Nouvelle garde de l’architecture en France, faite d’assurance et de partis-pris formels, esthétiques et théoriques, NP2F a reçu de la part de l’agence parisienne AS. Architecture-Studio une invitation à venir présenter le 9 mars 2016 son travail lors des ‘Mercredis d’AS’ devant une assemblée essentiellement composée du jeune bataillon d’architectes multilingues de l’agence internationale. Rencontre.*
Il faut dire que le parcours des quatre jeunes architectes à la tête de l’agence parisienne NP2F (François Chas, Fabrice Long, Nicolas Guérin et Paul Maître-Devallon) pourrait susciter quelques vocations et des élans de liberté parmi les effectifs de la rue Lacuée. En effet, à peine dix ans après leur sortie de l’école d’architecture, NP2F a déjà été lauréat Europan 2009 en Suisse, des AJAP 2010 tandis qu’ils viennent tout juste d’être lauréat du grand prix d’aménagement en terrain inondable constructible.
Diplômés en 2006 de l’ENSA-Malaquais, c’est pourtant sur les bancs du lycée que se sont rencontrés ces quatre sudistes (deux Marseillais et deux Niçois) qui comptent d’ores et déjà quelques succès prometteurs dont, avec OFFICE, la Caserne de Reuilly, un programme de 120 logements (APD en cours) ou un restaurant scolaire en chantier dans le Var. Le Centre national des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne a par ailleurs été livré, en équipe avec Caractère Spécial (mandataire), en septembre 2015 avec succès.
Tout en poursuivant leur formation dans des agences renommées (AUC, Herzog et de Meuron, Lacaton & Vassal notamment), Nicolas, Paul, Fabrice et François fondent dès 2007 NP2F et tentent crânement leur chance lors de concours ouverts (des logements étudiants à Athènes, le musée de la mode à Tokyo ou un écoquartier à Lausanne). C’est pourtant auprès de maîtrises d’ouvrage privées qu’ils commencent à construire (une maison à Boulogne ou un appartement à Paris).
En 2010, NP2F est lauréat des AJAP, ce qui ne gâte rien, et l’agence est retenue en 2011 sur le concours pour la réhabilitation du Centre national des Arts du Cirque. «Il est difficile de quantifier l’incidence de cette récompense», explique François Chas. «Notre architecture a toujours été force de propositions et il y a eu pour ce concours une convergence de plusieurs éléments, évidement Caractère Spécial d’abord, qui était déjà largement reconnu pour ce type de programme», poursuit-il.
«Nous avons une envie de faire, une grande motivation. Il est vrai qu’à quatre nous sommes plus proactifs et nous pouvons nous interroger ensemble sur des projets de taille conséquente. A quatre, nous avons une force de frappe plus importante, qui nous permet de ne pas nous spécialiser. En revanche, les décisions sont parfois plus difficiles à prendre que lorsqu’on est seul !», analyse l’architecte.
Cependant, la représentation graphique de leur projet reste la partie sur laquelle tous s’entendent au mieux. En effet, à l’heure où les rendus de concours peuvent difficilement se passer de perspectives photoréalistes, dont la véracité peut parfois laisser perplexe, NP2F milite pour le trait et le dessin. «Notre volonté et de limiter l’esbroufe que peut susciter l’utilisation des perspectives», dit-il. Si le dessin permet de saisir la complexité d’un projet, il demeure cependant un moyen de rendu, un outil au service du projet, insiste-il. «Nos compositions doivent laisser la place à l’ouverture et à l’interprétation d’une part et également laisser libre court à la discussion. En effet, lors d’un concours, tout n’est pas arrêté, rien n’est réellement décidé. Il s’agit de faire preuve une certaine honnêteté intellectuelle vis-à-vis du maître d’ouvrage», ajoute NP2F.
Une autre particularité de l’agence est que les quatre associés se sont approprié le sport comme une clé de lecture de la ville, ouvrant ainsi une réflexion à la fois architecturale, urbanistique et sociale. Ayant eux-mêmes pratiqué le foot dans les rues pendant leur adolescence, ils considèrent que le sport permet de rendre la ville accessible au plus grand nombre, d’apporter de la mixité dans les échelles traitées et de susciter un brassage social. En 2014, ils présentent sur ce thème une exposition intitulée SportS au Pavillon de l’Arsenal à Paris en association avec Thierry Mandoul. Selon eux, tous les sports doivent pouvoir cohabiter dans la ville, à l’image notamment des practices de golf et de squash qu’ils ont projetés sur le projet finaliste Pitet-Curnonsky dans le cadre de Réinventer Paris en association avec OFFICE.
Le sport, un univers de règles et de pratiques normées, est paradoxalement selon eux parfaitement adaptable à la ville. «Mettre à profit les espaces vides qu’il s’agit de programmer sportivement apporte alors aussi une réponse à la résidentialisation ; en jouant sur les vides et les pleins, l’équipement sportif contrebalance l’habitat», expliquent-ils. Les terrains de sport urbains mutent selon la spatialité dont ils disposent, ce qui permet de démultiplier les espaces possibles comme les façons de jouer. «La Ville de Paris est un terrain de jeu insolite», constate François Chas. En effet, c’est une des communes les mieux équipées au km², en revanche elle est l’une des moins pourvues au regard du nombre d’habitants. «Financièrement, le sport, à l’échelle de l’habitat, reste un des éléments déficitaires dans l’aménagement des villes, compliquant ainsi son implantation alors qu’il peut contribuer à une urbanité maîtrisée lors de la fabrication de la ville», regrettent-ils. L’équation n’est pas seulement financière, persuadés qu’ils sont qu’il s’agit seulement parfois de «créer des moments dans la ville».
La question du sport habite d’ailleurs l’opération d’urbanisme d’Alfortville (94) tandis que les quatre architectes travaillent, avec l’AUC mandataire, aux aménagements urbains autour du grand stade de Rugby de la Fédération Française de Rugby à Ris-Orangis (91) (dont l’avenir est incertain. NdE).
Cela écrit, à trop théoriser, s’ils participent à nombre de concours, ils construisent encore peu. L’architecture est un sport difficile et les maîtrises d’ouvrage de sévères arbitres !
Léa Muller
*Mise à jour le 16 mars 2016