Compte tenu des débats à l’ordre du jour 2020 de la session plénière du CNECEA (Commission Nationale des Enseignants-Chercheurs des Ecoles d’Architecture), les signataires souhaitent revenir sur le sujet des décharges pour recherche et leur impact sur le fonctionnement et les dysfonctionnements des écoles d’architecture. Lettre ouverte.
Trois ans après leur mise en place, il serait temps de construire un premier bilan statistique de ces décharges.
A qui sont-elles attribuées ? Comment sont-elles réparties par champs disciplinaires ?
Sont-elles systématiquement distribuées aux mêmes profils d’enseignants ?
En quoi les recherches ainsi aidées sont-elles ou non – liées à l’enseignement du projet ?
Comment encourager les enseignants praticiens à s’inscrire eux aussi dans des démarches de recherche à développer dans les ENSA : sur les matériaux ? les réinventions typologiques, les processus de chantier ? le développement durable ? l’intelligence artificielle ?
La multiplication des décharges, nous l’avons tous déjà constaté, a eu pour conséquence de démultiplier le nombre de postes et de demi-postes d’enseignants associés « remplaçants ».
De quels champs et disciplines relèvent-ils ?
Avec le recul, on peut déjà constater que la part des enseignements non directement associés au projet et la place des chercheurs progressent chaque fois davantage dans les écoles d’architecture, les instances élues (CFVE), les commissions de recrutements et, par conséquent, au sein même du CNECEA.
Dans les conditions actuelles, nous avons très peu de praticiens qui peuvent prétendre à des décharges et, en termes de recrutement, on constate de plus en plus souvent que les postes de TPCAU de catégorie 2, sont pourvus in fine par des chercheurs de catégorie 1.
Cette facilité à postuler pour la catégorie 2 est asymétrique mais elle permet, dans l’année qui suit leur intégration, de demander une dispense.
Nous pouvons aussi évoquer la libre circulation entre différents champs en fonction des postes proposés, une année on peut postuler en SHS, STA ou VT, l’année suivante en TPCAU… Il n’y a pas non plus de vice-versa …
Ce système a déjà produit un dérèglement des équilibres internes dans la représentation, la hiérarchie et la place que chaque discipline doit occuper dans l’enseignement de l’architecture.
La conséquence directe est la disparition progressive des enseignants …. TPCAU de projet, et la nette réduction de la présence des architectes praticiens.
Cela représente un véritable danger pour la formation de nos futurs architectes, car cette « évaporation » des praticiens s’accompagnerait d’une baisse de la qualité des projets dont l’enseignement doit rester la materia prima des Ecoles.
Si nous voulons que les architectes que nous formons conservent leur niveau international, qu’ils continuent à participer activement et concrètement aux débats futurs, à réfléchir sur les mutations de nos sociétés, aux enjeux climatiques, à la réinvention typologique de nos modèles, les écoles doivent à la fois :
– se nourrir des savoirs analytiques, critiques, historiques ;
– encourager les praticiens qui enseignent le projet à engager eux aussi des démarches de recherche par ou avec le projet ;
– assurer clairement la transmission de savoirs opératoires et constructifs, indissociables des processus de conception.
L’architecture est autant une culture et une discipline, qu’un métier et une tradition… de bâtisseurs.
Signataires membres du CNECEA :
Xavier Gonzalez, Architecte DPLG, Professeur TPCAU, membre de l’Académie d’Architecture
Marc Mimram, Architecte DPLG, maître ès-sciences mathématiques, ingénieur diplômé de l’École Nationale des Ponts et Chaussées, Professeur TPCAU
Pascal Chambart de Lauwe, Architecte DPLG, Professeur TPCAU
Philippe Madec, architecte DPLG, urbaniste, Proesseur TPCAU, membre de l’Académie d’Architecture
Marie-Hélène Badia, Architecte DPLG, Maître de Conférences TPCAU
Sophie Delhay, Architecte DPLG, Maître de Conférences TPCAU
Bernard Desmoulins, Architect DPLG, Maître de conférences TPCAU
Delphine Désert, Architecte DPLG, Maître de conférences-Docteur phD
Nathalie Régnier-Kagan, Architect DPLG, Maître de Conférences TPCAU
Philippe Villien, architecte DPLG, Maître de Conférences, Docteur en architecture, chercheur associé dans le laboratoire IPRAUS-UMR AUSser et à l’institut de Transition Energétique
Pascal Lejarre, Architecte DPLG, Maître de Conférences TPCAU, Diplômé du Centre des Hautes Etudes de Chaillot
Julien Perraud-RAUM, Architecte DPLG, Maître de Conférences
Marie Clément, Architecte DPLG, Maître de Conférences TPCAU
Pascal Prunet, Architecte DPLG, Architecte en chef des Monuments Historiques, Professeur à l’Ecole de Chaillot
Xavier Bonnaud, Architecte DPLG, docteur en urbanisme, Professeur TPCAU, directeur du GERPHAU
Anne-Sophie Kehr, Architecte DPLG, Maître de Conférences titulaire TPCAU
Rozenn Kervella, Architecte DPLG, Ingénieur, MCF-STA titulaire
David Marcillon, Architecte DPLG, Maître assistant TPCAU, membre co-fondateur du GERPHAU/UMR du Laboratoire CNRS7218LAVUE LOUEST CNRS 7145
PS. Nous n’avons pas trouvé à ce jour de lien Internet pour signer cette lettre ouverte. Ceux qui le souhaitent peuvent donc adresser un mail à Xavier Gonzalez ou Marc Mimram, co-rédacteurs de ce courrier.