici l’horizon 2030, 1 240 logements vont être démolis pour créer un coeur de ville composé de nouvelles unités résidentielles plus petites. Missionnée pour des travaux de «gestion de l’attente» dans l’intervalle qui sépare le début de l’ORCOD-IN et la livraison finale, l’agence SOL Architecture et Urbanisme, fondée en 2008 à Pantin (Seine-Saint-Denis) par Hélène Reinhard, agit pour améliorer, en attendant, les conditions de vie des résidents.
«Aujourd’hui l’abattement général des habitants du quartier est palpable. Les problèmes sont multiples et se renforcent les uns les autres : incivilités, sentiment d’insécurité, espaces communs surinvestis et très dégradés, nuisances sonores et hygiéniques, ascenseurs en panne, développement des activités illicites», relève Hélène Reinhard. «Dans ce contexte complexe, nous travaillons à ce que la mutation du quartier soit profitable aux habitants tout au long de ces dix prochaines années», dit-elle.
Le quartier va connaître en effet de profonds bouleversements dans la décennie à venir : d’un lieu vétuste, éloigné, appauvri, il va devenir un coeur de ville inséré dans l’agglomération. L’inauguration du tramway T4 en décembre 2019 en est le point de départ. Pourtant cela ne se fera pas sans douleur pour les habitants actuels, dont les plus anciens ont connu 50 ans de spirale infernale. Sans compter qu’une partie d’entre eux ne vivra jamais dans le quartier transformé.
Au-delà des urgences techniques, pour redonner de la valeur aux personnes et au patrimoine, SOL Architecture et Urbanisme propose donc des actions d’urbanisme transitoire (activer les rez-de-chaussée en transformant les appartements en locaux d’activités ; insuffler une dimension artistique dans le quartier en transformant les façades des rez-de-chaussée et les halls et les cages d’escalier en support d’initiatives artistiques et culturelles) pour renforcer la cohésion sociale dans les espaces communs du quartier.
L’agence organise également des rencontres avec les habitants afin de les fédérer sur le devenir de leur immeuble, «qu’ils posent des mots sur leurs problèmes et puissent penser l’avenir de leur lieu de vie», souligne Hélène Reinhard.
C’est l’EPFIF (Etablissement Public Foncier d’Ile-de-France) – en charge de cette opération – qui a missionné SOL Architecture et Urbanisme pour les travaux de «gestion de l’attente» de bâtiments voués à la démolition et pour la réhabilitation de bâtiments conservés. Tous ces immeubles ont été construits dans les années 60 par Bernard Zehrfuss, architecte grand prix de Rome.
Selon leur type, deux destins sont prévus :
– démolitions à court, moyen ou long terme pour les grandes barres de dix/onze étages ;
– réhabilitation et maintien dans le parc privé pour les petites barres de quatre étages.
«Si l’on veut conserver quelques traces du Chêne Pointu tel qu’il existe depuis 60 ans, il va s’agir de faire peau neuve de cette architecture. Rénover, réinventer, avec respect mais sans interdit», conclut Hélène Reinhard. Pour les bâtiments conservés, SOL Architecture et Urbanisme propose donc un projet de transformation qui permettra de favoriser au mieux leur insertion dans le futur quartier et d’être à même de soutenir les évolutions futures.
L’éveil du chêne pointu # R+10 – Urbanisme transitoire pour les grandes barres
Equipe : SOL, BE ALterea, Paysage Mira ; maîtrise d’ouvrage : EPFIF et AJAssociés ; budget travaux : 8.3m € ht ; surface : 45 855 m² (602 logements)
Au-delà des urgences techniques, le projet de gestion de l’attente implique de commencer la transformation sociale avant la fin de la métamorphose du bâti, de faire en sorte que l’on vienne au Chêne Pointu pour y trouver quelque chose que l’on ne trouve pas ailleurs.
Pour cela l’agence a identifié cinq leviers : fédérer les habitants et les acteurs ; créer de l’activité économique ; favoriser l’épanouissement ; insuffler la dimension artistique ; reconnecter au végétal, à la biodiversité et au paysage
Pour que ces leviers puissent être activés, les travaux prévus dans le cadre du plan de sauvegarde doivent être dirigés, en plus des bâtiments, également sur les espaces à vocation publique. Cette proposition se décline en quatre axes :
• AXE 1 : les rez-de-chaussée actifs
• AXE 2 : le chêne artistique
• AXE 3 : le retour du bois habité
• AXE 4 : le micro-commerce
Ces quatre axes visent tous à renforcer la cohésion sociale dans les espaces communs. «Pour atteindre ce but, nous avons pris deux partis : accentuer la vocation publique et commune de certains espaces pour répondre à leur usage actuel ; résidentialiser d’autres espaces pour que les habitants retrouvent leur tranquillité», indique Hélène Reinhard.
En fin de compte, cette proposition s’articule autour de la dynamisation de certains espaces et l’apaisement d’autres, avec une volonté de connecter ces lieux ensemble ; aller dans le sens de ce qui fonctionne déjà de manière informelle tout en freinant les pratiques éprouvantes. Formaliser les usages sans les éteindre.
Plus de détails : https://www.sol-architecture.com/l-eveil-du-chene-pointu-r-10
L’éveil du chêne pointu # R+4 – Réhabilitation pour les petites barres
Equipe : sol, be alterea, paysage mira ; maîtrise d’ouvrage : EPFIF et AJAssociés ; budget travaux : 11.3M € ht ; surface : 10 998 m² (150 logements)
Il s’agit de la transformation des immeubles R+4 avec un projet de rénovation lourde des façades afin d’assurer le confort thermique et pour donner à voir ces bâtiments d’une nouvelle manière. C’est aussi un projet de résidentialisation, conformément au modèle du futur projet urbain, qui permettra une réelle appropriation des espaces extérieurs par les habitants de ce nouvel ensemble, à échelle plus humaine.
Ce travail de résidentialisation amène à retravailler ces espaces végétalisés et permettra d’en faire de réels réservoirs à biodiversité, en lien avec le Mail du petit tonneau, la fosse Maussoin et le reste du territoire à grande échelle. «Nous voulons que les habitants prennent part à cette transformation, en soient fiers et puissent dire ici c’est chez moi !», indique Hélène Reinhard.
Cette proposition vise à revaloriser entièrement les R+4, par la mise en sécurité, par l’augmentation du confort, par le renforcement de la végétalisation, par l’émergence de points de rencontre entre les habitants. C’est un quartier revitalisé à même de soutenir les évolutions futures.
«Pour que cette réappropriation puisse avoir lieu, il est nécessaire de réorganiser et rationaliser les locaux communs, et de créer de réels espaces de rencontre. Les totems – ensembles mobiliers répartis sur rue – viendront créer l’intimité nécessaire pour permettre de nouvelles pratiques», explique Hélène Reinhard. Des bancs et des espaces plantés fourniront aux habitants des espaces statiques et de loisirs.
Le travail des façades, qui s’enrichira des ateliers avec les habitants, s’appuie sur un jeu de mosaïques de couleurs et de motifs utilisant la céramique, le bois et les enduits, pour un univers à la fois chaleureux, inspirant, à dimension familiale, d’une inspiration presque méditerranéenne.
Plus de détails : https://www.sol-architecture.com/l-eveil-du-chene-pointu-r-4