L’EPA Nice Ecovallée vient de fêter ses 10 ans. Au programme, les livraisons du PALAZZO MERIDIA d’Architecture-Studio, de l’IMREDD de Marc Barani ou encore de l’ANIS imaginé par Nicolas Laisné et Dimitri Roussel. Une actualité propre à poser un premier regard sur l’avancement des projets menés par l’aménageur, Olivier Sassi. Rencontre.
Administrée jusque dans les années 1860 par les Turinois, la ville de Nice bénéfice d’un contexte historique riche marqué sur les pavés de la ville. La cité balance entre une ville basse à l’image méditerranéenne dans laquelle s’imbriquent placette et végétation et une urbanité beaucoup plus dessinée, tramée sur un plan hippodamien par les Italiens.
« Ils ont inventé avec 50 ans d’avance l’urbanisme de projet », indique Olivier Sassi, l’actuel directeur général de l’EPA Nice EcoVallée, comme pour mieux ancrer les choix urbains de la décennie.
« Pourtant, pendant de nombreuses années, l’essor de la Côte d’Azur et de sa qualité de vie en parallèle du développement de l’activité touristique et de recherche ont paradoxalement provoqué des non-choix dans la politique d’aménagement », déplore-t-il. Une prise de conscience qui a déjà eu lieu, et qui passe par un retour aux fondamentaux de la qualité de vie pour attirer de nouveaux habitants, plus jeunes, plus urbains, plus dynamiques.
Dans un premier temps, il s’agissait selon lui d’offrir une vision plus « intégrante » de la ville. Avec la création du passage du Paillon, la rivière couverte historique est devenue un mall végétalisé et urbain et, par voie de conséquence, un lieu d’appropriation spontanée. Aux grands maux, un grand remède : l’appropriation par les citoyens. Dans une ville aussi surveillée, d’aucuns se demandent s’il n’y a pas du placebo dans l’air.
Heureusement, le travail de l’aménageur ne se résume pas à une avenue ombragée. Nice jouit de multiples qualités pour une ville dont les ambitions vont bien au-delà de l’omniprésence métropolitaine. Un aéroport international, des manifestations au rayonnement mondial plusieurs fois dans l’année, des clusters d’enseignement et de recherche, un potentiel paysager unique, des frontières européennes accessibles à vol d’oiseau, le tout en limitant les nuisances sur la ville.
Pour assoir le capital sympathie du territoire et attirer les 30 000 nouveaux habitants souhaités, il ne fallait pas seulement tabler sur le tourisme, qui apporte certes richesse, mais reste peu efficient en termes de développement dans la course à la métropole la plus dynamique. Surtout pour une ville située entre Marseille et Lyon, la grenouille devait se doter de bien plus de mots pour se faire aussi grosse que le bœuf.
Ce pourquoi en 2008, Christian Estrosi alors ministre de l’Aménagement du Territoire et nouvellement élu maire de Nice, avait demandé à l’Etat de conférer au projet ÉcoVallée de la plaine du Var – 122 800 habitants, 10 000 hectares, 60 000 emplois – le statut d’Opération d’Intérêt National (OIN). « L’OIN est un formidable outil de gestion de consensus ; à cheval entre la ville, la région et l’Etat, il allie les énergies locales et la pérennité de l’Etat », souligne l’aménageur. La création de l’EPA Nice EcoVallée suit de près comme bras armé des ambitions locales.
Comme à Strasbourg ou à Bordeaux par exemple, ayant également eu recours à l’outil OIN de gestion de leur grand territoire, les axes de développement à la fois économique, urbains et paysagers restent efficaces : réparer et préserver un territoire aux richesses naturelles manifestes, en empiétant a minima sur les terres arables en fait partie.
« Nous produisons des pensées stratégiques et environnementales qui ne s’opposent pas afin d’arrêter le grignotage du paysage. Nous déclassons des espaces constructibles, nous fermons des zones urbaines pour renforcer la nature et l’agriculture. Le PLU permet d’augmenter de 80 hectares les zones agricoles et de 35 hectares les zones naturelles. Les parcs, ces zones vertes qui parcourent le périmètre, incorporent des innovations pour traiter les eaux pluviales », justifie Olivier Sassi. En ces temps où l’écologie est devenue un outil politique, il est toujours utile de le préciser.
Pour attirer les nouveaux urbains et donc les investisseurs, les aménageurs et politiciens ont bien compris qu’il fallait offrir une ville relativement compacte (pour ne pas dire dense), avec des commerces et des espaces publics standardisés sur des modèles métropolitains. Un magasin livrerait en kit prêt à monter les placettes des villes 2020 ne serait qu’à moitié étonnant.
Quitte à reproduire quelques erreurs vues ailleurs ? Nice se targue en effet de la grande qualité de son réseau de transports publics aux échelles locales mais aussi internationales. Pourtant, autour du pôle multimodal signé AREP, l’urbanisme très minéral, voire sculptural, dessiné au cordeau, sans une once de verdure par l’architecte catalan Josep Lluis Mateo semble aux antipodes du discours de l’édile. A croire qu’il fallut ici choisir entre la subtilité d’un urbanisme qui œuvre à une trame urbaine puissante pour accompagner la mobilité dans la ville et un urbanisme spontané, végétalisé dans l’air du temps des bulletins de vote.
C’est ainsi que JL Mateo s’est vu remplacé par François Leclercq, urbaniste « de l’usage » selon l’aménageur, histoire d’y apporter de la verdure et de l’animation au niveau des rez-de-chaussée. A Nice, comme ailleurs donc, point de culpabilité à échanger les professionnels au fil des saisons, des affinités et des modes.
Lors de cette première phase, les architectes élus n’étaient pourtant pas de grands « végétalistes ». Marc Barani, SCAU, François Leclercq, Arquitectonica restent des agences très minérales.
A Nice Mérida, le quartier des Start-up, 5 000 nouveaux habitants sont attendus pour concilier vie quotidienne et cluster de recherche. Là aussi les signatures ne manquent pas Architecture-Studio, Laisné-Roussel, Corinne Vezonni, Chaix & Morel, AIA, … Les premières livraisons sont d’ailleurs des succès comme l’Institut méditerranéen du risque de l’environnement et du développement durable (Imredd) livré par Marc Barani il y a quelques semaines ou le Palazzo Mérida imaginé par Architecture-Studio, première tour de bureaux en structure bois (R+9).
Avec le retour des entreprises et des investisseurs, les majors de la promotion privée sont aussi revenus sur le territoire niçois. Néanmoins, contrairement à Bordeaux par exemple, à Nice c’est l’EPA qui fixe ses charges foncières ce qui permet de contrôler un tant soit peu les prix de sortie des logements pour lesquels la cible avouée reste le sacro-saint « primo-accédant ».
Ainsi la publicité autour d’un nouveau bâtiment se joue aussi sur le projet. Miracle ?! A Nice s’offrir Jean Nouvel ne coûte « que » 3 400€/m², dans une ville dans laquelle le prix moyen du m² oscille entre 3500 et 5000 €/m². Si l’avion ne gagne pas une heure depuis Paris, la spéculation foncière devrait demeurer moins virulente qu’ailleurs.
Parmi les fiertés en cours, Joia Méridia. Un gigantesque macro-lot de 73 500 m² de logements, hôtellerie, bureaux et commerces autour d’une place pour « proposer une relecture de la ville méditerranéenne adaptée aux usages d’aujourd’hui », explique l’aménageur. Pour cela, pas moins de sept agences d’architecture avaient été missionnées : Lambert-Lenack à la coordination, Sou Fujimoto à la tour signal, Laisné-Roussel pour le bureau de nouvelle génération (ANIS) accompagné de l’italien Cino Zucchi, du marseillais Roland Carta et des agences parisiennes Anouk Matecki et Chartier-Dalix.
Aménageur, élu et architectes s’accordent à dire que ces bâtiments de 50 mètres de haut n’ont pas vocation à devenir tous des signaux. Difficile à croire quand, une fois de plus, les ambitions de la ville sont replacées dans la course aux métropoles les plus attractives de France et d’Europe. Sinon, pourquoi encore faire travailler les mêmes architectes que partout, qui déploient encore les mêmes recettes, tant en positif qu’en négatif, sans encore s’offrir la clairvoyance d’un regard critique sur ce qui se fait ailleurs ? Avec dix ans de recul, certaines zones aménagées livrent déjà leurs forces et leurs faiblesses, à la fois en termes de densité urbaine que d’architecture signale ou de végétalisation hasardeuse.
Cela écrit, en cette dixième année, les chiffres parlent d’eux-mêmes pour révéler le succès de l’EPA Nice EcoVallée. Investisseurs et habitants sont au rendez-vous et montrent que les nouveaux quartiers, indissociables de l’urbanisme qui les organise, restent porteurs de dynamiques d’emploi locales.
Alice Delaleu